Nuriye Gülmen et Semih Özakça, les deux enseignants continuent leur grève de la faim en prison. Ce mercredi 6 juin, plus de 90 jours se sont écoulés…
Ils sont extrêmement affaiblis. Le compteur tourne…
Dessin de İsmail Kızıl Doğan (Facebook)
“Nuriye — Semih sont en grève de la faim et ils ont été incarcérés”
Dessin de İsmail Kızıl Doğan (Facebook)
“Dans cette cellule, grève de la faim”
Dessin de Latif Demirci, publié le 28 mai dans le quotidien Hürriyet
Quand l’état d’urgence (OHAL en turc) met les couverts…
Dessin de Kemal Gökhan, “Karga Kafası” (Twitter)
“Elle/Il a un sourire… Il serait contagieux…”
Dessin de Oğuz Özdemir (Facebook)
Et pendant ce temps là, sur leur “espace de résistance”, au pied du monument aux Droits de l’homme : leurs camarades et proches, comme Veli Saçılık, Acun Karadağ, certainEs en grève de la faim depuis leur incarcération, comme Esra la compagne de Semih, et sa mère Sultan Özakça, sont en permanence harcelés par la police, avec utilisation de gaz, balles en caoutchouc, mises en garde-à-vue… Et ils/elles retournent sur les lieux, à peine relâchés…
L’espace a été “isolé” par des barrières afin d’empêcher les rassemblements. Un paysage pathétique…
Dessin de İbrahim Özdabak, publié le 24 mai dans le journal Yeni Asya.
“Droits des hommes”
En prison…
Nuriye tient “un journal carcéral”… Elle envoie à l’extérieur “des salutations résistantes et pleines d’espoir, qui ne peuvent être arrêtées par des murs, et des barreaux.”
Nuriye’den günlük var! ‘Hiç bir duvarın, hiçbir parmaklığın önünde duramayacağı kadar dirençli, umutlu selamlar…’ Nuriye pic.twitter.com/flzUbNe7F3
— Nuriye Gülmen (@NuriyeGulmen) 6 juin 2017
Le silence s’installe…
En Turquie les soutiens se poursuivent, mais sont loin d’être à la hauteur des enjeux. A l’extérieur, on ne peut pas dire non plus que la mobilisation pour les “sauver” soit immense. Sans vouloir faire de comparaisons, la campagne pour la libération du photographe Depardon, parfaitement légitime et nécessaire, et qui d’ailleurs se heurte jusqu’ici à des murs, surpasse largement en audience les relais pourtant existants autour de Nuriye et Semih… Le régime AKP a visiblement décidé de jouir de l’immunité que lui confèrent les gouvernements européens dans le marchandage autour des réfugiés, et, pour certains les intérêts économiques en jeu de multinationales du BTP. Il fait donc silence, tout en agitant de vagues promesses de compréhension, et surtout entamant une campagne de publicité à grand frais pour rétablir une image auprès des investisseurs…
Parmi les soutiens “intérieurs” :
Ismail Edre, un cuisinier, qui a entamé un grève de faim en soutien à Nuriye et Semih, le jour de leur incarcération, publiait ce message sur son compte Facebook :
Penseriez-vous que ce le fond des choses concerne seulement les corps de Nuriye et Semih ? Ou, selon vous, s’agirait-il du corps d’Acun, qui est trainée tous les jours par terre, malgré son coeur qui fonctionne grâce à une pile ? Avez-vous déjà demandé à Veli, qui tombe sur ses genoux sous la pluie de balles en caoutchouc, mais que ne s’agenouille jamais ; résiste-t-il à tant de violence, juste pour lui, en tant que Veli Saçılık ?
Vous pensez peut être, que Nuriye, Semih, Acun, Veli, Esra sont très forts, plus courageuse que vous… Ressembleraient-ils peut être à des super-héros qui n’ont aucune inquiétude existentielle ?
Avez-vous demandé si Acun, n’a pas peur de laisser sa fille sans maman ? Comment Veli cache en rentrant à la maison, les meurtrissures et blessures sur son corps à sa fille de 6 ans, Feraye ?
Auriez-vous une idée, de ce que Neylan, la compagne de Veli, pourrait ressentir en le filmant en train de se faire tabasser ? Existe-t-il des mots suffisants dans une quelconque langue, pour décrire la souffrance et l’inquiétude que peuvent ressentir Esra, la compagne de Semih, sa mère Sultan, et les proches de Nuriye ?
Personne n’attend des louanges héroïques de vous. Le fait de les saluer avec titres pour lesquelles vous ne questionnez pas ces personnes pour savoir si elles veulent les porter ou non, ne suffit pas remplir vos responsabilités sociales. Au contraire, vous êtes responsables de partager le poids porté par ces personnes, que vous chargez à nouveau à chaque hommage.
Si votre parole, vos partages sur des réseaux sociaux ne retrouvent pas écho dans la vie, ils n’ont aucun sens.
Ils attaquent notre existence ! Ce qui est trainé par terre, qui devient cible des balles en caoutchouc, qui se noie dans les gaz, qui est indigné, insulté, n’est autre que notre existence que nous menons depuis toujours.
Hier, j’étais avec Veli. Il m’a dit “Yüksel nous a été confié par Nuriye et Semih, il ne doit pas tomber”. Mon coeur a saigné, mais je n’ai pu rien dire. Et Veli, qui fait en sorte que “Yüksel ne tombe pas”, était encore aujourd’hui, par terre, avec des vêtements que les gaz avaient blanchis.
Je dis cela, sans faire la différence, pour toutes les organisations de société civile, les partis politiques, les syndicats, les organisations corporatives, les universitaires et enseignants à qui les décrets n’ont pas encore enlevé leur travail :
Nous passons aujourd’hui, un examen de dignité. Il viendra un temps, où lorsqu’on parlera d’aujourd’hui, chacune sera évoquéE par ce qu’il/elle a fait ou n’a pas fait. Ce jour là, les “mais” derrière lesquels vous vous réfugiez dans l’ombre, n’auront aucune valeur. C’est vous qui décidez, de quelle façon on se rappellera de vous…
Côté soutiens…
Par exemple, mardi 6 juin, une manifestation de soutien revendiquant la libération immédiate de Nuriye et Semih s’est déroulée à Kadıköy à Istanbul. Par exemple, dans la soirée de mardi, un repas populaire a été partagé dans la rue Konur à Ankara, à la fois rupture de jeûne et soutien à la grève de la faim de Nuriye et Semih…
Par exemple, le samedi 3 juin, à Munich, Nuriye et Semih ont été salués.
Autre exemple, une expression de solidarité depuis Bruxelles… Un salut du coeur qui part de la Place de la Monnaie vers Avenue Yüksel à Ankara, et qui traverse les murs de la prison…
Mais lorsqu’on constate que le nouvel “appel des 1000”, est lui aussi ressenti comme un de plus, dans le silence… On peut avoir les mêmes interrogations que Ismail Edre, et penser que le temps de la résistance sera fait d’une longue succession de mobilisations, de grèves, de gestes utiles pour ne pas sombrer, de “sacrifices”, de colères et de lassitude… Et tout autant, la crainte que les murs des prisons comme celui du silence ne suscitent chez des combattants excédés des raccourcis “terroristes” est grande…