Nous avons récem­ment pub­lié récem­ment une inter­view de Ercan Jan Aktaş, à pro­pos de l’ob­jec­tion de con­science en Turquie, et de l’ag­gra­va­tion des con­di­tions qui sont faites, là aus­si aux objecteurs et objec­tri­ces sous l’é­tat d’urgence.

Ercan Jan Aktaş, dans ses répons­es, par­lait aus­si de son exil. Il com­plète cette inter­view par une let­tre qu’il adresse à ses com­pagnons de lutte désormais.

Nous en prof­i­tons pour com­pléter une réflex­ion que nous avions entamée à Kedis­tan, sur, juste­ment, l’ex­il for­cé de nom­bres de per­son­nes, qui, pour les unes, n’é­taient que des per­son­nes civile­ment et humaine­ment “engagées”, qui se sont retrou­vées en dan­ger devant la poli­tique aveu­gle de répres­sion du régime AKP, pour d’autres, des mil­i­tants poli­tiques ou d’as­so­ci­a­tions dis­soutes, en tous domaines.

Cet exil s’est fait sou­vent à la hâte, ou dans des con­di­tions dif­fi­ciles, avant que ne se refer­ment les pos­si­bil­ités en Turquie même, par décrets, visant des pro­fes­sions entières, et accom­pa­g­nant leurs licen­ciements, et du fait égale­ment de l’ac­cord Turquie/Europe sur les “migrants et réfugiés”.

Ain­si, comme ce fut le cas dans les années 1980, puis 1990, une “nou­velle strate” se crée dans la dias­po­ra turque et kurde, por­teuse de toutes les évo­lu­tions poli­tiques et sociales, de tous les “nou­veaux” ques­tion­nements, sur la nature même de cet Etat-nation turc qui les chas­se, ou du fait de l’émer­gence des “solu­tions kur­des”. Cet apport à la réflex­ion poli­tique ne peut se noy­er dans l’océan d’in­dif­férence, ou la cul­pa­bil­ité d’être là, alors que d’autres sont restés là bas, dans la prison de pier­res ou celle à ciel ouvert.

Chaque exiléE se pose la ques­tion de son “util­ité” ailleurs, lorsqu’il a lais­sé au pays un combat.

Lorsqu’il/elle con­state qu’i­ci, ses “caus­es” sont ignorées, défor­mées, bafouées, quand elles ne ser­vent pas par­fois de “pré­texte” à des par­tis locaux en mal d’in­ter­na­tion­al­isme, il/elle a le choix de “s’in­té­gr­er”, dans sa com­mu­nauté ou le quo­ti­di­en, ou de con­tin­uer à être elle/lui-même et de partager ici son bagage… et de régler des montres…

Encore faut-il qu’il/elle soit accueilliE.


Ma chère grande famille, CNT-FAI,
Mes camarades,

Je vis en France depuis env­i­ron un an. Vous m’avez ouvert votre cœur, vous m’avez ouvert vos maisons, vous avez fait tous les efforts pour moi comme pour emmen­er un enfant à l’école, en le prenant par la main.

J’ai essayé de sur­mon­ter les dif­fi­cultés que j’ai ren­con­trées, avec votre accueil chaleureux. Dès que je suis arrivé ici je n’ai reçu que de mau­vais­es nou­velles de mon pays. Les pra­tiques répres­sives et anti­dé­moc­ra­tiques de l’Etat turc sont allées crescen­do. J’ai essayé de lut­ter con­tre ces mau­vais­es évo­lu­tions avec le pou­voir que j’ai con­nues par vous.

De temps en temps, les rues de mon pays, mes cama­rades et ma famille me man­quaient beau­coup. J’ai essayé de sur­mon­ter tout cela avec votre sou­tien et sol­i­dar­ité. Main­tenant j’ai une ville adop­tive, qui s’appelle Pau, et j’ai une famille élargie. Où que j’aille, quoi que je fasse, mon cœur sera avec vous.
Je me sait très chanceux. Vous m’avez ren­du plus fort avec votre ami­tié, votre sou­tien et votre cama­raderie. Je vais pour­suiv­re ma vie avec la lutte qui nous rend plus fort et plus libre.

Ma deux­ième adresse en France sera prochaine­ment Paris. À l’âge de 45 ans, je vais com­mencer une troisième uni­ver­sité. J’é­tudierai la poli­tique à l’U­ni­ver­sité de Paris 8. Par ailleurs, j’es­saie d’or­gan­is­er des con­certs de sol­i­dar­ité pour les enfants qui vivent dans les villes du Kur­dis­tan détru­ites par les poli­tique de guerre de l’Etat turc.

Je vais aus­si m’in­ve­stir dans l’organisation des objecteurs de con­sciences, des LGBTI et des anti­mil­i­taristes, qui furent con­traints de quit­ter leur pays et de rejoin­dre un pays européen, du fait des poli­tiques de guerre en Turquie et au Kur­dis­tan. Je souhaite inté­gr­er ces dynamiques avec les asso­ci­a­tions, les struc­tures, les groupes et les per­son­nes pro­gres­siste de gauche en France.

Et je con­tin­uerai à trans­met­tre les informations.

Encore une fois, je tiens à vous remerci­er pour votre sou­tien, votre effort et votre coopéra­tion. Nous avanceront dans cette vie, d’une manière ou d’une autre, en lut­tant et en résis­tant ensemble.

Mon rêve est de vous accueil­lir un jour à İst­anb­ul et à Amed et d’ar­pen­ter à nou­veau les rues de ces deux belles villes avec vous.

Mer­ci encore à Babet, Ger­ard, Eliza, Jipé, Jano, Marko, Deboğa, Loren­zo et surtout les syndicats.

Ami­tié, avec la solidarité.
Ercan Jan Aktaş

 


Image à la une : Ercan fait des crêpes… (archive per­son­nelle)

Eng­lish: “Ercan Jan Aktaş • The fight that makes you stronger and freer” Clic to read

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Ercan Jan Aktaş
Auteur
Objecteur de con­science, auteur et jour­nal­iste exilé en France. Vic­dan retçisi, yazar, gazete­ci. Şu anda Fransa’da sürgünde bulunuy­or. Con­sci­en­tious objec­tor, author and jour­nal­ist exiled in France.