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Kazım Kızıl, alias “Ka”, journaliste de Kamera Sokak, vidéaste et réalisateur, avait été placé en garde à vue le 17 avril, alors qu’il couvrait une manifestation de protestation à Izmir, puis incarcéré en préventive pendant trois mois. A la première audience du 10 juillet, Kazım Kızıl et les 6 étudiants arrêtés en même temps que lui avaient été libérés sous contrôle judiciaire. Son procès continue cependant. Il est accusé d’insultes envers le Président.
Kazım Kızıl est juste un, parmi des milliers de journalistes poursuiviEs. Aujourd’hui 170 journalistes sont prisEs en otages et retenuEs dans les prisons de Turquie. Zehra Doğan, Deniz Yücel, Ahmet Şık, Ahmet Altan, ne sont que quelques autres noms… Loup Bureau en est aussi.
Peut-on les museler vraiment ? Ils utilisent tous les moyens pour crier la vérité. Comme le fait Ahmet Şık, qui n’a ni pu recevoir ni envoyer une seule lettre depuis plus de 200 jours de prison, ils inscrivent dans l’histoire leur vérité par voie de plaidoirie. Ou encore comme Zehra Doğan, journaliste et artiste à qui on a interdit son matériel pour créer, qui utilise les fruits de la cantine, qui deviennent peinture, et ses doigts pinceaux. Pas de papier ? Il y a des journaux… Et, un crayon bic et une feuille de papier à lettres, qui peuvent être suffisants pour réaliser un interview de choc depuis la prison.
En quittant les geôles, plient-ils/elles pour autant les genoux ?
Non, bien sûr.
“Ka” au boulot !
Voici un message de Kazım Kızıl, publié le 6 septembre sur son compte Facebook.
J’avais envie de me livrer (partager) un peu…
Vous savez, j’ai passé une période difficile. En fait, elle n’est pas passée tout à fait. A la foi le procès se poursuit, et.. voilà d’autres sujets de soucis… Ce n’est pas la peine d’entrer dans les détails de cette partie “d’autres”, car c’est plus qu’il faut pour un seul homme…
Pendant cette période de trois mois, il y avait deux choses qui m’ont beaucoup manquées, à part ma famille et mes amiEs ; ma caméra et la nature… Quand je suis sorti, je me suis presque jeté dans la nature. Ensuite, j’ai fait des p’tites choses minimales en noir et blanc… J’ai tellement subi le fer et le béton, dans cette période qui peut vous paraitre courte, mais qui m’a parue extrêmement longue, des gouttes sur une feuille, les retrouvailles de l’eau qui coule d’un tuyau, et la terre, la géométrie parfaite d’une toile d’araignée, le fait que mes pieds touchent les feuilles séchées sur le sol, le bruissement des arbres, ces petites choses (mais en vérité énormes) m’ont touchées de plus en plus. (Le jardin de ma Demet chérie…) De touts petits détails. Des p’tites choses qui deviennent, avec abstraction, encore plus magnifiques… C’est pour cela que c’est minimal…
Quant au noir et blanc, c’est une chose que fais depuis longtemps. D’abord, tout ce dont j’ai témoigné lors de l’attaque du 5 juin, ensuite les lieux, les personnes projetées dans la misère, en commençant par Cizre… Par dessus cela la période difficile de trois mois. J’ai commencé à voir tout en noir et blanc. A une telle intensité, que, alors qu’avant je prenais des images en couleurs et que je les modifiais après, maintenant je les fixe directement en noir et blanc.
Pendant cette période, je me suis trouvé devant beaucoup de questions du genre “Vas-tu écrire à l’intérieur, penses-tu faire un livre ? ”
Passons l’histoire de livre (parce que cela me parait ridicule), mais oui, il y a beaucoup de souvenirs, histoires et problèmes que je pourrais écrire, à propos de l’intérieur. Mais je n’ai même pas écrit ici sur Facebook, et je ne pense pas les écrire. Je ne veux pas raconter une histoire bâtie sur le fait que j’ai été en prison. Je veux juste, faire des vidéos, qui seront utiles (oui, il faut qu’elles soient utiles !), qui seront bonnes, bonnes du son à la musique, de la caméra au montage, de la couleur à la thématique. De bons documentaires. Je ne veux pas être “le garçon qui est allé en prison”, mais “le garçon qui fait des vidéos”.
Je suis dehors, depuis près de deux mois. Il fallait que je me repose. Je me suis un brin reposé. Il fallait que j’entasse de l’énergie, j’en ai entassé un brin. Il fallait que je me guérisse, je me suis guéri un brin. Même si c’est juste un brin, même si les difficultés arrivent avec la suite de la procédure, je me sens incroyablement “fort”.
Et maintenant ?
Maintenant il est temps de continuer à partir de là où j’étais resté. A partir de samedi, je serai aux alentours de Gaziantep, Kilis, Hatay, pour commencer les premiers travaux d’un nouveau documentaire.
Ce que je veux dire en plus court ; moi et ma caméra, revenons sur le terrain.
(PS : Ne croyez pas que les photos minimales sont terminées. Vous allez les subir encore un peu. Débrouillez-vous avec !)
Savourez les deux diaporamas de Kazım avec une sélection de photos intitulées “Minimal” et trois vidéos…
Kazım publie la vidéo suivante le 31 juillet, avec ce commentaire :
Voir les pierres non pas sur des murs mais à l’endroit où l’eau les embrasse ; voir l’eau non pas couler d’une fontaine mais ne pas se tenir à sa place, en effervescence… Après des tas de fer et de béton, voir quelque chose qui bouillonne… Que c’est beau !
“J’ai libéré l’eau !” disait Taloche*, “J’ai libéré l’eau !” Ah, comme c’est beau, comme c’est beau !
(*) Référence au film de Gatlib “Liberté”, 2009
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Facebook | Twitter @kazimkizil DECOUVRIR Magnifiques courtes vidéos sur son FB et surtout sur Vimeo
English Kazım Kızıl, aka “Ka” : OK, back to work!
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