Nous apprenons qu’une opération organisée par le MIT (Service de renseignements turcs) ciblant des dirigeants du PKK a récemment échoué.
Selon des sources proches du PKK, le MIT projetait de commettre une attaque similaire à l’assassinat des trois militantes kurdes, Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Saylemez, commis à Paris en janvier 2013.
Ömer Güney auteur présumé de ce triple assassinat, est mort en décembre 2016, d’une maladie cérébrale avant que son procès qui était prévu en début 2017, ait pu avoir lieu. Les enquêteurs français avaient conclu à « l’implication » de membres des services secrets turcs, le MIT, dans ce triple assassinat, selon une source proche du dossier. Mais ils restaient prudents sur le degré d’implication du MIT et sur l’identité du donneur d’ordre. Comme l’écrivait le parquet à l’été 2015, lors de sa demande de renvoi définitif du procès de M. Güney en cour d’assises, l’instruction n’a pas permis d’établir si ces agents avaient agi « avec l’aval de leur hiérarchie » ou « à l’insu de leur service afin de le discréditer ou de nuire au processus de paix », entamé à l’époque entre Ankara et le PKK.
Les allégations sur le fait que les membres du MIT impliqués cette fois encore auraient été pris la main dans le sac par le PKK, ont créé des tensions entre l’AKP et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK). C’est cette tension qui a attiré l’attention et mis en lumière l’événement.
Alors que le Ministre des affaires extérieures turc, Mevlüt Çavuşoğlu, poursuivait sa visite à Hewlêr, le 23 août, la Turquie a fermé la représentation de l’UPK à Ankara, pourtant ouverte depuis 17 ans, et a expulsé son représentant Behroz Gelalî. Alors que tout le monde essayait de comprendre les raisons d“une telle décision, Gelalî, de retour vers Souleymanieh, a déclaré que “Dans les frontières de Souleymaniye, un problème avait été vécu avec la Turquie” sans pourtant donner pour autant davantage d’informations.
Cependant, deux jours plus tard, Sedî Ehmed Pîrê, le porte parole de l’UPK, s’est exprimé auprès de Voice of America (VOA) et a annoncé que “Le MIT avait préparé une opération ciblant le PKK, mais que celle-ci avait été mise en échec, et que la Turquie en accusait l’UPK”.
Le 28 août, Diyar Xerîb, membre du Conseil présidentiel de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) a confirmé la “prise” des membres du MIT : “Nous avons pu les mettre devant les caméras, en mettant des sacs sur leur tête.” Quant à Cemil Bayık, le co-Président du conseil exécutif du KCK, il s’est exprimé hier, au News Channel, et a précisé qu’un complot de grande envergure était révélé et avait été empêché.”
Selon les informations données par des sources proches du PKK, aux agences d’informations internationales, le MIT est impliqué depuis longtemps, dans des préparations d’opérations d’attentats et d’enlèvements, ciblant les haut cadres militants du PKK. C’est pour cela que de nombreuses cellules liées au MIT auraient été activées. Le PKK aurait empêché l’activité de certaines de ces cellules, et tenu sous contrôle certaines autres. Rappelons que le 7 août, une cellule de MIT avait été neutralisée entre Zakho et Batoufa.
Le MIT était jusqu’à aujourd’hui actif et opérationnel plutôt dans la ligne de Dohuk, Zakho, Erbil. Pour ce dernier volet, selon les médias du Kurdistan Sud, la région nommée Raperîn, (Ranya, Sengeser et Qaladze) fut choisie comme zone d’opération et une des cibles était Cemil Bayık en personne. Après des préparations menées en amont à Souleymanieh, les haut cadres du MIT y sont venus et ont donné le feu vert. Les mêmes médias, informent que ces derniers, ont été fait prisonniers avec les membres des cellules du MIT.
La chaîne de télévision du Kurdistan Sud, NRT annonce que les membres du MIT sont retenus près du barrage du Dûkan, mais il n’y a pas d’informations précises confirmant cette thèse.
Selon L’agence d’information Fırat (ANF) les deux cadres de MIT chargés de la coordination de l’opération, pris par le PKK, portaient des passeports diplomatiques turcs et faisaient partie de la branche anti PKK du MIT. L’agence rapporte également qu’après l’opération avortée, le MIT a pris contact avec l’UPK et demandé l’extraction de leurs membres des mains du PKK.
Une délégation de l’UPK s’est entretenue avec le PKK, mais n’a pas obtenu de réponse favorable.
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De telles actions programmées ne sont pas nouvelles. Le fait qu’elles se précisent, dans un contexte où l’après Raqqa nécessitera des pourparlers politiques internationaux, où la Turquie ne pourra avoir la place qu’elle ambitionne, et où peser sur les divisions territoriales et politiques, et surtout sur les options politiques kurdes, va devenir la règle, démontre la fébrilité du régime AKP.
Désireux d’une “victoire”, ne serait-ce que par des pratiques terroristes d’assassinats ciblés, contre des personnalités connues d’un mouvement que la dite “communauté internationale” maintient par facilité sur la liste des organisations terroristes, le régime AKP ne se contente plus des otages politiques qu’elle détient, ni des “chantages migratoires”.
Kedistan n’est pas un spécialiste du décryptage des “coups fourrés”, mais dans cet imbroglio de “services”, ne pouvait taire une information qui fait sens avec tous les durcissements et raidissements diplomatico-politiques du régime turc, les essais d’attaques multiples contre le Rojava, et la vague de répression intérieure qui ne cesse d’enfler.
En anglais : Kurdistan • The MIT Fails an Operation