A quelques jours d’in­ter­valle, une arresta­tion, celle de Loup Bureau, jour­nal­iste français, et une lourde con­damna­tion de deux ressor­tis­sants tchèques, Marké­ta Všeli­chová et Miroslav Farkas, arrêtés eux aus­si au point de pas­sage entre Turquie, Irak et Syrie, en novem­bre 2016, nous infor­ment sur les volon­tés du régime turc.

S’il est un fond com­mun aux arresta­tions de jour­nal­istes, qui rejoint celle des 160 incar­cérés de Turquie, et la fer­me­ture et inter­dic­tions de près de 200 médias, il est aus­si une offen­sive directe­ment liée à la volon­té d’Er­doğan de voir fig­ur­er en bonne place les YPG/YPJ sur les listes du “ter­ror­isme inter­na­tion­al”, qui ont qua­si valeur “juridique” pour accuser et faire condamner…

Les actes d’ac­cu­sa­tion se déclineront ensuite entre “pro­pa­gande pour”, “col­lab­o­ra­tion avec” ou “appar­te­nance à”.

Ain­si, selon l’agence de presse turque Anadolu, (la voix de son maître en Turquie, con­sid­érée pour­tant bien sou­vent comme Afp) les deux Tchèques “organ­i­saient une pro­pa­gande anti­turque en Europe, comme le con­firmeraient leurs dif­férents voy­ages en Syrie et en Irak”. Et de s’ap­puy­er sur Google qui n’est pas le meilleur ami dans ce cas là, puisqu’on y a posté des “images” qui servi­ront à démon­tr­er votre “col­lab­o­ra­tion terroriste”.

Le jour­nal­isme devient un crime, par porosité.

Pour s’en pré­mu­nir, il faudrait alors être “mem­bre de forces spé­ciales” de la coali­tion, seules autorisées à fréquenter les forces kur­des, ou bien “embed­ded” avec les sus-citées, comme voix de son maître sou­vent de la dite coalition.

Nous n’avons encore reçu aucune infor­ma­tion de Turquie. Mais si je m’en tiens à ce que rap­por­tent les médias turcs, les deux ter­ror­istes tchèques étaient des com­bat­tants d’YPG, ce qui est la branche syri­enne de l’organisation ter­ror­iste PKK (Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan). Je n’ai aucune idée de la durée que pour­ra pren­dre la procé­dure judi­ci­aire. Ce que je sais en revanche, c’est que beau­coup de ter­ror­istes ont été arrêtés en Turquie et que la procé­dure peut donc néces­siter un cer­tain temps”
Ain­si par­lait en novem­bre 2016 l’ambassadeur de Turquie en République tchèque, Ahmet Necati Bigali. Remar­quez qu’il lit “sa” presse, avant de commenter…

Dans le cas pré­cis de ces deux mil­i­tantEs tchèques, Marké­ta Všeli­chová et Miroslav Farkas, con­damnés ces jours-ci, aucune fron­tière n’a existé entre l’aide, la trans­mis­sion d’in­for­ma­tions sur le com­bat du Roja­va, l’aide matérielle ou par intel­li­gence… Leur com­bat était leur engage­ment, comme “citoyens du monde”, et selon les besoins et leurs compétences.

Alors, bien sûr, se bat­tre sur le ter­rain “juridique” a néces­sité et néces­sit­era d’ex­ploiter des “preuves” et “défens­es”.
Le com­bat des avo­cats qui ont mis en avant des déc­la­ra­tions comme celle de Marké­ta Všeli­chová, qui, dans un entre­tien accordé à la Radio tchèque au print­emps dernier, “n’avait pas caché que ses voy­ages répétés dans la région avaient pour but d’aider les Kur­des, mais avait toute­fois alors affir­mé qu’elle et Miroslav Farkas, l’autre ressor­tis­sant tchèque arrêté en sa com­pag­nie, ne se rendaient pas dans la région pour fournir des armes aux mil­ices kur­des” se heurtera à une injus­tice turque qui utilise là une sorte de jurispru­dence anti-ter­ror­iste inter­na­tionale, pour faire pro­gress­er la mise en quar­an­taine des YPG/YPJ, et demain des organes poli­tiques com­mu­nal­istes de la Con­fédéra­tion démoc­ra­tique de la Syrie du Nord.

Les con­damna­tions vien­nent de tomber, après 8 mois de geôle en attente de procès : 6 ans et trois mois de prison pour chacunE.

Lors de leur arresta­tion dans la pre­mière quin­zaine de novem­bre 2016, les deux Tchèques s’efforçaient de pass­er en Turquie depuis la Syrie dans la province de Şır­nak, située dans le sud-est de la Turquie, aux con­fins de l’Irak.

Sig­nalons cepen­dant égale­ment qu’ils ont été en quelque sorte “livrés” par les autorités kur­des iraki­ennes aux autorités turques en 2016… Tout “jour­nal­iste” ou mil­i­tant qui a voulu faire le tra­jet Roja­va /Turquie via le Kur­dis­tan irakien, sait aus­si que les autorités d’Er­bil font du zèle, quand il s’ag­it d’anti-terrorisme…

Et c’est encore pré­cisé­ment dans ce même secteur frontal­ier qu’a été arrêté Loup Bureau.

Ce point de pas­sage qua­si obligé fait l’ob­jet de toutes les sur­veil­lances des forces du régime turc. Et nul doute que celles et ceux qui s’y trou­vent “arrêtés” font déjà l’ob­jet de dossiers, fich­es et recherch­es, dès lors où ils/elles ont ren­du leur “activ­ité” et leur “sou­tien” pub­lic. Là, Google, Twit­ter et Face­book sont des enne­mis red­outa­bles, pire que l’ap­par­te­nance à un titre de presse, en s’avérant des out­ils indis­pens­ables qui se retour­nent con­tre le jour­nal­iste ou le militant…

Mais, n’au­raient-ils/elles donc pas du observ­er les “recom­man­da­tions” de la diplo­matie française qui dis­ent si bien  “Les abor­ds immé­di­ats des fron­tières avec la Syrie et l’Irak sont formelle­ment décon­seil­lés… . Les départe­ments du Sud et du Sud-est du pays sont décon­seil­lés sauf rai­son impéra­tive à cause du con­flit en Syrie et des affron­te­ments entre les forces de sécu­rité turques et les mil­i­tants du PKK, qui peu­vent causer des dom­mages col­latéraux.”(sic)

Loup Bureau n’au­rait donc pas observé les règles de bien­séances pré­con­isées, et le voilà qui fait l’ob­jet, après une semaine de garde à vue, d’une accu­sa­tion pour “par­tic­i­pa­tion à un groupe ter­ror­iste” et donc d’une incar­céra­tion en attente de “juge­ment” lui aus­si. Son reportage de 2013 pour TV5 Monde, a servi de “sou­tien” à l’accusation.

Loup Bureau est inculpé. Il est formelle­ment mis en cause par les autorités turques qui empris­on­nent en masse les jour­nal­istes qui souhait­ent faire preuve d’indépendance en par­lant de la guerre que mène la Turquie à sa fron­tière syri­enne” dit Me Pradel, avo­cat français qui a man­daté un con­frère sur place. Une nou­velle audi­ence doit se tenir dans les prochains jours. (source Le Monde).

Un pas est franchi, puisque nous ne sommes déjà plus dans des sit­u­a­tions précé­dentes, comme pour Olivi­er Bertrand, cofon­da­teur du site Les Jours, en 2016, ou celle de  Math­ias Depar­don, arrêté et finale­ment expul­sé au bout d’un mois parce qu’il tra­vail­lait sans carte de presse turque.

Là, la volon­té poli­tique du régime turc est ani­mée d’une poussée de fièvre con­tre le Roja­va, comme en témoignent les récentes ten­ta­tives d’in­cur­sions autour de Kobanê. De plus, Loup Bureau n’est pas non plus un par­ti­san de “l’ob­jec­tiv­ité durable”… Et c’est pour cela que nous lions dans ce même arti­cle le cas de ces mil­i­tants tchèques et celui de Loup Bureau.

Il ne s’ag­it pas d’ag­graver la sit­u­a­tion, ou de créer des passerelles dou­teuses, ou d’alarmer ses sou­tiens, qui comme nous sont sans nul doute con­scients totale­ment de ces enjeux désor­mais plus poli­tiques que juridiques. Il s’ag­it d’avoir les yeux grands ouverts.

Lais­sons pour le moment les “démarch­es diplo­ma­tiques” se faire, et soutenons aus­si sa défense juridique. Mais la “pro­fes­sion” devra pour le défendre, ne pas en rester là, et ne pas faire la fine bouche à pro­pos d’un con­frère qui ne sem­blera pas à cer­tainEs objec­tif, et donc vic­time de sa sub­jec­tiv­ité sans doute. C’est ain­si qu’on men­tionne par­fois qu’il est “free­lance”, ce qui, dans un lan­gage con­venu, sig­ni­fie qu’il aurait ses pro­pres règles. Nous préférons nous, con­sid­ér­er qu’il n’a pas à répon­dre à une rédac­tion “poli­tique­ment correcte”.

Il est impos­si­ble de soutenir et défendre des jour­nal­istes con­tre la poli­tique du régime Erdoğan et celle qu’il mène en Syrie, sans rompre avec le vocab­u­laire de l’an­ti-ter­ror­isme con­venu, à pro­pos des com­bat­tants kur­des, et s’ex­pos­er de fait aux foudres du régime, en marchant sur des plates ban­des diplomatiques..

Défendre Loup Bureau, sous toutes formes et expres­sion démoc­ra­tique doit être mis à l’a­gen­da de tout jour­nal­iste pour les semaines à venir.

Et peut être que dans ce mou­ve­ment, on réalis­era que la cam­pagne de sou­tien à Zehra Doğan sera de la même veine que l’ex­i­gence de libéra­tion de Loup Bureau ou celle d’Ahmet Şık ou de Deniz Yücel  et tant d’autres… Il per­me­t­tra tout autant de mesur­er que le régime poli­tique en Turquie n’est pas le parte­naire fréquentable pour “une paix durable” que ne cesse de nous présen­ter les politi­ciens européens, pour jus­ti­fi­er leur Munich.

Le reportage de Loup Bureau, dif­fusé sur TV5, en 2013.

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Loup Bureau


Eng­lish Loup Bureau • The polit­i­cal con­text of his arrest

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