En Turquie, la sit­u­a­tion des détenuEs malades est plus que préoc­cu­pante. Nous avions par­lé de Devrim Ayık dans un récent arti­cle, et nous souhaitons vous par­ler aus­si de Celal Şeker.

Mais avant, il est néces­saire de replanter le “décor”.

Les conditions carcérales et les malades

Dis­ons tout d’abord que l’en­vi­ron­nement car­céral actuel, rend malade même les pris­on­niers en bonne forme. De nom­breux détenuEs y per­dent leur san­té et déclar­ent des mal­adies, ou leurs mal­adies exis­tantes progressent.

Des cel­lules sans lumière du jour, humides et sen­tant la moi­sis­sure, la dis­tri­b­u­tion de l’eau froide et chaude bien en dessous des besoins, par con­séquent l’in­suff­i­sance des con­di­tions d’hy­giène, la présence de 2, 3 fois de plus de détenuEs que la capac­ité des quartiers, sont seule­ment cer­taines des raisons qui trans­for­ment les pris­ons, en des lieux qui génèrent des maladies.

Les per­son­nes incar­cérées en étant malades, sont non seule­ment encore plus affec­téEs par les con­di­tions car­cérales, le manque d’hy­giène, de sur­pop­u­la­tion, mais aus­si, elles ne béné­fi­cient pas des soins néces­saires, leurs médica­ments leurs étant retirés ou par­tielle­ment four­nis. Pour accéder à un médecin, ils-elles subis­sent des voy­ages qui durent des heures dans les véhicules de trans­fert appelés “ring”, par­ti­c­ulière­ment néfastes.

L’écrivaine Aslı Erdoğan, souf­frant de divers­es mal­adie en prison, en témoignait dans une inter­view don­née peu après sa libération :

Le côté le plus dif­fi­cile de la prison, c’est l’aide médi­cale. Tu vas à l’infirmerie une fois par semaine, et là, c’est une hor­reur. C’est la sécu­rité extérieure, la gen­darmerie qui t’y amène. Ils te font mon­ter dans cet hor­ri­ble véhicule, le ‘ring’. Le ‘ring, est une chose que même les 20 pris­on­nières qui sont habituées à tout ne peu­vent sup­port­er. Je n’ai jamais vu autre chose qui soit plus inhu­main que ce véhicule. Ils font assoir six femmes menot­tées, côte à côte, dans un espace petit comme un cer­cueil. La porte claque sur vous. La fenêtre est à peine plus grande que la paume d’une main. L’été c’est très chaud, l’hiver c’est froid, et pas aéré. Et on est sec­ouées. Telle­ment que les gens vom­is­sent. Ils vous amè­nent à l’hôpital comme ça. Ils pren­nent les femmes à l’intérieur, une par une, accom­pa­g­nées de gen­darmes, der­rière des gros cade­nas. Les autres atten­dent dans le cer­cueil étroit. 3 heures, par­fois 4 heures. Celles qui vom­is­sent, celles qui s’évanouissent… Les gens devi­en­nent touts pâles. Tu veux à la fois aller voir un médecin, tu as atten­du des mois pour ce trans­fert et à la fois, tu te dis “com­ment je vais sup­port­er le ‘ring’ ?”.

Les vies des détenuEs grave­ment malades sont sus­pendues aux déci­sions des médecins du ATK (Insti­tu­tion de Médecine légiste), seule autorité médi­cale qui peut leur don­ner la pos­si­bil­ité d’obtenir des soins, un report de peine et/ou une libération.

Ce fut aus­si le cas pour Ahmet Türk. Pour pren­dre des “noms” qui ont abouti à des libéra­tions, même provisoires…

Une autre méth­ode d’op­pres­sion mise en pra­tique sous état d’ur­gence, les “trans­ferts d’ex­il” touchent égale­ment par­ti­c­ulière­ment les détenuEs malades. Il s’ag­it de trans­ferts arbi­traires, d’unE détenuE, se trou­vant dans une prison, vers une autre, géo­graphique­ment éloignée, ce qui met les familles dans l’im­pos­si­bil­ité de ren­dre vis­ite à leur proches, et con­stitue un type d’isole­ment et tor­ture psy­chologique, pour les détenuEs coupéEs de leur familles.

Combien de détenuEs malades ?

Les détenuEs malades et hand­i­capéEs sont très nombreux.
IHD, l’As­so­ci­a­tion des Droits humains, nous four­nit ces chiffres :

926 détenuEs atteintEs de can­cer ou d’autres mal­adies graves, sont actuelle­ment dans un état cri­tique et dans l’im­pos­si­bil­ité de men­er leur vie sans assis­tance. Env­i­ron 300 de ces détenuEs malades, sont dans un état extrême­ment grave, et peu­vent per­dre leur vie à tout moment.

Voici donc le cas de Celal Şeker

Le pris­on­nier poli­tique Celal Şek­er, dont les traite­ment néces­saires ne sont pas four­nis mal­gré l’ag­gra­va­tion de sa sit­u­a­tion de san­té, est aujour­d’hui sous men­ace de “trans­fert d’exil”.

Pour cette rai­son, nous souhaitons informer l’opin­ion publique et les médias, de sa situation.

Mal­gré de nom­breuses ini­tia­tives, déc­la­ra­tions, con­férence de presse faites par la Com­mis­sion des Pris­ons du IHD, son cas n’a pas trou­vé d’é­cho dans les médias, et l’ad­min­is­tra­tion n’ayant pas bougé d’un iota, à ce jour, sa vie est tou­jours en danger.

Accusé d’être “mem­bre d’or­gan­i­sa­tion ter­ror­iste” Celal Şek­er a été placé en garde-vue puis pour­suivi en 2008. Il était alors, mem­bre et employé de la sec­tion Jeunesse du DTP [Demokratik Toplum Par­tisi, Par­ti de la société démoc­ra­tique]. Son procès s’est ter­miné en juin 2014, par une peine de prison de 6 ans, 3 mois et 15 jours, et celle-ci a été con­fir­mée par la Cour de cas­sa­tion. Il a donc été arrêté en mars 2015, à l’hôpi­tal, où il s’é­tait ren­du pour se faire soign­er et il a été immé­di­ate­ment incarcéré.

Celal Şek­er est dia­bé­tique depuis 14 ans. Il doit recevoir, une hémodial­yse trois fois par semaine et une dial­yse péri­tonéale toutes les six heures. Il est atteint d’in­suff­i­sance rénale, mais souf­fre aus­si d’in­suff­i­sance car­diaque, d’artériosclérose, de l’hy­per­ten­sion, de trom­bone veineuse et il a des kystes dans les poumons. Suite au dia­bète, il a per­du la vision d’un œil et il est sur le point de per­dre l’autre. Il doit égale­ment se trou­ver dans des envi­ron­nements avec une hygiène stricte, car il est en con­tinu sous le risque d’une quel­conque infec­tion. Et il a récem­ment déclaré un can­cer de la peau, néces­si­tant l’hospitalisation.

En 2015, l’hôpi­tal de Diyarbakır, très pré­cisé­ment Gazi Yaşargil Eğitim ve Araştır­ma Has­tane­si, a établi un rap­port qui noti­fie la perte de fonc­tions cor­porelles de Celal Şek­er, le déclarant hand­i­capé à 97% et souligne que son incar­céra­tion con­stituerait un dan­ger absolu pour sa vie, et que par ailleurs, sa mal­adie néces­si­tant un traite­ment réguli­er et de longue durée, il ne pour­ra pas vivre sans assis­tance dans les con­di­tions car­cérales. Il pre­scrit donc, que sa peine doit être reportée. Cet avis médi­cal n’a pas été respec­té. Celal a été jeté en prison…

En prison, la sit­u­a­tion de san­té de Celal devient inquié­tante, sa mal­adie s’ag­grave. Le 10 mai 2016, Celal se rend à nou­veau à l’hôpi­tal : en l’oc­curence dans le même étab­lisse­ment. Cette fois-ci, env­i­ron un an plus tard, celui-ci établit un rap­port, totale­ment con­tra­dic­toire avec le pre­mier, et, tout en sig­nalant qu’il doit subir une hémodial­yse trois fois par semaine, déclare que détenu peut rester en prison. Il n’est pas néces­saire de reporter sa peine et de le libérer.

Com­ment une déci­sion de main­tien en prison peut-elle être prise en 2016, pour une per­son­ne qui déjà en 2015, ne devait pas être en prison, alors que son état s’est aggravé ? Incom­préhen­si­ble. Nous lais­sons cette ques­tion au juge­ment de l’opin­ion publique…

Nous apprenons ensuite, par la famille de Celal Şek­er que celui-ci sera trans­féré de la prison de Diyarbakır où il est incar­céré, à la prison de Gaziantep.

Il va donc subir une dou­ble peine.

Il n’est pas seule­ment urgent d’an­nuler, déjà son “exil” vers une autre prison, loin de sa famille, mais aus­si de le libér­er pour qu’il puisse recevoir les soins qui lui sont vitaux, avant d’ar­riv­er sur le point d’une sit­u­a­tion de non retour.

Lib­erté pour Celal Şeker !

SIGNEZ LA PETITION pour la libéra­tion de Celal Şek­er En ligne depuis 2 ans, mais n’a recueil­li que 860 sig­na­tures à ce jour. (Texte en turc, mais donne la ver­sion des faits relayée ci-dessus, il y manque les dernières infos que nous avons portées à votre connaissance)


Mise à jour du 3 février 2018

Celal Şeker est décédé ce matin, en détention…


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