Deniz Yücel, le cor­re­spon­dant à Istan­bul, du quo­ti­di­en berli­nois Die Welt, est tou­jours retenu en otage dans les geôles turques.

Accusé de pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste et d’inci­ta­tion à la haine et à la vio­lence, Deniz, ayant la dou­ble nation­al­ité, alle­mande et turque, après treize jours de garde à vue, a été placé en déten­tion le 27 févri­er 2017, après 13 jours de garde à vue. Il  attend son procès pour lequel il n’y a tou­jours pas d’acte d’ac­cu­sa­tion, sauf la sem­piter­nelle “pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste”, passe-partout pour empêch­er toute expres­sion jour­nal­is­tique con­traire aux options du régime. Il fait par­tie des plus de 160 jour­nal­istes actuelle­ment en prison.

Envoyez-lui des lettres !

Dilek May­atürk Yücel, la com­pagne de Deniz, fait un appel, pour inviter tout le monde à écrire à Deniz. Rap­pelons que comme pour faire un pied de nez à l’in­jus­tice turque, Deniz Yücel, 43 ans, né en Alle­magne de par­ents turcs, s’est mar­ié en avril, avec la pro­duc­trice de télévi­sion Dilek May­atürk, dans la prison de Silivri près d’Istanbul.

Kedis­tan relaie bien volon­tiers cet appel, sachant que tout cour­ri­er envoyé est un cadeau pour celle et celui qui, dans les pris­ons turques, partage avec ses co-détenues, les nou­velles de l’ex­térieur. A chaque con­tact avec les pris­on­nierEs que nous avons, l’im­por­tance de ce lien nous est rap­pelé. Alors, comme c’est la sai­son des vacances, de voy­ages et des cartes postales, n’hésitez donc pas !

Dilek souligne que seules les let­tres en turc sont don­nés à Deniz.

A chaque cam­pagne de sou­tien vers les pris­ons en Turquie, c’est la même sit­u­a­tion. Nous répé­tons donc cette fois pour Deniz : Pour lui écrire rap­prochez de vos amiEs tur­coph­o­nes, décou­vrez les asso­ci­a­tions dans votre coin… La sol­i­dar­ité est un de meilleurs lieux de ren­con­tre pour faire con­nais­sance avec de nou­veaux amis. Envoyez-lui des cartes-postales avec un court mes­sage, et une iden­ti­fi­ca­tion, même sans votre véri­ta­ble nom…

Au cas où, en voici une idée…

Cher Deniz,
Pour que tu puiss­es enrichir une col­lec­tion d’im­ages des lieux où tu pour­ras te ren­dre quand tu retrou­veras des ailes…

Sevgili Deniz,
Kanat­ları­na yeniden kavuş­tuğun­da gide­bile­ceğin yer­lerin bir kolek­siy­onunu oluş­tu­rup zengin­leştire­bil­men için…

Et voici son adresse :

İlker Deniz Yücel
9 Nolu Kapalı Ceza İnf­az Kurumu
B Blok 54 Nolu Koğuş
Silivri Turquie

La lettre de Deniz Yücel

Une let­tre de Deniz avait été pub­liée dans Cumhuriyet en juin dernier. Le jour­nal­iste y expri­mait sa réac­tion suite à la déc­la­ra­tion d’Er­doğan, après son ren­con­tre avec Merkel.

Mon­sieur le Prési­dent de la République Recep Tayyip Erdoğan, au retour du som­ment de l’OTAN à Brux­elles la semaine dernière, a par­lé aux jour­nal­istes dans son avion. Il leur a par­lé de l’en­tre­tien qu’il a réal­isé avec Angela Merkel. Selon l’ar­ti­cle de Hür­riyet, Erdoğan a déclaré avoir répon­du la Chancelière Angela Merkel, con­cer­nant ma libéra­tion : « Je lui a rap­pelé, ‘Chez-vous, vous avez beau­coup de Deniz, je vous ai déjà fourni leurs dossiers’. »

Une réponse bien intéressante.

Com­bi­en de jour­nal­istes qui et se trou­veraient en Alle­magne, et tra­vailleraient dans les médias de Turquie, et qui auraient la nation­al­ité des deux pays ? De plus, qui seraient arrêtés seule­ment pour leur chroniques et arti­cles, qui, leurs vieux arti­cles étant con­sid­érés comme crime, leurs mau­vais­es tra­duc­tions pris­es comme preuve, seraient envoyés en prison, et qui sont tenus en isole­ment ? Com­bi­en de jour­nal­istes turcs y a‑t-il, déclarés par la per­son­ne au plus haut de l’E­tat alle­mand, d“agent” et “ter­ror­iste” alors qu’il n’y a même pas encore un acte d’accusation ?

Bien sur il n’y en a pas?

Cette déc­la­ra­tion ne peut avoir une seule expli­ca­tion. “Une par­tie [sous enten­du Alle­magne] demande ma libéra­tion. Quant à l’autre par­tie, elle veut l’ex­tra­di­tion de cer­taines per­son­nes recher­chées en Turquie, qui se sont réfugiées en Alle­magne. C’est une affaire de troc. Et ce type de cal­cul, démon­tre pourquoi depuis plus de 100 jours, je suis retenu en otage.
Mais ce n’est pas un bon calcul.

Je ne vais pas défendre les putschistes, les juges et pro­cureurs qui ont abusé de leur charge. Et je n’ai aucun point com­mun avec ces per­son­nes. Depuis les deux ans, durant lesquelles j’ai représen­té Die Welt en Turquie, je n’ai fait que du jour­nal­isme et seule­ment du jour­nal­isme. Par exem­ple le soir du 15 juil­let, j’é­tais un de ceux,  mem­bres de presse étrangère, qui se comp­taient dans la rue. Quand le Prési­dent de la République a fait appel à la pop­u­la­tion au petit matin, nous avions trois mètres de dis­tance entre nous.

Lorsque l’or­dre d’ar­resta­tion à mon encon­tre a été con­fir­mé, je n’ai pas fui ; au con­traire, je suis allé me ren­dre avec ma pro­pre volon­té, et j’ai été arrêté. Ensuite, je n’ai jamais fait une demande d’ex­tra­di­tion, ni per­son­ne d’autre ne l’a faite en mon nom… Par ailleurs, en tant que citoyen de la République Turque, il n’est pas légale­ment pos­si­ble que je sois extradé vers un autre pays, et je ne le souhait­erais pas.
La seule chose que je demande, c’est d’être jugé équitable­ment. C’est à dire un juge­ment, respec­tant la Con­sti­tu­tion et les lois, com­mençant par le Code de la Presse et prenant compte de la Con­ven­tion européenne des droits de l’homme et les principes de Droit uni­versels. Je demande égale­ment, en con­ti­nu­ité de cette demande, et tou­jours con­for­mé­ment aux procé­dures du Droit turc, d’être jugé en lib­erté. Dans un procès qui se déroulerait dans ces con­di­tions, je suis sûr d’être acquit­té, comme je suis sûr de mon prénom.

En résumé, le Prési­dent de la République, en exp­ri­mant dans sa déc­la­ra­tion précé­dente, que je ne “pour­rais pas être extradé”, avait rai­son. Mais cette fois-ci, il se trompe. En Alle­magne, dans ce sens, il n’y a pas “beau­coup de Deniz”. Il n’y a pas une seule autre per­son­ne qui soit dans le même cas de fig­ure ou dans un cas semblable.

Mais en Turquie, de Ahmet Şık à Tun­ca Öğreten, de Kadri Gürsel à Mahir Kanaat, de Şahin Alpay à İnan Kızılka­ya, de Bar­baros Mura­toğlu à Bünyamin Köseli, de Meşale Tolu, jusqu’à Medi­ha Olgun qui vient de nous rejoin­dre, ils sont beau­coup, autant que je ne je peux citer tous les noms

Deniz Yücel

Cette personne est un agent terroriste”

Le 8 juil­let, Erdoğan dans la con­férence de presse à la fin de G20, répondait un jour­nal­iste alle­mand, qui demandait des nou­velles de Deniz Yücel :

Avant tout je voudrais que vous sachiez ceci ; les mem­bres de la presse ne pos­sè­dent pas de lib­erté sans lim­ites. Les mem­bres de presse aus­si com­met­tent des crimes et quand ils com­met­tent des crimes, la jus­tice fait les con­sid­éra­tions néces­saires. Moi, je suis une per­son­ne qui avait été empris­on­née pour avoir lu un poème. Je sais très bien ce que sont la lib­erté d’opin­ion et la lib­erté d’expression.

Je voudrais aus­si que vous sachiez par­ti­c­ulière­ment ceci ; une grande majorité de ceux que vous con­nais­sez tels que mem­bres de presse sont des per­son­nes qui aident et sou­ti­en­nent le terrorisme.

La veille, c’é­tait le Min­istre de Jus­tice Bekir Boz­dağ qui fai­sait des déc­la­ra­tions. Voici une tra­duc­tion fidèle de ses propos :

Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais vu de demande de la part d’un représen­tant ou d’une organ­i­sa­tion inter­na­tionale, pour s’en­tretenir avec des pris­on­niers de droit com­mun. Ils ne s’in­téressent qu’à des per­son­nes empris­on­nées pour appar­te­nance ou sou­tien aux organ­i­sa­tions ter­ror­istes qui tra­vail­lent con­tre la Turquie.

L’Alle­magne a tenu des entre­tiens de haut niveau, con­cer­nant une per­son­ne de nation­al­ité alle­mande, dis­ons plutôt, de nation­al­ité alle­mande mais d’o­rig­ine turque, qui est retenue en Turquie. Pour­tant il y en a d’autres [des pris­on­niers] qui sont alle­mands de nais­sance… Aucune des autorités alle­man­des, ni de l’E­tat alle­mand, ni de l’Am­bas­sade d’Alle­magne, n’ont réclame de Turquie, quoi que soit pour ces personnes.

Mais quand il est ques­tion de Deniz Yücel, tout le monde se mobilise, du pre­mier min­istre au prési­dent, en pas­sant par les con­suls. Je demande ; ‘Pourquoi cette per­son­ne est-elle si impor­tante pour vous ? Expliquez. Pourquoi les autres citoyens alle­mands ne représen­tent rien pour vous ?”. Leur prob­lème est autre. Leur soucis n’est pas d’empêcher, s’il y a, mal­trai­tance et tor­ture dans les pris­ons de la Turquie, c’est de calom­nier la Turquie en l’u­til­isant, et de chang­er l’im­age de la Turquie en négatif.”


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