Le pho­tographe Çağ­daş Erdoğan a été arrêté à Istan­bul, selon son agence 140journos.
Il a été offi­cielle­ment arrêté le 13 sep­tem­bre et incar­céré de manière préven­tive avec la désor­mais tra­di­tion­nelle accu­sa­tion d’ap­par­te­nance à une organ­i­sa­tion terroriste.


Accusé d’avoir pho­tographié le bâti­ment MİT, (Cen­tre nation­al de ren­seigne­ment de Turquie), des pho­togra­phies précédem­ment pub­liées ont égale­ment été citées comme “raisons de son arrestation”.

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Dans un arti­cle, pub­lié sur Nos­tos, Sela­hat­tin Sevi nous par­le de lui avec des mots aus­si forts que son oeu­vre pho­tographique, et plaide pour sa libération.


Tra­duc­tion de l’ar­ti­cle de Sela­hat­tin Sevi pub­lié en turc, sur Nos­tos   | Eng­lish : “Çağ­daş Erdoğan’s Night Jour­ney” Click to read

Le voyage nocturne de Çağdaş Erdoğan

Seul, ceux qui savent où ils vont, pren­nent la route. Si les jours ne sont pas sûrs, pren­dre la route dans l’ob­scu­rité est plus facile et assuré. Lorsqu’il a retiré la cou­ette sous laque­lle il s’é­tait réfugié, ne sup­por­t­ant pas le plus petit ray­on de lumière, trau­ma­tisé par la guerre sale qu’il avait subi étant enfant, Çağ­daş Erdoğan s’est réveil­lé dans l’ob­scu­rité d’Is­tan­bul. Peut être pour cette rai­son,  n’a-t-il pas été dépaysé par ce qu’il a vu…

Au com­mence­ment du nou­veau mil­lé­naire, le cli­mat du pays avait un brin changé. Le fait que le pou­voir tra­di­tion­nel cède sa place à l’op­po­si­tion éter­nelle avait instau­ré une rel­a­tive détente. Mais la sit­u­a­tion avait changé seule­ment dans l’ex­er­ci­ce du pou­voir. La réthorique qui exclu­ait et dis­crim­i­nait ses sujets, se tenait bien à sa place.

L’époque où son monde intérieur a ren­con­tré la vie con­tem­po­raine recoupe chez lui celle où le jeune pho­tographe Çağ­daş Erdoğan aperçoit “l’autre”. Son entourage social dans la grande ville, fut naturelle­ment les Kur­des et les Alévis qui essayaient de s’ac­crocher, après l’ex­il for­cé. Dans sa nou­velle demeure, d’autres iden­tités furent ses voisins : les Rroms, les groupes ayant des ten­dances sex­uelles dif­férentes, des frac­tions qui choi­sis­sent la vio­lence comme méth­ode… Dans l’ob­scu­rité d’Is­tan­bul, il y avait aus­si bien ceux qui mour­raient par balles tirées lors du traf­fic de drogue, que ceux qui se lais­saient déchi­queter leur corps à mort, dans le com­bat des chiens. Ceux qui per­daient leur vie par balle au milieu de la rue, et ceux qui fai­saient vivre aux citadins des plaisirs d’un moment, étaient des habi­tants du même quarti­er, au bout du compte.

Çağ­daş Erdoğan, selon sa feuille de route qu’il nom­mait “Night blind’, a pour­suivi son voy­age noc­turne pile sur cet itinéraire. C’é­tait quelque part, la rai­son de son amé­nage­ment dans le quarti­er Gazi, en 2014. Parce qu’il ne parais­sait pas étranger, en revenant dans le quarti­er, au retour d’escapades qui ali­men­taient son histoire.

Les ghet­tos con­tem­po­rains nés des vil­lages et des hameaux brûlés en 1990, vivent peut être pour cela, le déjà-vu d’une autre anéan­tisse­ment. Même si les opéra­tions “Sérénité”, les poli­tiques de réha­bil­i­ta­tion urbaine, por­tent le nom d’ ”urban­i­sa­tion mod­erne”, en réal­ité, ce qui se passe, c’est la purifi­ca­tion de ces lieux. Comme à Sulukule, toute une époque des Rroms, avec leur style de vie à eux, a été sac­ri­fiée à une réha­bil­i­ta­tion monot­o­ne… bien­tôt, la même chose se déroulera pour ces ghet­tos. Insuff­isam­ment d’é­coles et de class­es peu­vent être mis­es à dis­po­si­tion de la jeune généra­tion. Les enfants et les jeunes essayent de prou­ver leur exis­tence autrement. Réus­sir peut être pour eux, par­fois, le démem­bre­ment d’un chien rival. Par­fois, un état d’ape­san­teur avec une drogue syn­thé­tique… Quand les habi­tants tra­di­tion­nels de la ville s’en­dor­ment, la vie com­mence pour eux. Des per­son­nes de groupes soci­aux et de métiers très divers, par­ticipent lors des fêtes extra­or­di­naires, à des états extrêmes d’une vie dont ils ne peu­vent vivre l’ordinaire.

Çağ­daş Erdoğan, qui a passé son enfance en exil for­cé, à Bur­sa, une ville con­ser­va­trice accueil­lant beau­coup d’ex­ilés, fut témoin de tout cela et il a doc­u­men­té ce qu’il a vu. Il a remar­qué que le temps des dis­crim­i­na­tions, et des répons­es à celle-ci s’emprisonnait dans les nuits. Trans tra­vailleuse du sexe, la sculp­ture de Tau­reau [emblème du quarti­er Kadıköy] clouée à ses pieds sur du béton, pour que les pas­sants puis­sent pren­dre des pho­tos sou­venirs, le chauf­feur de taxi rêvant d’une course longue, au milieu d’une manif, se faisant réqui­si­tion­ner son taxi pour une bar­ri­cade, l’ac­tiviste au masque rouge se lais­sant bercer par le gaz lacrymogène…

Comme tout, la nou­velle vie de Çağ­daş Erdoğan, était loin de Muş, sa ville natale. Le tra­vail d’a­gence dans lequel il s’est trou­vé avec le pre­mier ent­hou­si­asme de jour­nal­iste-pho­tographe, a duré peu de temps. Même si le fait de voir son tra­vail dans les pages de New York Times, The Guardian, Der Spiegel, BBC l’a ému, cela est resté der­rière comme une aspi­ra­tion éphémère.

L’hiv­er dernier, l’ate­lier de livre maque­tte organ­isé par FUAM [Cen­tre de recherche et de Pho­togra­phie appliquées] à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan d’Is­tan­bul, lui a ouvert de nou­veaux hori­zons. Les respon­s­ables d’Ak­i­na Books, mai­son d’édi­tion inter­na­tionale ont beau­coup appré­cié son tra­vail. Ils ont alors pro­posé de pub­li­er son his­toire, en une série de livres, d’une façon que lui même n’avait jamais imag­iné. Çağ­daş Erdoğan, n’a pas refusé cette agréable surprise.

Ses pho­togra­phies de “couleur nuit”, inimag­in­ables et indi­ci­bles, ceux qui lui ont fait con­fi­ance et ouvert le monde de leurs imag­i­naires  les plus intimes, qui entrou­vrent les portes des plaisirs les plus fous, allaient trou­ver place dans les rayons des librairies, des bib­lio­thèques, en tant qu’al­bum d’une époque. Les “dépra­va­tions” les plus extra­or­di­naires, les con­tra­dic­tions et les con­trastes de la péri­ode la plus con­ser­va­trice du pays, avaient désor­mais la chance d’être exprimés dans la langue de la photographie.

Rien n’é­tait plus pareil qu’a­vant. En réal­ité, cela n’a jamais été comme avant. Des siè­cles s’é­taient écoulées après la grande cat­a­stro­phe. Selon les rumeurs, il y avait eu une époque où avaient vécu, des gens qui avaient témoigné de l’ex­is­tence du soleil. Les deux têtes de Cer­bère n’é­taient pas encore sac­ri­fiées à Erèbe. Sodome et Gom­or­rhe n’é­taient pas dévastés et les Lois de Ham­mura­bi étaient encore en place…

Çağ­daş Erdoğan a prou­vé qu’il était pos­si­ble de con­ter des his­toires sans fréquenter les cours de pho­togra­phie trans­for­més en site de ren­con­tre, sans prof­iter de l’héritage des pho­tos uniques dont la renom­mée occupe les bouch­es, et en boudant les con­cours à gros prix.

Son livre a été pub­lié par Aki­na Books, sous le titre “Con­trol”. Il a trou­vé sa place dans tous les fes­ti­vals et librairies pré­cieux, en dehors de la Turquie.

British Jour­nal of Pho­tog­ra­phy (BJP), respectable revue de la cul­ture pho­tographique a ajouté Çağ­daş Erdoğan dans “La liste des jeunes pho­tographes promet­teurs à suiv­re”. Quant à lui, dans le même temps, il fai­sait par­tie, avec d’autres pho­tographes tal­entueux de nou­velle généra­tion, d’une for­ma­tion nom­mée SO hébergée sous le toit de 140Journos, il courait après de nou­velles his­toires, d’Is­tan­bul à Artvin, de Diyarbakır à Cizre.

Jusqu’à ce qu’il se fasse arrêter la semaine dernière, après 12 jours de garde-à-vue. Il fut enreg­istré comme le 172e jour­nal­iste détenu dans les pris­ons turques.

Nous atten­dons la libéra­tion au plus vite de Çağ­daş Erdoğan, qui, dans une atmo­sphère où les just­esses et les erreurs se dif­fusent à la vitesse de la lumière, pour­suit lui sa route avec sagesse, instinct, partage et solidarité.

Pour qu’il puisse pos­er des ques­tions au pays, à la ville, à la nuit et au jour, et qu’il trou­ve les réponses.

Au fait, Babel, c’é­tait où ?
Qui étaient donc les pitres masqués…?”

Pour connaitre le magnifique travail de Çağdaş Erdoğan 
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