L’obligation de port de “tenue unique” dans les prisons, revient de nouveau dans l’actualité. Or, cette pratique fut dans les années 80, l’objet d’une longue et intense résistance, luttes juridiques et grèves de la faim dans les prisons, aboutissant à la suppression de cette pratique humiliante et inique, non sans avoir laissé derrière, de nombreux morts.
L’uniforme pour les détenus de nouveau d’actualité
Les premières audiences des procès concernant les accusés de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 ont commencé.
Lors d’une audience du procès dit “FETÖ” [L’organisation terroriste de Fetullah” dont le leader Fetullah Gülen, ancien ami et compagnon de route d’Erdoğan, devenu son ennemi numéro un] un des accusés s’est présenté devant le tribunal de Muğla, portant un t‑shirt avec le mot “Hero” imprimé en grandes lettres. C’est cela qui a ressorti de sa tombe, cette ancienne méthode de répression carcérale “le port d’uniforme”.
Erdoğan a commenté en ce sens lors de son discours pour la commémoration du 15 juillet, date où l’Etat turc a fait hommage au “courage” de la “Nation turque”, qui fut “rempart devant les putschistes”, écrivant là une “nouvelle légende dans l’Histoire”. Il a annoncé : “J’ai parlé récemment avec notre Premier Ministre, je lui ai dit, quand ceux-là [les accusés] se présenteront devant le tribunal, amenons-les comme à Guantanamo, avec des uniformes.”
Ensuite Numan Kurtulmuş, le porte parole du gouvernement, a déclaré à son tour, que le gouvernement allait se mettre au travail, sur ce sujet. “Le fait que ceux-là [les accusés] se présentent devant les tribunaux avec des tenues uniques, est en effet le moyen le plus correct. Notre ministère de Justice travaillera sur ce sujet.”
Erdoğan a réitéré ses propos le 5 août, lors de l’inauguration du stadium de Hatay : “… Mais maintenant à ceux-là, nous apportons la tenue unique. La tenue unique ! Comme couleur, vous voyez amande ? Il sera couleur amande, en un peu plus foncé. Il sera de deux types. Il y aura une combinaison. Et il y aura une veste-pantalon. Une partie de ceux-là, disons les putschistes, porteront la combinaison, et les autres, c’est à dire les terroristes, porteront la veste et le pantalon. A partir de maintenant, ils ne peuvent plus s’habiller comme ils veulent et venir [au tribunal] comme ça. Et ceux-là, se feront afficher, de cette façon, à la face du monde.” (vidéo)
Grèves de la faim dans les prisons
Rappelons que les grèves de la faim, comme forme de lutte dans les prisons turques, ont une longue histoire. Les débuts remontent dans les années 30, à l’incarcération du poète Nâzım Hikmet, en passant par Deniz Gezmiş, Yusuf Aslan, Hüseyin İnan, avant leur exécution en 1972. Les deux vagues importantes dans les années 80, ensuite 2000, qui ont fait de nombreuses victimes. Et aujourd’hui, Nuriye Gülmen et Semih Özakça, deux enseignants licenciés par décret, qui continuent leur grève de la faim en incarcération.
Mais regardons de près les grèves de la faim qui eurent entre autres revendications, la suppression de l’uniforme.
Après le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, le port de l’uniforme a été imposé la première fois dans la prison Sultanahmet (Istanbul). Ensuite, la pratique s’est petit à petit étendue sur les autres prisons pour les hommes. De sérieuses luttes, dont des grèves de la faim, et des “jeûnes de la mort” [grève de la faim sans absorption d’eau sucrée ou salée] ont été menées contre cette pratique. Les détenus refusant de porter la tenue unique, étaient mis en cellules d’isolement. Lors de ces résistances les prisons de Metris (Istanbul), de Mamak (Ankara) et de Diyarbakır étaient en première ligne. Une grève de la faim a débuté en 1984 à Metris. La grève à laquelle 400 prisonniers ont participé, s’est transformée au bout de 45 jours, en un “jeûne de la mort” et Abdullah Meral, Haydar Başbağ, Fatih Öktülmüş et Hasan Telci y ont perdu la vie.1
En 1985, il restait encore 35 détenus en grève de la faim à Metris. En février 1986 l’obligation du port de l’uniforme a été supprimée. En juillet 1987, 50 prisonniers ont entamé une grève de la faim à la prison de Sağmacılar et cette résistance s’est étendu aux prisons en Anatolie. Suite aux pourparlers que les représentants de TAYAD (Association de solidarité avec les familles des prisonniers) avaient entrepris avec les autorités, les revendications des prisonniers ont été acceptées et le 13 août 1987 les grèves de la faim se sont arrêtées. En 1988, dans la prison de Diyarbakır, le prisonnier Mehmet Emin Yavuz est décédé lui aussi, suite à une grève de la faim. Le Ministre de la Justice de l’époque, Mehmet Topaç, avait donné une nouvelle fois l’ordre de rétablir l’obligation de la tenue unique dans les prisons, mais encore une fois, suite aux grèves de la faim, entamées dans de nombreuses prisons, elle n’a jamais pu être mise en pratique.2
Pour les détails et la chronologie des luttes et les grèves de la faim dans les prisons en Turquie jusqu’en 2002, vous pouvez survoler cette brochure en pdf
Cette photo fut prise par le journaliste Deniz Teztel lors de la première audience du procès de THKP‑C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple), lors de laquelle, les accusés, refusant de porter l’uniforme, se sont trouvés devant les juges, en sous-vêtements.
Témoignage d’Ertuğrul Mavioğlu
Ertuğrul Mavioğlu, est journaliste, et l’auteur entre autres, d’une série de 3 livres “Le règlement de compte du 12 septembre” (Livre disponible en turc et en pdf ICI) et le premier tome parle de cette période : “Ceux qui n’ont pas été pendus, mais nourris”, titre faisant référence aux paroles* de Kenan Evren, chef de l’état-major du coup d’Etat militaire du 1980, devenu ensuite Président de la République.
*Kenan Evren avait dit “Nous devrions ne pas le pendre mais le nourrir peut-être ?” pour Erdal Eren, militant du TDKP (Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie), arrêté avec 24 autres personnes durant une manifestation, et accusé du meurtre d’un soldat durant celle-ci. Erdal fut exécuté par pendaison le 13 décembre 1980 à l’âge de 16 ans, après la modification de son âge pour permettre sa pendaison.
Ertuğrul Mavioğlu, en prison à cette époque, écrit dans son livre, “A cette période, le port de la tenue unique était un moyen de dépersonnalisation et d’uniformisation, au centre de toutes les offensives.
Le 17 août 1983, les administrations des prisons, selon le circulaire 13–1, ont commencé à confisquer les affaires personnelles des détenus.
Nous avons été obligés de porter des pyjamas que nous confectionnions à partir des draps et housses de couette. Une partie de nos affaires qu’ils ont confisquées lors des opérations, ont fini par pourrir dans des entrepôts, et l’autre partie a été volée.
La résistance contre le port de la tenue unique, n’était pas une simple histoire de porter ou non un bout de tissu sur son dos. Si on acceptait de le porter, la répression n’allait pas diminuer non plus. Au contraire, cela jouait un rôle qui servait à soumettre, et qui ouvrait un boulevard devant d’autres injonctions et offensives de plus grande envergure.
Plus l’injonction agressive augmentait, plus la résistance s’intensifiait. Le “jeûne de la mort” a donc été entamé dans ces circonstances, le 11 avril 1984, dans le quartier d’isolement, par les détenus du Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire) et TIKB (Union des communistes révolutionnaires de Turquie). En deux jours, les détenus des autres sections et quartiers de la prison de Metris (Istanbul), et de la prison de type spécial de Sağmalcılar (Istanbul), avaient rejoint la mobilisation.
Nos revendications étaient concrètement celles-ci : Suppression de l’obligation du port de l’uniforme, fin des tortures, ré-instauration de conditions humaines et sociales, et la reconnaissance du statut de prisonnier politique.”
Dans cette période, parallèlement à l’obligation de l’uniforme, d’autres moyens de répression humiliants, tel que le rasage des cheveux façon coupe militaire, ou encore des mises en rang au garde-à-vous, étaient imposés au prisonniers.
Ertuğrul Mavioğlu lors d’une interview donnée à Ayça Söylemez, publiée sur Bianet le 4 août dernier dit :
“D’une part, Guantanamo n’est pas un endroit à prendre comme exemple. C’est une prison connue pour ses mauvaises pratiques, qui attire la réprobation du monde.”
“Le fait que ce sujet, réapparaisse à nouveau dans les discussion est un signe qu’un totalitarisme lourd est arrivé en Turquie.”
“Ce genre de pratiques, une fois mises en place, même en ciblant certaines personnes, entrouvrent la porte à d’autres conditions de persécution qui concernent tout le monde. Par exemple les pratiques sur les détenus de FETÖ emprisonnés à la prison de Silivri, se sont étendues aux détenus du journal Cumhuriyet.”
Sur les médias pro-régime…
Le même jour, les médias aux ordres relayaient avec joie, que le Ministère de la Justice avait avancé sur ses “travaux” concernant l’uniforme dans les prisons :
“Suite aux entretiens avec les autorités des administrations des prisons, les chefs d’ateliers de couture, et des ingénieurs de textile, ces idées ont été majoritairement discutées et retenues. Les uniformes que les détenus de FETÖ porteront, seront constitués de pantalon et chemise, en alpaga, matière correspondant aux conditions climatiques. Les tenues seront de couleur amande séchée.” [couleur excrément, joliment dit]
“Leur confection sera planifiée pour les ateliers de textile dans les prisons ouvertes de Bandırma et Bursa. Actuellement les modèles sont en préparation. 50 mille tenues seront envoyées vers les prisons où se trouvent les détenus FETÖ.”
“La majorité de la société turque demande un nouveau design du judiciaire” disent-ils, “et nous faisons notre possible pour vous informer, en cherchant des réponses à toutes les questions que vous pouvez vous poser”…
La publication qui suit, trouvée sur le site d’un journal la voix de son maître [pas de pub] se présente comme un diaporama sur 8 pages, où défile le prédigéré et le “on vous dit tout”, spécialistes à l’appui. Version semi commentée de ce “journal” présentée par nos soins, pour donner un aperçu de cette voix là, quasi ventriloque en Turquie…
> La tenue unique, qu’est-ce que c’est ?
“Dans le monde, en général, commençant par les Etat-Unis, les prisonniers, et les personnes détenues en cours de jugement sont sujet à l’obligation du port de la tenue unique. Cette pratique est importante pour la discipline et la réhabilitation recherchées dans la prison, et elle favorise l’effacement du statut social d’avant leur détention, dont les coupables portent des traces. Elle crée une prise de conscience chez le coupable. Du point de vue psychologique, le fait que cette approche soit pratiquée est un facteur important de réinsertion des coupable vers la vie civile, et est reconnu comme une évidence.”
Propos illustrés d’une photo dont la légende est : “Exemple de tenue unique dans les prisons américaines, dans une scène de “In Hell” un film de 2003 avec Van Damme”
> Pourquoi est-il d’actualité en Turquie ?
“Après la présentation de Zekeriya Kuzu, jugé pour tentative d’attentat contre Erdoğan, devant le tribunal en veste et cravate, des citoyens ont ouvert des campagnes demandant la pratique de l’uniforme. De millions de citoyens le demandent. L’arrivée de Gökhan Güçlü à son procès, portant un t‑shirt avec l’inscription HERO a attiré l’attention.”
Illustré de doubles photos des concernés, lors de leur arrestation et arrivants au tribunal en tenue “correcte”
> Que disent les règlements des prisons ?
“Dans les règlements des prisons modifiés en 1983, et reformulés en 1987 on trouve ; (Article 82) Concernant les détenus en cours de jugement : si les vêtements des détenus ne sont pas suffisants, ou doivent être confisqués à des fins juridiques, les vêtements de la prison peuvent leur être proposés. (Article 93) Concernant les prisonniers, ils ne sont pas autorisés à se procurer de la nourriture, literie et vêtements en dehors de l’administration de la prison. (Article 96) Des tenues carcérales sont remises à chaque prisonnier, et le condamné est forcé de le porter.”
Dans quel contexte pour ce dernier article ? Mystère…
> Deux mesures…
Petit détail apporté à propos du t‑shirt “Hero”, juste comme ça en passant. Nous apprenons que “le personnel de la prison qui a laissé passer ce vêtement sera poursuivi” et que “tous les vêtements des putschistes FETÖ seront retirés et examinés un par un, et que le port de tous les vêtements comportant des inscriptions en langue étrangère, à commencer par l’anglais, sera empêché “.
Bien…
> “L’avis de l’avocat ?”
Mais oui, que dit-il ? Il se fait procureur… Il dit qu’ “il y a 119 accusés et avec leurs proches et familles dans la salle d’audience, ils forment la majorité, et cela crée une ambiance particulière. Il faudrait repenser un nouveau design pour le judiciaire. Il faudrait une pratique différente pour ces individus qui sont jugés pour tentative de coup d’état. C’est un crime politique et ils continuent à le commettre. Des messages sur des t‑shirts, des intimidations, des comportements continuent. Il faut faire des travaux pour qu’ils ne puissent plus continuer ces provocations. La tenue unique est un des exemples [de mesure à prendre], et est nécessaire. Par ailleurs, en ce qui concerne les procès à accusés nombreux, ils doivent être amenés, en prenant les précaution de sécurité qui s’imposent, mains et pieds menottés. Il faut des images qui resteront gravées dans la mémoire des gens. Et ainsi, la conscience de l’opinion publique sera également satisfaite.”
> “Comment cela se passe-t-il dans les autres pays du monde ?”
“Dans différents pays du monde, la pratique de l’uniforme est répandue. L’exemple le plus important est celui des Etats-Unis. En Amérique, jusqu’au 19è siècle, on habillait les prisonniers de tenues rayées, noir et blanc. Au début de 20è cette pratique a été abandonnée et différents modèles ont été préférés. A partir des années 70, dans plusieurs prisons des Etats-Unis, des uniformes oranges ont commencé à être utilisés… Bla bla bla, avec exemples, et photos.… se terminant bien sûr, pour rester conforme à la parole du Reis, “Egalement, dans la prison de Guantanamo qui attire l’attention du monde [on se demande pourquoi] des uniformes oranges sont donnés aux prisonniers.
Propos illustrés par deux photos de détenus, dont un, se tenant tête baissée, entre des gardiens. Il ne manque qu’un Charlie Chaplin en uniforme…
>“La vision des partis politiques ?”
L’article nous éclaire sur les différents avis au Parlement. Nous avons la vision de l’AKP, “pour” et du CHP, “contre”.
C’est tout. Il n’y a pas d’autres partis en Turquie. Page suivante…
> Le clou du spectacle : “Enquête : Que veut le peuple ?”
“De millions de citoyens, exigent l’obligation de la tenue unique pour les putschistes traitres qui ont participé à la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. Les citoyens qui clament partout le slogan “Nous voulons la peine de mort !” montrent ainsi leur réaction aux messages vestimentaires des accusés.
Messages vestimentaires !
L’enquête organisée par notre journal, fait apparaitre un tableau qui attire l’attention. L’enquête selon laquelle près de 3000 personnes ont répondu à la question “Faut-il passer à la tenue unique pour les accusés du 15 juillet ?”, en choisissant “oui” ou “non” a donné des résultats qui ont pris forme dans un très court laps de temps : 89% ont voté “oui”, et 11% “non”.
Aargh ! 11% de traitres !
L’article se termine sur cette même page, avec une piqûre de rappel sur le t‑shirt HERO, illustré de la photo suivante, prise sur la place devant la Chambre de Commerce et d’Industrie, car le Tribunal de Muğla étant petit, l’audience s’est déroulée dans ces locaux… “Les citoyens qui se sont rassemblés [des millions] sur la place, ont installé un échafaud, ont jeté des cordes sur les prévenus et ont lu leurs noms, puis scandé “pendaison !”
En uniforme devant le juge
Une personne qui est accusée, même si elle est détention pendant son jugement, n’est pas encore condamnée.
Ce qui signifie qu’elle porte encore l’espoir d’un acquittement. Lors de son parcours judiciaire, l’accusé doit se présenter devant les juges, se défendre, répondre aux questions, s’exprimer. Il est évident que se présenter avec une tenue acceptable peut jouer en sa faveur. Bien sûr, le régime voudrait enlever cette possibilité aux prisonnier politiques. Pourtant, concernant les délits et crimes de droit commun, elle fait son “effet” et “traditionnellement” l’objet d’une prise en compte. Nous avons d’ailleurs publié de nombreux articles concernant particulièrement des assassinats, agressions ou viols de femmes ou d’enfants, où les auteurs ont bénéficié de réductions de peines considérables, “pour une cravate bien nouée”… L’Etat encourage là, les féminicides et les violences, par voie de Justice, et tenue correcte exigée…
L’uniforme en prison est un outil d’humiliation qui a un pouvoir psychologique. Il vise à asservir, dépersonnaliser, et à distinguer le condamné par son délit, et le choix des couleurs en ce sens est loin d’être innocent. En l’occurence la couleur “amende séchée” comme décrivent les autorités turcs rappelant la couleur d’excrément ne nécessite aucune explication. Obliger les prisonniers à porter l’uniforme, est un acte de d’assujettissement pur et simple. Autant l’uniforme militaire ou policier est perçu par les civils comme une force supérieure, ou encore la blouse blanche représente une “autorité” scientifique par exemple, à l’inverse, la tenue unique pour le prisonnier met celui-ci dans la position de soumission.
Nouveau projet de loi
Aujourd’hui 6 août, la commission présidée par Dr. Sulhi Dönmezer, qui travaille sur la reforme de loi concernant l’exécution des peines et des mesures, a présenté le projet à Cemil Çiçek, Ministre de Justice. (Bianet)
Le projet contient comme annoncé, l’obligation de la tenue unique et ouvre la possibilité d’intervention par la force, sur les détenus qui font une grève de la faim.
En résumé, l’article 64 du projet, stipule “Le fait que les détenus s’habillent librement, peut gêner la discipline entre les prisonniers, faciliter les évasions”. Selon le projet, les administrations des établissements pénitentiaires pourront s’ils le trouvent nécessaire, imposer le port d’uniforme.
Aucune publication qui “mettrait en danger la sécurité, et qui contiendrait des articles, informations et photos obscènes, ne seront autorisées pour les prisonniers”.
Encore une fois, le flou, laissé à l’appréciation et à l’interprétation de l’administration pénitentiaire, permet des décisions arbitraires, sous le prétexte de la décence.
Lorsque le projet sera force de loi, les détenus pourront acquérir toutes les éditions en payant le prix et “dans les chambres, il n’y aura pas plus de livres que nécessaire.”
Quel est le nombre “nécessaire” de livres dans des quartiers et chambres ? Comment est calculé cette “nécessité” ?
“Les prisonniers pourront être obligés de travailler, dans les foyers de travail ou ateliers, ainsi que dans des endroits extérieurs à la prison, tels que chantiers de constructions et mines. Dans ces cas de figure, ces personnes seront rémunérées sur les revenus obtenus de leur travail et ils seront déclarés.”
Par ailleurs, notons que la construction des prisons de type L, basées sur la mise au travail se poursuit. A la finalisation de ces constructions, la plus grande partie des prisonniers seront dans l’obligation de travailler.
Retour de cent ans en arrière ? Main d’œuvre bon marché ?
Le projet permet “l’intervention par la force, en cas de grève de la faim”, et donc l’alimentation forcée.
Cette forme de résistance certes la plus radicale, sera donc retirée aux prisonniers. Si ce point est ajouté au projet de loi, pour accompagner l’obligation de l’uniforme, c’est justement parce que les grèves de la faim, ont fait leur preuves dans le passé, malheureusement non sans graver les noms des victimes, mortes ou handicapées à vie dans l’histoire des prisons en Turquie.
On peut poser également la question, sur le cas de Nuriye et Semih en grève de la faim, depuis 151 jours aujourd’hui, et jetés en prison depuis le 22 mai. Une résistance devant laquelle le régime ne veut pas céder… Nuriye et Semih ayant dépassé la phase critique depuis longtemps, poursuivent leur grève avec détermination, réclamant toujours la même chose, leur travail. Seule, une intervention par la force, pourrait empêcher leur perte, et l’Etat turc sait que s’ils périssent, la situation risque de devenir encore plus compliquée.
Cette réforme de la loi, permettrait au gouvernement cette seule sortie, pour les maintenir en vie.
D’une pierre plusieurs coups.
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English: Turkey • The Return of Prison Uniforms