Le 6 juin 2017, le président d’Amnesty International Turquie, Taner Kılıç, avait été arrêté à Izmir avec 22 autres avocats. Accusés d’appartenir au mouvement de Fethullah Gülen, ils subissent la répression du gouvernement turc. La principale “accusation” qui constituerait une “preuve” de terrorisme à leur encontre est l’utilisation conjointe d’une messagerie cryptée, interdite d’utilisation en Turquie depuis un an.
Et, aujourd’hui 6 juillet, on apprend que c’est cette fois la directrice d’Amnesty International Turquie, İdil Eser, qui a été arrêtée hier avec sept autres défenseurs des droits humains et deux formateurs non turcs, lors de la tenue d’un atelier sur la gestion de la sécurité numérique et de l’information, à Büyükada, à Istanbul.
En plus d’Idil Eser, les sept défenseurs des droits humains détenus sont : İlknur Üstün, Women’s Coalition, Günal Kurşun, avocat, Human Rights Agenda Association, Nalan Erkem, avocat, Citizens Assembly, Nejat Taştan, Equal Rights Watch Association, Özlem Dalkıran, Assemblée des citoyens, Şeyhmuz Özbekli, avocat, Veli Acu, Human Rights Agenda Association. Deux formateurs étrangers — un ressortissant allemand et un ressortissant suédois sont également détenus.
Selon des informations données par un avocat, Benan Molu, les défenseurs des droits de l’homme détenus et les postes de police auxquels ils ont été conduits sont les suivants:
İdil Eser (Amnesty International), — Poste de police de Maltepe
İlknur Üstün (Coalition des femmes) — Poste de police de Maltepe
Nalan Erkem (Helsinki Citizens Assembly) — Kartal Şehit Aslantepe Police Station
Özlem Dalkıran (Helsinki Citizens Assembly) — Kartal Şehit Aslantepe Police Station
Günal Kurşun (Association des droits de l’homme) — Poste de police de Topselvi
Veli Acu (Association des droits de l’homme) — Poste de police de Topselvi
Nejat Taştan (Association pour la surveillance des droits égaux) — Poste de police Pendik Esenyalı
Şeyhmuz Özbekli (Initiative des droits) — Poste de police de Pendik Esenyalı
Ali Garawi (entraîneur citoyen suédois des droits de l’homme) — Poste de police de Büyükada
Peter Steudtner (formateur citoyen allemand pour les droits de l’homme) — Poste de police de Büyükada
Le directeur de l’hôtel détenu aurait été libéré.
Après une période de garde à vue, ils seront présentés à un “juge” qui décidera de les incarcérer ou non. Vu l’état d’urgence en Turquie, cette procédure peut être longue et des incarcérations “préventives” peuvent avoir lieu.
Le contexte dans lequel ces arrestations ont lieu, touchant une association des droits humains internationalement reconnue, est celui des tensions volontairement provoquées par le régime AKP, contesté à l’intérieur par une “marche pour la justice” et “réprimandé” à l’extérieur aussi bien par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, dont dépend la Cour européenne des droits de l’homme, que par le Parlement européen lui-même, qui vient de voter une demande d’arrêt des discussions autour du “processus d’adhésion”. Les récents alignements de la Turquie sur le Qatar, et l’attitude des forces armées turques au Nord syrien, renforçant leur armement et celui de forces djihadistes dans les zones au Nord d’Alep, augurent mal également du bon accueil diplomatique de la Turquie dans les “sommets”.
Un régime qui scie la branche sur lequel il est assis est condamné à toujours s’enfoncer dans ce qui causera toujours à terme sa perte. Mais la répression et les purges folles peuvent durer, et la contestation interne se tourner vers un durcissement “identitaire et nationaliste bigot” plus fort encore. Quand ce régime n’a aucun scrupule à lancer à la face du monde que les défenseurEs des droits de l’homme sont des “terroristes”, et qu’il exige de sa justice des “preuves”, quitte à les fabriquer, on se trouve dans un bras de fer instauré par le premier personnage de l’état, le Reis en personne.
C’est aussi un test grandeur nature, contre “l’opposition en marche”, et sa capacité politique à prendre à bras le corps la défense de “tous les otages politiques”, et pas seulement à agglomérer sous le drapeau différents secteurs contestataires de la Turquie.
La défense des “droits démocratiques” devient aujourd’hui une prise de position directement politique et radicale contre le régime AKP. Le Reis le sait, qui est décidé à passer outre, et à casser définitivement la classe politique turque.
Ces arrestations, fruits d’une boussole judiciaire en morceaux, lorsqu’elles sont soutenues au plus haut sommet de l’état, deviennent des faits politiques majeurs.
Et constater qu’en Europe, les yeux sont tournés vers les doigts qui réprimandent et ceux qui se lèvent pour des motions, alors que les réactions devraient être unanimes pour publiquement, sans diplomatie, exiger des libérations immédiates, est une fois de plus un recul dont le régime turc se nourrira.
Dans l’urgence, l’image de une provient du site Amnesty, où vous trouverez tous les compléments et appels à action dans les jours à venir.
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