Trois dirigeants du syndicat du secteur de la sécurité privée “Güvenlik-Sen”, rattaché au DISK (Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie), ontpratiqué la délation à l’encontre de syndiqués qui s’opposaient à la direction, auprès du Procureur de la République, pour “insulte au Président”.
Le président du syndicat Güvenlik-Sen, Serdar Aslan, ainsi que le Président des bureau des affaires financières Doğan Özdemir et le Secrétaire général Hüseyin Ünlü, ont utilisé la formule “insulte au président”, qui sert ainsi de bouée de secours, pour museler les syndiqués, opposants au régime et dénoncer ces salariés à l’Etat.
La plainte déposée auprès du Procureur de la république à Izmir, désigne nommément quatre ouvriers : Salih Şenol, Kadir Bülbül, Garip Karatay, Volkan Karataş, ainsi qu’un site Internet, bizimsendikamiz.org, dont elle notifie les administrateurs et les responsables non identifiés.
Les documents officiels de la plainte sont publiés sur le site Internet d’Umut-Sen, collectif d’ouvriers syndiqués.
Nous apprenons de ces documents, que sur la dénonciation de l’administration de Güvenlik-Sen, la police a infiltré un membre dans un groupe Facebook, intitulé “I.B.B. Travailleurs de la sécurité”, configuré en confidentialité “secret”, fermé au public, donc visible seulement par les 722 abonnés du groupe, dont le “suspect” Salih Şenol est également membre. Le document précise qu’après étude, les publications dénoncées et attribuées à Salih Şenol n’ont pas été trouvées. Umut-Sen, décrit et dénonce l’attitude de l’administration comme “un nouveau maillon dans l’histoire des syndicats collaborateurs”.
Rien de surprenant. Rappelons que les médias sociaux sont surveillés de près. Rien que dans le courant du deuxième semestre de l’an 2016, 68 774 comptes sur les réseaux sociaux avait été dénoncés. En janvier 2017 déjà, nous publiions un article titré “Réseaux sociaux, l’oiseau en cage, le F accusateur…” et donnions des chiffres à faire froid dans le dos : Environ 3500 personnes ont été mis en garde-à-vue, dont 1500 jetées en prison. Des dossiers d’enquête ont été ouverts à l’encontre de 17 862 internautes. Leur traitement terminé, les “internautes” attendent les ordres d’arrestations. Sur les dossiers ouverts toujours en cours, sur 68 774 personnes, 21 723 personnes sont clairement identifiées et 47 024 en cours de vérification.
Si un quidam peut être pris cible pour quelques 140 caractères, les membres syndiqués de Güvenlik-Sen dénoncés, ne sont pas pris comme cible pour rien. Car ils ne sont pas n’importe qui… Ils avaient récemment mis à la lumière de jour que la direction actuelle du syndicat, avaient détourné les cotisations payées par les syndiqués, et en apportant toutes les preuves lors du 2ème congrès ordinaire du syndicat, qui s’est déroulé en avril 2017. Ils avaient proposé un candidat pour représenter tous les conseils syndicaux qui se positionnaient contre la direction et demandaient des comptes.
Un des “suspects” Garip Karatay s’exprime :
Le Président général du DISK, Kani Beko, et d’autres responsables hauts placés au niveau national, ainsi que le responsable de la région égéenne, ont cautionné la corruption de ces trois individus, qui nous ont dénoncé au Procureur. Pendant tout le Congrès, qui avait duré quarante jours, ils ont participé à toutes les réunions et ont oeuvré pour que cette clique de délateurs, puissent sortir gagnante de toutes les discussions. Et dans des cas où leurs “nom et respectabilité”, n’auraient pas été suffisants, ils ont mis dans le circuit, des maires et des dirigeants, afin de convaincre plus largement les ouvriers d’aller dans leur sens.
Ceux qui siègent à la tête du DISK, ont fait tout leur possible, notamment en bloquant l’accès aux salles de réunion aux délégués opposants, et ainsi en élaguant petit à petit tous les aspects démocratiques statutaires du syndicat, et œuvré pour que cette clique de voleurs et de délateurs sortent vainqueur.
Si un des ouvriers dénoncés se fait arrêter suite à cette acte de délation, ce scandale honteux prendra encore d’autres proportions, y compris concernant tout ceux qui ont préparé le terrain pour cette ignominie. Le DISK, doit prendre les devants en urgence, révéler sa position concernant le soutien à ces trois administrateurs avec l’opinion publique, ainsi que faire son autocritique.
Sachant que le DISK est affiliée à la Confédération syndicale internationale et à la Confédération européenne des syndicats… Un questionnement des “partenaires” membres aussi des Confédérations s’imposerait sur cette délation.
A l’heure où la “grande marche pour la Justice” voudrait apparaître comme un “rassemblement” de l’opposition démocratique, ces pratiques démontrent bien que derrière la façade se cachent des volontés d’hégémonie politiques de la part de fractions, visiblement directement liées au CHP, qui n’hésitent pas à livrer directement leurs opposants au régime d’injustice de l’AKP.
Où l’on voit les ravages de la politique d’opposition parlementariste dans “l’unité nationale” sous le drapeau, et la façon dont sont réglées, comme au Parlement il y a un an, par le vote de la levée des immunités parlementaires, aujourd’hui, dans les syndicats ouvriers, par une politique de délation, les réelles oppositions de fond au régime qui s’exprimeraient “en dehors des clous”.
English Denunciation as a method for conflict resolution…