Nous avons par­lé à plusieurs repris­es des con­di­tions car­cérales qui sévis­sent en Turquie.

Les grèves de la faim qui se sont déroulées avant le “référen­dum”, dénonçaient ces con­di­tions et demandaient le retour min­i­mum à des traite­ments dignes et des con­di­tions san­i­taires et humaines de déten­tion, et la fin de l’arbitraire.

Les con­di­tions san­i­taires, et par­ti­c­ulière­ment la prise en charge des pris­on­nierEs malades, leur droit d’ac­cès aux soins fait par­tie de ces atteintes aux droits humains les plus élé­men­taires qui ont cours dans les geôles turques.

La sit­u­a­tion des détenuEs malades est pointée par des organ­i­sa­tions de société civile, en sol­i­dar­ité avec les détenuEs et leurs familles, ain­si que des asso­ci­a­tions défen­dant les Droits Humains. Cer­tainEs des détenuEs souf­frant de mal­adies graves, sont affec­téEs par­ti­c­ulière­ment par des con­di­tions car­cérales inhu­maines. Leurs traite­ments étant sou­vent arbi­traire­ment empêchés, ils/elles se retrou­vent dans un état de san­té critique.

Devrim Ayık est seule­ment un cas, par­mi tant d’autres, de ces pris­on­niers “malades”…

Devrim tra­vail­lait dans le jour­nal Özgür Halk. Il avait été arrêté lors d’une “opéra­tion” et mis en garde à vue le 3 octo­bre 2015, à Izmir. Accusé d’être “mem­bre d’or­gan­i­sa­tion ter­ror­iste” il a été incar­céré le 6 octo­bre 2015, à la prison de Kırık­lar, tou­jours à Izmir.

Aujour­d’hui Devrim a 25 ans et il souf­fre d’une ver­sion chronique et sévère de la “Mal­adie de Crohn”..

C’est une mal­adie inflam­ma­toire chronique du sys­tème diges­tif. Elle se car­ac­térise par des péri­odes d’amélio­ra­tion et de rémis­sion suiv­ies d’épisodes où les symp­tômes se man­i­fes­tent à nou­veau. Elle atteint par­ti­c­ulière­ment trois zones : le côlon, l’anus, et la par­tie ter­mi­nale de l’in­testin grêle. La mal­adie se car­ac­térise prin­ci­pale­ment par des crises de douleurs abdom­i­nales et des diar­rhées, qui peu­vent dur­er plusieurs semaines ou plusieurs mois. Fatigue, perte de poids et même dénu­tri­tion peu­vent sur­venir si aucun traite­ment n’est entre­pris. L’inflammation peut touch­er n’importe quelle par­tie du tube diges­tif, de la bouche à l’anus. Dans cer­tains cas, des symp­tômes non diges­tifs, qui touchent la peau, les artic­u­la­tions ou les yeux peu­vent être asso­ciés à la mal­adie. Aujour­d’hui, s’il est pos­si­ble de soulager les symp­tômes et de cica­tris­er les lésions pour de longues péri­odes, la mal­adie ne se guérit pas.

Le traite­ment est basé sur deux principes : le pre­mier con­siste à traiter le malade au cours des poussées ; c’est ce que l’on appelle le traite­ment d’attaque. Le sec­ond principe est la préven­tion des rechutes. C’est le traite­ment d’entretien qui per­met de pro­longer au max­i­mum les péri­odes de rémis­sion de la maladie.

Devrim, est sujet aux douleurs et cram­pes abdom­i­nales, diar­rhées, poussées de tem­péra­ture, perte de poids, douleurs artic­u­laires, et aux diminu­tions de ses capac­ités physiques. La mal­adie touche aus­si bien son sys­tème diges­tif que sa peau.

Par ailleurs la mal­adie de Devrim néces­site une ali­men­ta­tion spé­ci­fique à laque­lle l’ad­min­is­tra­tion de la prison ne l’au­torise pas…

Hülya Ayık, la mère de Devrim a exprimé à plusieurs repris­es, que l’ad­min­is­tra­tion de la prison empêchait arbi­traire­ment les traite­ments de son fils. Elle explique que pen­dant des mois Devrim a souf­fert, et que toutes les requêtes deman­dant une hos­pi­tal­i­sa­tion ont été rejetées, qu’alors que pen­dant qua­tre mois Devrim a craché du sang. L’ad­min­is­tra­tion a atten­du jusqu’à ce que Devrim soit vic­time d’un malaise en pleine nuit dans les quartiers de la prison, le 27 avril dernier. Hülya tient l’ad­min­is­tra­tion de la prison de Kırık­lar, comme respon­s­able prin­ci­pale de l’ag­gra­va­tion de la mal­adie de Devrim.

En effet sa mal­adie ayant pro­gressé, Devrim a été hos­pi­tal­isé à l’hôpi­tal Yeşi­lyurt et y a séjourné pen­dant un mois, accom­pa­g­né de sa mère, dans l’e­space réservé aux pris­on­niers. Pen­dant la pre­mière semaine, Devrim a été endor­mi pour qu’il puisse sup­port­er les douleurs dont il était vic­time. Son bilan de san­té démon­trait que, n’ayant pas pu con­tin­uer son traite­ment, Devrim avait des ulcères et per­fo­ra­tions dans les intestins. L’al­i­men­ta­tion par per­fu­sion et traite­ment médica­menteux ne don­nant pas de résul­tat, Devrim a été opéré le le 11 mai, avec un risque de néces­sité de greffe d’in­testin. Les inflam­ma­tions ayant été traitées par l’opéra­tion, il n’y a fort heureuse­ment pas eu besoin de greffe.

Dans les jours qui ont suivi l’opéra­tion Devrim a été ren­voyé à la prison. On ne con­naît pas les atten­dus ni les respon­s­ables de cette prise de décision.

Pré­cisons qu’il n’y a pas encore de con­damna­tion pronon­cée à l’en­con­tre de Devrim. Son dossier est en cours de juge­ment. Il pour­rait par­faite­ment com­para­itre en lib­erté, sous con­trôle judiciaire.

Hier 27 mai, la Com­mis­sion Prison du bureau d’Is­tan­bul du İHD (Asso­ci­a­tion des Droits humains) a dédié la 270è édi­tion des “Assis­es F” à Devrim Ayik et a demandé sa libéra­tion immé­di­ate. Ces assis­es sont organ­isées pour attir­er l’at­ten­tion sur les pris­on­niers et pris­on­nières malades incar­céréEs dans les pris­ons dit “de Type F”.

 Turquie • Prisons de "type F", qu'est-ce que c'est ?

Le but de cet arti­cle n’é­tait pas de détailler “clin­ique­ment” un cas, celui de Devrim, alors que des cas de pris­on­niers et pris­on­nières âgéEs ou souf­frant de patholo­gies graves, antérieures à leur arresta­tion ou aggravées par elles, sont légions. Aslı Erdoğan l’an dernier, après son incar­céra­tion, a décrit ses pro­pres dif­fi­cultés à accéder aux soins dont elle avait besoin. Ce fut aus­si le cas pour Ahmet Türk. Pour pren­dre des “noms” qui ont abouti à des libéra­tions, même provisoires…

Une logique car­cérale glob­ale, aveu­gle et idéologique­ment guidée par la lutte “anti-ter­ror­iste”, d’un bout à l’autre de la chaîne, des tri­bunaux d’in­jus­tice au “maton” vise la souf­france, la diminu­tion psy­chologique et/ou physique, pour “cass­er” l’op­posantE sup­poséE. Rien d’in­ven­tif là dedans, c’est, avec sou­vent la tor­ture et la vio­lence en prime, la dérive de tout “état” qui aban­donne le ter­rain du droit et qui délègue la “puni­tion” à une chaîne d’exé­cu­tants. Quand cette “délé­ga­tion” se pra­tique dans un régime total­i­taire, elle s’ac­com­pa­gne aus­si tou­jours d’ex­cès de zèle, pour agréer au “supérieur”, tout autant que du sen­ti­ment d’im­punité qui relègue toutes règles humaines et morales aux oubliettes.

S’en suit un règne de l’ab­surde et de l’ar­bi­traire, qui brise le plus faible, et celle et celui qui ne dis­pose d’au­cun sou­tien, pas même de l’e­spoir de voir son cas dénoncé.

La dénon­ci­a­tion brise pour­tant la cel­lule d’isole­ment. Elle a l’u­til­ité de créer une chaîne humaine dans ce règne de l’ab­surde, qui ne tient que par le sen­ti­ment d’im­puis­sance qu’il crée chez les témoins… Lorsque cette chaîne se pro­longe, lorsque se tis­sent même des “cor­re­spon­dances”, c’est une vic­toire con­tre l’impuissance.

Alors un cas de plus, oui… Et ce ne sera pas le dernier.


Ajout — juin 2017

Mal­gré la cam­pagne de sol­i­dar­ité pour que Devrim ne soit pas éloigné de sa famille habi­tant proche de la prison d’Izmir, il a été trans­féré, dès que les points de suture ont été retirés, vers la prison d’An­talya à 460 km de distance.

Les trans­ferts de ce type, sont en réal­ité des dou­ble peines pour les pris­on­niers ; davan­tage encore quand ils sont malades.


Ajout du 17 février 2018

Trans­féré à la prison d’An­talya, l’é­tat de san­té de Devrim Ayık, n’é­tant pas soigné, s’est très rapi­de­ment détéri­oré dans des con­di­tions inadap­tées de la prison.
Sa mère, Hülya Ayık, explique sa sit­u­a­tion actuelle, et sig­nale que mal­gré les jurispru­dences exis­tantes, le fait que Devrim soit un pris­on­nier poli­tique, fait que les médecins refusent d’é­tudi­er son dossier. Elle pré­cise qu’il survit en prison, à l’aide de ses codétenus, après la perte d’un oeil, et souf­fre actuelle­ment de pertes de con­science, et a des hal­lu­ci­na­tions. “Il ne peut plus rester debout, mais lors des vis­ites, l’ad­min­is­tra­tion ne l’au­torise pas à avoir une chaise, il est donc obligé de s’as­soir à même le sol. Je vois mon fils dis­paraitre à chaque vis­ite. Enten­dez l’ap­pel d’une mère. Soyez sol­idaires, pour que je puisse obtenir l’au­tori­sa­tion pour le faire soign­er moi-même ou sa libération.”

Signez la pétition ICI


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