Aujourd’hui, le 20 juillet, le Parti démocratique des peuples (HDP) a organisé un meeting à Istanbul, dans le parc de Abbasağa situé dans le quartier Beşiktaş.
Lors du meeting, une “déclaration de résolution démocratique” en 9 points, titrée “Appelons à la lutte commune”, a été lue.
Le porte-parole du HDP Osman Baydemir, et Serpil Kemalbay, Coprésidente du HDP, élue après le mandat de Figen Yüksekdağ, députée, qui est actuellement en prison, (comme le Coprésident et député Selahattin Demirtaş et une dizaine d’autre députéEs du HDP) étaient présents.
Voici une traduction fidèle de la déclaration, que nous mettons à disposition, comme à l’accoutumée, à la simple condition de citer la source. Nous constatons trop souvent que des traductions francophones maladroites et fantaisistes sont publiées ici ou là, et défigurent les propos de leurs auteurEs, quand elles ne les infantilisent pas… Le parti HDP mérite mieux en Europe que des approximations de traductions.
Cette déclaration, qui appelle à la lutte commune, et succède à la récente marche organisée par le CHP, restée à ce jour sans perspectives, malgré le rassemblement géant qui l’avait clôturée, a son importance dans la situation de blocage politique. Le HDP, en s’adressant à “toutes les couches sociales”, met en quelque sorte le 2e parti du pays, le CHP, qui s’oppose officiellement au régime, en demeure de ne plus être la béquille politique du parti au pouvoir, celui qui offre son consentement au régime.
Le HDP place cet appel à marcher ensemble, non sous des auspices électoralistes, mais sur le terrain des luttes sociales et démocratiques.
Peut-il être entendu dans ce désert de démocratie et de débats qu’est devenu la Turquie ? Sans qu’il fasse le premier pas, on peut en douter au vu des rapports de force. Et on sait que le HDP a fait tant de premiers pas, qu’à eux seuls, ils valent bien une marche…
Appelons à la lutte commune
Les conséquences des crises, politique, économique, culturelle et militaire, profondes, vécues dans le Moyen-Orient, démontrent que dans cette région une ère de changement et de transformation se déroule. La crise qui perdure, ouverte par l’intervention en l’Irak, et qui s’est cristallisée en Syrie, devient, en parallèle, des conflits de tutelle, le terrain de confrontation et d’expériences des pouvoirs mondiaux.
Nouvelles opportunités pour les peuples opprimés
Les dictatures et les structures nationalistes opposent de la résistance aux revendications de changement des sociétés, face aux luttes communes des peuples, et les dynamiques de liberté s’affaiblissent un peu plus chaque jour. Dans le même temps, cette situation offre aux peuples opprimés, de nouvelles possibilités et opportunités.
Le ‘block de guerre’ consolidé
La Turquie, qui ressent profondément dans sa vie sociale et politique les effets de toutes ces évolutions dans le Moyen-Orient, au lieu de progresser vers des résolutions pacifiques dans cette région, a l’ambition de devenir la force régionale. Cela motive le pouvoir Erdoğan-AKP, renforce le “block de guerre” et la généralisation de la guerre. Le régime turc s’efforce de faire perdurer son pouvoir par ces politiques destructives. La Turquie se trouve donc affectée par ces politiques déraisonnables, d’une façon extrêmement négative.
L’accord de Dolmabahçe est l’espoir des peuples
Dans sa 15ème année, le régime d’Erdoğan-AKP, institutionnalise son pouvoir autoritaire et monolithique (homme, patrie, drapeau, langue, religion uniques). Le pouvoir Erdoğan-AKP, ne se prive pas de mener la politique de guerre qu’il mène en Syrie, à l’intérieur de la Turquie. Le “Plan d’Effondrement” mis à exécution contre le peuple kurde, en rompant l’accord de Dolmabahçe, (qui fut le résultat des négociations d’İmralı, accueillies comme un espoir de paix par les peuples de Turquie)… et la négation des résultats des élections du 7 juin 2015, (qui avaient elles aussi multiplié les espoirs de démocratie et de paix), furent les premiers pas qui ont entraîné le pays, vers la situation actuelle.
L’alliance Erdoğan-Bahçeli (leader du MHP, parti nationaliste) est une attaque contre les peuples
Le pouvoir Erdoğan-AKP qui a mis fin aux travaux sur la rédaction d’une Constitution démocratique, et aux recherches de solutions pacifiques à la question kurde, en connivence avec les grandes puissances, ont constitué les conditions nécessaires pour que la mécanique de putsch puisse entrer en jeu. Aussitôt après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, qualifié par Erdoğan comme “don du ciel”, un coup d’état civil s’est opéré, grâce au régime d’état d’urgence, déclaré le 20 juillet par la coalition AKP-MHP, et le processus d’institutionnalisation du fascisme a commencé. L’alliance de guerre établie par la complicité d’Erdoğan et de Bahçeli, est une attaque en règle, ciblant le désir des peuples de Turquie, de liberté, d’égalité et de démocratie.
Le pouvoir est illégitime
Malgré toutes les manipulations, les déformations opérées par le pouvoir et ses efforts pour cacher les réalités, le régime de l’état d’urgence, n’a plus aucune légitimité, ni à l’intérieur du pays, c’est-à-dire auprès de la société, ni à l’extérieur, dans la communauté internationale. La coalition AKP-MHP, en se basant sur la Constitution du 16 avril, qui n’a pas de légitimité démocratique, a fermé la porte à la réconciliation avec les forces démocratiques, et annihilé la vie pluraliste démocratique. Dans ces conditions, il est clairement évident que toute recherche de “réconciliation” qui serait entamée avec la coalition actuellement au pouvoir, ne servirait pas à autre chose que de répondre au besoin de consentement du régime, et constitueraient des béquilles aux politiques d’oppression.
Ne nous arrêtons pas, arrêtons les ! Ne nous arrêtons pas, changeons ensemble !
Le pays est dirigé par l’état d’urgence et par décrets
Aujourd’hui, en Turquie, le fascisme est en train d’être institutionnalisé. L’Etat devient parti et toutes les décisions sont prises par une seule personne. La séparation des pouvoirs est supprimée, à coups de modifications de règlements, l’Assemblée est rendue inutile. L’indépendance et la neutralité de la Justice n’existent plus. Les droits, les libertés, humains et universels, sont désormais, très lointains. Le pouvoir dirige le pays par voie d’état d’urgence et de décrets.
Un génocide culturel et politique est mené
L’opposition, et la politique d’opposition démocratique, sont sous pression et menaces lourdes. Celles et ceux dont les voix sont discordantes sont jetéEs dans les prisons, les interventions sur la façon de vivre des personnes augmentent, les droits des travailleur/ses sont confisqués. Les libertés de presse et de communication sont piétinées. La lutte de liberté des femmes est empêchée par la force et la violence. De lourdes politiques de destructions et d’attaques envers le peuple kurde, sont menées et un génocide culturel et politique est pratiqué.
Le pouvoir tourne le frère contre le frère
L’AKP tente de maintenir et de faire perdurer son pouvoir, avec des pratiques belliqueuses, basées sur l’affrontement et la guerre, aussi bien à l’intérieur du pays, qu’à l’extérieur. L’AKP, afin d’approfondir sa domination, polarise la société, transforme les voisins, les frères, en ennemis. Une période est ouverte où les notions ordinaires telles que le débat dans l’arène politique, le dialogue, les pourparlers, la diplomatie, le Droit, la Justice, les droits humains sont suspendus, et où dominent des règles et pratiques purement fascisantes.
La lutte contre le régime est inévitable
Toutes ces évolutions révèlent qu’en Turquie, la démocratisation, dans les domaines politiques et sociaux, doivent passer par l’esprit de lutte commune. Contre ce régime, le fait d’élargir et de renforcer l’éventail de lutte politique et sociale, est en face de nous, comme un devoir inévitable pour tous les milieux opposants.
“Nous vaincrons, coûte que coûte !”
Le but principal du fascisme est de supprimer l’esprit de résistance et l’espoir de vaincre. Contre cela, nous appelons, sous la devise “Nous vaincrons coûte que coûte !”, tous les milieux de la société, à la lutte pour la Justice, la démocratie, la liberté, l’égalité et la paix… Nous pouvons vaincre tous ensemble, élever les luttes existantes. Ensemble, nous pouvons faire des pas décisifs, afin de construire notre avenir commun et égalitaire.
Contre le monolithisme imposé, la vie sociale
Aujourd’hui, malgré l’oppression croissante, la persécution, et les discriminations, l’énergie du mouvement démocratique qui vient de la base, progresse. A celles et ceux qui disent “Ceci ne peut pas continuer et ne doit pas continuer ainsi, je refuse”, à celles et ceux qui sont victimes des injustices et d’inégalités créées par le pouvoir AKP, à celles et ceux qui sont contre le monolithisme imposé, pour le pluralisme, et qui ont l’objectif d’une vie sociale, basée sur un vivre ensemble dans les différences, dans l’égalité, nous faisons appel :
Une lutte commune pour la démocratie, qui prend comme objectif la justice sociale pour toutes et tous, nous portera vers des lendemains avec espoirs. Notre courage dans le combat, notre volonté de mettre les vérités à la lumière du jour, construira l’avenir commun et égalitaire.
Notre lutte radicale pour la démocratie qui construira la Nouvelle Vie, sera, non seulement le moyen d’écarter le régime oppresseur, mais aussi, le premier pas de la construction de la République démocratique, rêve du siècle.
Avec notre approche politique pluraliste, qui prend comme objectif de supprimer l’inégalité de participation politique à tous les niveaux,
Avec notre approche de démocratie consultative, qui contient la reconnaissance de toutes les identités, qu’elles soient ethniques, religieuse ou de genre
Avec notre approche d’égalité qui comprend la lutte contre la pauvreté, l’inégalité des revenus, le chômage, les inégalités régionales, et l’exploitation,
Nous appelons toutes les couches de la société, à dire stop aux attaques tous azimuths du pouvoir, et à la lutte autour des revendications démocratiques urgentes.
1- La politique démocratique ne peut pas être liquidée
Disons stop :
- Aux pressions sur la politique démocratique, à la liquidation des femmes et hommes politiques par l’intermédiaire des condamnations,
- A l’arrestation et la prise d’otage des CoprésidentEs, députéEs, maires,
- A l’attribution de curateurs aux mairies, à la place des éluEs, en niant la volonté du peuple,
- Au fichage de celles et ceux qui critiquent le pouvoir et qui s’opposent, qualifié de traitres ou de terroristes.
2- Les droits humains et les libertés sont indispensables
Disons stop :
- Aux pressions et censures qui se cristallisent sur les libertés d’opinion, d’expression et d’organisation,
- Aux pratiques arbitraires qui empêchent l’usage des libertés de rassemblement et de manifestations,
- Aux crimes contre l’humanité commis dans les prisons, tels que l’isolement, la maltraitance et les tortures,
- A la transformation des personnes ayant des opinions, façons de vivre, sexualités différents, en cible, par incitations à la haine,
- A la violation du droit à la vie, qui est un droit sacré pour chacunE.
3- La suprématie du Droit et les principes universels démocratiques du Droit ne peuvent être bafoués.
Disons stop :
- Au régime d’état d’urgence et des décrets hors de tout contrôle,
- Aux purges, licenciements, aux enquêtes, et aux fermetures des associations, fondations, organisations de société, par décrets.
- A la fermeture des radios, journaux, magazines, et outils numériques et réseaux sociaux, aux arrestations de journalistes.
- Au système juridique qui ne respecte pas les conventions démocratiques internationales, et aux jugements effectués sur ordre du pouvoir.
4 ‑La paix est indispensable
Disons stop :
- A l’agressivité du pouvoir du “block de guerre” à l’intérieur et à l’extérieur, à l’envoi des troupes militaires, avec des volonté d’occupation, sur les terres des peuples voisins,
- A l’isolement de Monsieur Abdullah Öcalan qui tient un rôle clé dans la construction de la paix
- A la déclaration comme ennemi, grâce à l’approche monolithique de celles et ceux qui sont de différentes cultures, identités, croyances et langues
- A la discrimination des peuples et croyances, à commencer par le peuple kurde et la population alévie,
- A la destruction des valeurs culturelles, historiques et politiques du peuple kurde, tels que Sur, Cizre et Hasankeyf.
5- Les droits sociaux et économiques des travailleurs/ses ne peuvent être confisqués
Disons stop :
- Aux assassinats du travail, aux interdictions et report de grève
- Aux extorsions obligatoires prétextant les cotisations de retraite, d’ancienneté et de chômage, en réalité pour le bénéfice du Fond Souverain.
- A l’exploitation des ouvrierEs saisonniers, sous traitants, réfugiéEs, sans aucune sécurité et dans des conditions lourdes,
- A la confiscation des droits à l’enseignement de qualité et gratuit, de la sécurité sociale de tous les travailleurs/ses du public et privé, des handicapéEs et retraitéEs
6- Les entités naturelles et culturelles ne peuvent être détruites
Disons stop :
- A la destruction de la mémoire historique culturelle et du tissu naturel,
- A l’abandon des espaces agricoles, oliveraies, rivages et régions d’eau, au pillage du capital,
- A la bétonisation des villes, sous le nom de réhabilitation urbaine, et à l’exil forcé de leurs habitantEs,
- A ceux qui ne donnent pas le droit de parole et de décision aux populations locales, sur l’utilisation des sources souterraines et de surface
7- Le présent et l’avenir de la jeunesse ne peuvent être obscurcis
Disons stop :
- A la condamnation des jeunes encore plus au chômage chaque jour qui passe, et à l’anéantissement de leur espoir pour l’avenir,
- A tous types de pressions sur les universités, et aux directions qui ne reconnaissent pas le droit à la parole des étudiantEs,
- A la condamnation des étudiantEs à des foyers de mauvaise qualité et hygiène,
- A l’utilisation de drogues, encouragée auprès des jeunes, par la main de l’Etat et des gangs.
8- Les conquêtes des femmes ne peuvent être anéanties
Disons stop :
- A l’exclusion des femmes de la vie sociale, politique et du travail,
- Aux attaques faites à leur identité, corps, vie, tenues, aux massacres de femmes,
- A l’exploitation sans limite du travail des femmes au travail et à la maison,
- Aux pratiques de non-condamnation, lors des procès de violence masculine et d’abus d’enfant
9- Un nouveau contrat social est un besoin
- Nous pouvons établir une Constitution démocratique, égalitaire, sociale, féministe, laïque, écologiste et pluraliste, basée sur le citoyenneté.
- Nous pouvons préparer un nouveau contrat social, mettant en sécurité constitutionnelle, les cultures, les identités, langues maternelles, et croyances différentes.
- Nous pouvons mettre en place l’enseignement en langue maternelle pour tout le monde.
Nous appelons à la lutte commune !
Ne nous arrêtons pas, changeons ensemble !
Le HDP est prêt pour une marche commune
En discutant tout cela, nous pouvons atteindre une société saine, une société humaine, une société consciencieuse, une société sereine, la société de confiance, la société de paix. En réunissant nos tête, en se mettant côte à côte, nous pouvons nous réapproprier des droits et libertés démocratiques, et les grandes valeurs humaines. En tant que HDP, nous sommes prêts et déterminés, à faire le pas, et organiser la marche commune et la lutte permanente.
Pour la Justice, une vie humaine et en sécurité, le respect, la sérénité, l’égalité, qui sont les aspirations d’une grande majorité de la population du pays, il n’y a pas d’autre chemin que la lutte commune, ensemble. Nous sommes prêts, et déterminés à faire le pas et organiser la marche commune et la lutte permanente.
En nous réunissant lors des rencontres publiques, conférences, ateliers, réunions, meetings, forums, des plateformes pluralistes, des actions de désobéissance civile dans les rues, dans nos lieux de travail, nous commencerons un mouvement de conscience et de Justice.
Nous faisons un appel ouvert à tous les classes de la société :
Ne nous arrêtons pas ! Arrêtons le fascisme !
Ne nous arrêtons pas ! Changeons ensemble !
Coûte que coûte, nous vaincrons.