La “Commission Constitution-Justice” mixte de l’Assemblée Nationale, lors de sa réunion du 21 juillet a prononcé la révocation du député HDP de Şırnak, Faysal Sarıyıldız. La révocation a été motivée par l’absence de Faysal à cinq sessions du Parlement, durant les mois d’octobre, novembre et décembre.
Après la lecture de la défense de Faysal, Sırrı Süreyya Önder, député du HADP d’Ankara, a pris la parole. Ensuite, la requête de révocation a été acceptée avec un vote à la majorité. La décision sera définitive après un vote à bulletins secrets du Conseil général de l’Assemblée.
Avant Faysal Sarıyıldız, une décision de révocation avait déjà été prise pour la députée HDP de Van, Tuğba Hezer Öztürk. Par ailleurs, Faysal et Tuğba sont menacéEs, en cas de non retour en Turquie avant la fin août, d’une déchéance de nationalité.
En effet le régime de Turquie a dressé une liste en juin dernier, avec les noms de 130 personnes, contre lesquelles des enquêtes sont ouvertes, et qui seront déchues de la nationalité turque dans le cas où elles ne se présenteraient pas en Turquie, pour se rendre à la Justice. Dans la liste, figurent des personnes recherchées pour appartenance à Daesh, au PKK et à FETÖ et son leader Fetullah Gülen.
Suite à la décision de révocation, Faysal s’est exprimé lors d’une interview à Süheyla Kaplan, d’Artı Gerçek.
Cette décision est le dernier pas d’un processus ouvert depuis longtemps sur les bases d’un génocide politique, contre notre parti qui est celui qui dérange le plus, le système exécutif et le pouvoir. Pour nous, il ne s’agit pas d’une décision inattendue. Nous vivons une période où toute valeur de Droit est piétinée, sous les ordres d’un tyran qui, bien qu’il détienne tout le pouvoir de l’Etat, craint encore pour son pouvoir, et règne au dessus des lois. Mais, quel que soit le prix à payer, cet empire de la peur sera détruit. Les autorités qui ont trempé dans des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre seront jugées, et, dans ce pays, la vie démocratique, égale, libre dont nous rêvons sera reconstruite.
Erdoğan criminalise d’abord, celles et ceux qui lui sont opposantEs, ensuite les transforme en cible d’Etat. Depuis la tentative du coup d’Etat du 15 juillet, la crise en Turquie, s’approfondit. Le pays est devenu même antagoniste avec l’Allemagne, qui pourtant était son allié le plus important. Le fascisme voit des ennemis partout. La politique d’Erdoğan provoque l’isolement de la Turquie dans le monde. Erdoğan ne peut pas échapper au jugement. Il sera jugé dans la conscience des gens, et comme criminel de guerre. Nous travaillerons pour qu’Erdoğan soit jugé devant les tribunaux internationaux. Ce n’est pas Erdoğan qui nous a éluEs, nous sommes éluEs par le peuple. Notre devoir envers le peuple se poursuit.
La Turquie est devenue une prison à ciel ouvert. Nous n’avons pas peur des prisons. Mais je poursuis mon travail en Europe, au nom de mon parti, jusqu’à ce que les criminels de guerre soient percés à jour. Si, politiquement, il pouvait y avoir un bénéfice à mon retour, je serais déjà rentré en Turquie.
Faysal Sarıyıldız est bien placé pour connaître et pouvoir dénoncer la réalité des crimes commis dans la province de Şırnak, dont il est le représentant, député élu. Et notamment ceux de 2015 et mi 2016, dans des lieux tels que Silopi, Idil et notamment Cizre où des centaines de personnes furent brûlées vives dans des sous-sol, lors des opérations militaires sous couvre-feu.
Bien que les médias pro-régime clament depuis, leur “fuite”, durant cette période qui suivit celle des exactions de l’Etat dans les villes kurdes, puis la levée de l’immunité des députéEs HDP et leurs arrestations en novembre, Faysal Sarıyıldız et Tuğba Hezer Öztürk, 2016 étaient partis à l’étranger pour les activités de leur parti en Europe, et justement la dénonciation des crimes. Fin août 2016, Kedistan avait réalisé un reportage à bâton rompus avec Faysal, présent au festival de cinéma de Douarnenez, dont il était l’invité de tables rondes et de débats, sur le thème “Les Peuples de Turquie”.
Depuis, onze députéEs du HDP sont derrière les barreaux, une grande partie des cadres, des milliers de membres et sympathisants sont en prison, et Faysal et Tuğba sont en exil… Le terme de “génocide politique” n’est donc pas surfait.
Des solidarités qu’on aurait pu espérer plus conséquentes ici se sont faites jour depuis, en Europe. En décembre 2016, par exemple, la ville de Champigny-sur-Marne a fait de Sarıyıldız son citoyen d’honneur, ce qui, dans la presse turque aux ordres, s’est traduit par ” Le terroriste de longue date HDP Faysal Sarıyıldız, s’est réfugié en France, échappé de la Turquie après des opérations terroristes. Et la France fait n’importe quoi ! “.
La question que se pose donc toutEs les militantEs de la diaspora en exil forcé “suis-je plus utile ici que là-bas ?”, Faysal la connaît par coeur, et avec lui tant d’autres, qui enragent de suivre de loin la lutte de leurs camarades et amiEs emprisonnéEs.
C’est pourquoi Kedistan enrage aussi parfois de constater les prés carrés organisationnels, les préséances, les divisions et le militantisme procédurier qui ont cours parfois dans le mouvement kurde en Europe, dépendant souvent de strates historiques d’exils, de fausses hiérarchies sans fondement politique, d’égos enracinés, de plis de drapeau, et qui retardent d’autant l’émergence réelle d’une force unie dans la diaspora en Europe, quand elle n’est pas traversée encore par la “question nationale”, pourtant tranchée dans les années 1990, et aujourd’hui ringardisée par le Rojava. Ainsi pouvons nous aisément comprendre que des responsables et militantEs, forcéEs ces deux dernières années à l’exil, se sentent parfois démunis ici, et si peu ancréEs dans les réalités du combat et de la réflexion politique indispensables. Notre statut d’observateurs proches, d’amiEs et de soutiens ouverts, notre sensibilité assumée “écologiste et sociale libertaire”, nous autorisent en cette occasion à l’écrire tout haut, en toute amitié.
Alors, des militantEs de cette trempe devraient trouver le soutien et le rôle qu’ils/elles méritent dans les résistances qui se font jour, tant ils/elles apportent de sang neuf. Et comme le dit Faysal Sarıyıldız “la vie démocratique, égale, libre dont nous rêvons sera reconstruite”.
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