Profitons-en, malgré la censure, pendant que des caricaturistes osent encore… Et le mois écoulé en a inspiré quelques uns. Mizah Haber, fidèle du haut de sa vigie en livre une dizaine.
Une violoncelliste qui jouait dans la rue à Istanbul, à Kadıköy, un quartier touristique, pour le plaisir des passants a été placée en garde à vue et molestée. Soupçonnée de terrorisme parce qu’elle aurait pu porter une “bombe” dans son étui, elle fut frappée, entre autres, à coup de drapeau turc… Un classique ?
Dessin de Sefer Selvi (Evrensel)
- La fille est terroriste, l’instrument est une bombe, et ça, c’est quoi mon frère ?
- Des documents d’organisation ! (sous entendu terroriste)
Les mouvements de femmes ont manifesté contre les violences patriarcales, et le sexisme dont elles sont victimes du fait du port de tenues jugées irrévérencieuses et déplacées, incitant au viol. Elles ont manifesté pour dire haut et fort que la problème de tenue était un prétexte pour dissimuler les réelles causes de violences faites aux femmes, et les viols et meurtres qui montent en flèche, y compris dans les lieux non privés…
Couverture de la revue satirique Uykusuz
Dans la liste de la revue Forbes “La pays les plus dangereux pour les femmes”, la Turquie est en 9ème position.
- Le diable me dit, porte le pays trois rangs plus haut…
Le journaliste Ahmet Şık était traîné devant le tribunal une fois de plus, alors qu’il croupit en prison depuis neuf mois. Sa plaidoirie est une mise en accusation du régime sur la dernière décennie. En prison, on lui interdit toute correspondance. Et il n’a pas mâché ses mots.
Dessin de Sefer Selvi (Evrensel)
Ahmet — Jusqu’aujourd’hui, je ne me suis jamais baissé que pour embrasser les mains de ma mère et de mon père, et je vais continuer comme ça.
Le juge — Il a fait tenir tout ce qu’il n’a pas pu écrire depuis neuf mois, dans neuf minutes.
A propos du changement climatique, mis en cause dans les inondations récentes à Istanbul…
Dessin d’Emre Ulaş
- Monsieur, la température et l’humidité augmenteront beaucoup, c’est à dire qu’il peut y avoir de nouvelles catastrophes et inondations… L’opposition météorologique* nous crée des problèmes !…
— Jetez les tous en prison !
*Terme utilisé en turc pour “conditions météorologiques défavorables”
Le Ministère de l’Education, ou ce qu’il en reste, a délégué une partie des “enseignements” par contrat avec une vieille institution éducative islamiste (Ensar)… Institution qui en 2016 fut impliquée dans des abus sur mineurs.
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Dessin de Nuhsal Işın
Panneau : Fondation Ensar
Pancarte : Bienvenus
- J’ai comme une impression que les enfants n’ont pas trop aimé la coopération d’éducation que nous allons faire avec la fondation.
Après le retrait de la “théorie de l’évolution de Darwin” du programme scolaire, la mise en place de “cours de djihad”, et la coopération d’éducation signée avec la Fondation Ensar, le Premier Ministre fait ses comptes sur ce qu’il lui reste à “éradiquer”…
Dessin de Sefer Selvi (Evrensel)
- La théorie d’évolution c’est bon. Les cours de djihad c’est bon. Le protocole avec Ensar c’est bon. Maintenant c’est le tour de la façon de vivre.
Saluons la libération provisoire du caricaturiste Musa Kart, toujours poursuivi néanmoins.
Dessin de Behiç Pek
Petite devinette :
— Comment un caricaturiste peut-il donner le sourire aux gens, sans dessiner et sans écrire un seul mot ?
- Avec sa libération !
Toujours sur le contrôle, la censure des médias et de la presse en général par le Reis.
Rappelons que dans les actes d’accusation des journalistes de Cumhuriyet il figure des éléments comme “avoir versé de l’argent au poseur de parquet, dont le fils prenait ses déjeuners dans un salon de pide (pizza turque) dont le patron serait lié à la confrérie de Gülen”, (appelée FETÖ, Organisation terroriste de Fetullah Gülen) qui est accusée d’avoir organisé le coup d’Etat raté du 15 juillet)…
Dessin de Sefer Selvi (Evrensel)
- Bien sûr que vous serez jugés… Ils ont appelé le vendeur de pide, ils ont contacté le poseur de parquet, et pas une seule fois ils ne m’ont appelé pour me demander ‘quelle manchette devrait-on choisir aujourd’hui’ !
Le procès des journalistes de Cumhuriyet qui n’en finit pas et plane comme une menace au dessus de la tête des quelques journalistes d’opposition encore en liberté.
Couverture de la revue satirique LeMan
Les auteurs et dessinateur de Cumhuriyet, devant le juge, la première fois, après neuf mois d’incarcération, le jour de la “Fête de la presse”. Nous avons été témoins des plaidoiries historiques.
Le juge — Alleeez, aujourd’hui c’est votre fête, pourquoi tirez- vous la gueule ?