Nuriye Gülmen et Semih Özakça en sont au 132è jour de leur grève de la faim. Ils sont toujours en prison, depuis le 22 mai. Ils ont dépassé le seuil critique depuis longtemps. Et, depuis, chaque jour qui passe, laisse des séquelles indélébiles sur leurs corps affaiblis.
Esra, la compagne de Semih, également en grève de la faim depuis l’arrestation des deux enseignants, publiait hier, une courte vidéo enregistrée après une visite, dans laquelle elle donnait les dernières nouvelles, très inquiétantes. Insuffisances cardiaque, rénale, problèmes et douleurs musculaires, notamment aux jambes, au dos et au cou, clouent les grévistes dans un fauteuil roulant, même à l’intérieur de leur cellule. Ils ont maintenant des difficultés à lire et écrire…
Esra soulignait aussi, que la décision d’une assignation à domicile, menaçait elle-même et les autres compagnons de résistance, y compris Veli Saçılık et Aucun Karadağ … Elle précisait que cette visite pourrait être la dernière, si l’assignation à domicile est mise en place.
“Je viens de rendre visite à Semih. Il a beaucoup maigri, il ne pèse plus que 59kg. Son pied droit ne le porte plus. Les livres que nous avons apportés ne lui sont pas donnés. Il lit presqu’un livre entier par jour et rester sans livre est pour lui une véritable punition.
Nous avons discuté des assignations à domicile, et des humiliations imposées. Ils veulent nous emprisonner dans nos maisons, sans avoir aucune preuve de ce dont ils nous accusent. Ils essaient d’afficher les assignations à domicile, comme une peine “meilleure que l’incarcération”. Or, ils nous enlèvent notre humanité. Enfermer une personne dans sa maison, en faire son propre gardien, c’est une humiliation. Ce qu’ils essayent de faire en ce moment, c’est “normaliser” les assignations à domicile aux yeux de l’opinion publique.
La visite d’aujourd’hui était probablement l’ultime visite, si les assignations commencent. Nous allons donc peut être être “séparés” totalement, dans les jours à venir. Mais, l’enthousiasme de notre résistance, de notre amour, nous réuniront, même dans des geôles. Nous n’allons pas arrêter de résister, en aucun cas, quelles que soient les conditions. Semih vous envoie, à toutes et tous, ses salutations et amitiés.”
Selçuk Kozağaçlı, l’avocat de Nuriye et Semih, a déclaré que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), concernant la requête déposée pour Nuriye et Semih, est attendue cette semaine.
Selçuk précise que “La Cour constitutionnelle n’est plus une autorité qui peut prendre des décisions fiables” et ajoute “la CEDH doit intégrer cela la plus rapidement possible.”
Il est utile de noter que Selçuk n’est pas le seul à exprimer cela. Mithat Sancar, député du HDP, annonçait hier, que la CEDH avait donné un avis favorable pour un traitement en urgence des dossiers des 12 députéEs actuellement incarcéréEs, déposés auprès de la CEDH. Il faisait le même constat “Il n’y a plus de sens à attendre une réponse de la Cour constitutionnelle”. En Turquie la Justice n’est plus indépendante et aucune décision impartiale et équitable ne peut être prise par la Cour constitutionnelle. C’est pour cela que la CEDH doit examiner les dossiers en priorité et prendre une décision, en urgence.”
Dans cet environnement d’absence de Droit et de Justice, de nombreux journalistes, intellectuels, artistes, hommes et femmes éluEs, croupissent dans les prisons, et Nuriye et Semih meurent dans leur cellule !
Selçuk Kozağaçlı précise que cette affaire doit être comprise avec ses trois différentes dimensions :
Leur arrestation : De nombreux appels on été faits pour que Nuriye et Semih soient libérés. Ils ont tous été refusés. Dès le premier appel, les avocats ont sollicité la Cour constitutionnelle. Suite à son refus, ils se sont retournés vers la CEDH et ils attendent une réponse cette semaine.
La date de leur procès : La date du procès de Nuriye et Semih a été fixée pour le 14 septembre prochain.
Il est évident que Nuriye et Semih, déjà extrêmement diminués, ne peuvent rester en vie jusqu’à cette date. Les sollicitations pour déterminer une date plus proche pour le procès, ont été en vaines.
Leur revendication : Nuriye et Semih ont depuis le début, une seule revendication. C’est d’être réintégré dans leur travail. La commission de l’état d’urgence récemment constituée doit commencer à travailler cette semaine. Notons que l’état d’urgence a été prolongé de nouveau pour trois mois. Une demande de traitement d’urgence a été faite auprès de la commission.
C’est donc à suivre… avec inquiétude.
Aussi bien Selçuk Kozağaçlı, que leur proches expriment : “Malgré tout, Nuriye et Semih restent déterminés dans leur demande.”
Pendant ce temps, les rassemblements solidaires se poursuivent sur le lieu de résistance que Nuriye et Semih ont confié à leur soutien. Les interventions policières aussi… Hier, lors de l’intervention de la police, Cemile Karakaş a été victime d’une crise cardiaque. Cemile, hospitalisée en urgence, n’avait qu’un mot à la bouche “Libérez Nuriye et Semih”. (Vidéo). Dans différentes villes et lieux, des grèves de la faim solidaires ont été entamées. Des messages de solidarité et les photos et vidéos d’actions très organisées ou individuelles, pleuvent de partout comme des confettis.
Aujourd’hui, au Parlement de Turquie, un député a pris la parole, et, comme un leitmotiv, a rappelé l’inadmissible calvaire de Nuriye et Semih, demandant leur libération et la prise en compte de leur demande de justice : “Nuriye Gülmen et Semih Özakça ne doivent pas mourir d’une grève de la faim.”
Il est donc depuis longtemps urgent, tardivement urgent, plus qu’urgent que Nuriye et Semih soient libérés et rendus à leur travail.
Un rendez-vous est donné à Strasbourg, le Mercredi 19 juillet à 18h place Kleber pour soutenir Nuriye Gülmen, Semih Özakça et leurs amiEs et proches, dans leur combat pour la justice.
Samedi prochain, le 22 juillet, au 140e jour de leur grève de la faim, plusieurs manifestations de soutien seront organisées, en Turquie et ailleurs. Notamment à Bruxelles, le rendez-vous est donné pour un rassemblement à 15h sur la Place de la Monnaie.
Image à la une :
Lancement d’un ballon dédié à Nuriye et Semih, en solidarité, au festival “De nos terres à la terre”, qui s’est déroulé les 8 et 9 juillet 2017, à la ZAD de Notre Dame des landes. Merci à l’association Les Rallumeurs d’Etoiles, pour la réalisation de ce ballon solidaire.
Photos publiées sur le groupe “Occupation du ciel” :