Français | English

Şûjin, jour­nal d’in­for­ma­tion fémin­iste, a été inter­dit et fer­mé, suite à la pro­mul­ga­tion d’un décret n° 693, du 25 août. Les locaux de Şûjin et l’a­gence d’in­for­ma­tions Diha, qui est égale­ment inter­dite par le même décret, ont été scellés.

Nous avions annon­cé en décem­bre 2016, la nais­sance de Şûjin, source d’in­for­ma­tion fémin­iste, dont l’équipe était com­posée inté­grale­ment de femmes. Şûjin avait été fondée dans la tra­di­tion de l’a­gence d’in­for­ma­tion Jin­ha, (dont vous con­nais­sez une co-fon­da­trice, Zehra Doğan, en mars 2012). Jin­ha vécu ses derniers jours en 2016, fer­mée par décret le 30 octo­bre en même temps qu’une dizaine d’autres médias d’opposition.


LIRE AUSSI Le journal féministe “Şûjin” à la langue qui pique

Şûjin comme Jin­ha, adop­tait une ligne édi­to­ri­ale cen­trée sur les infor­ma­tions con­cer­nant les femmes, et util­i­sait un lan­gage jour­nal­is­tique anti-patri­ar­cal (que Kedis­tan leur emprunte volontiers).

Şûjin, pris comme cible, menacé

Beri­tan Elyakut de Şûjin

Beri­tan Elyakut, une des con­tributri­ces de Şûjin s’ex­prime : “Du fait d’avoir mis sur l’ac­cent sur les luttes des femmes, et mis à la lumière du jour, de nom­breuses agres­sions faites aux femmes, dans la vie famil­iale, pro­fes­sion­nelle, c’est à dire privée et publique, Şûjin a été mon­tré comme cible, ses con­tributri­ces ont été men­acées. Nous sommes par­faite­ment con­scientes des raisons pour lesquelles notre jour­nal a été fer­mé. Mais nous ne cesserons pas d’ou­vrir nos yeux et oreilles et nous con­tin­uerons à affich­er et dénon­cer partout, les injus­tices, les vio­la­tions des droits, les agres­sions et abus.”

Beri­tan souligne que sous l’é­tat d’ur­gence, les médias sont sous des attaques intens­es, “Nous nous sommes réu­nies, le jour de la fer­me­ture, et nous avons décidé de con­tin­uer notre tra­vail jour­nal­is­tique et de relay­er les infor­ma­tions que nous recueil­lons auprès des agences d’in­for­ma­tion, ain­si que sur les réseaux soci­aux. Aucune de nos amies, n’ont reculé et cela fut très enthousiasmant.”

Un journalisme “monotype” est imposé par le régime

La fer­me­ture des médias, dont le nôtre, veut dire, comme dans les années 90, musel­er les jour­nal­istes, afin de blo­quer le pas­sage des infor­ma­tions con­cer­nant la région du Sud-est, notam­ment vers l’ouest du pays” dit Beri­tan. Si nous n’é­tions pas là, per­son­ne n’au­rait su com­ment Kemal Kurkut a été tué en plein milieu des célébra­tions de Newroz, les tor­tures com­mis­es sur la pop­u­la­tion de tout le vil­lage de Şap­atan, et les abus et agres­sions sex­uels… De fait, toutes ces exac­tions seraient restées incon­nues, passées sous silence et par con­séquent se multiplieraient…”

Nous existions, nous existons, nous existerons !

En kurde, şûjin sig­ni­fie “la grosse aigu­ille de cou­ture”, celle qu’on utilise pour le gros oeu­vre, par exem­ple pour les sacs d’emballage… Ce nom avait été choisi : “Pour la planter dans la langue des médias mainstream !” 
L’outil şûjin est une inven­tion de femme, et şûjin inclu­ant le mot jin, ‘la femme’ en kurde, était par­fait pour représen­ter le journal.


Les femmes, qui ont com­mencé leur aven­ture d’autodéfense avec une aigu­ille, pour­suiv­ent leur lutte, même si le jour­nal Şûjin a été fer­mé par le régime. Equipées de crayons et caméras, elles con­tin­ueront à piquer la grosse aigu­ille, là où il faut, là où la dom­i­na­tion mas­cu­line, le patri­ar­cat, le sex­isme, le mil­i­tarisme, le racisme, le spé­cisme se montrent.

Beri­tan souligne : “En Turquie la présence d’une presse libre est pri­mor­diale. Nous pour­suiv­rons donc notre tra­vail, ‘sans nous préoc­cu­per du juge­ment des hommes’ comme l’an­nonce notre slo­gan”. Elle et ses cama­rades dénon­ceront et afficheront tous les médias et toutes les attaques ciblant la femme, sa vie et son corps.


Traductions & rédaction par Kedistan. Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
KEDISTAN on EmailKEDISTAN on FacebookKEDISTAN on TwitterKEDISTAN on Youtube
KEDISTAN
Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.