Un sym­po­sium organ­isé par l’A­cadémie du YSGP (Par­ti des verts et avenir de gauche) a eu lieu les 26, 27 et 28 mai à Istan­bul. Plusieurs sujets ont été abor­dés, dont la ques­tion kurde, la démoc­ra­ti­sa­tion, l’é­conomie, la résis­tance et la rue.

L’Art, la lit­téra­ture et la résis­tance dans les temps dif­fi­ciles”, “Dis­cuter l’al­ter­natif : La crise du néolibéral­isme et les luttes pop­u­laires”, “Fémin­isme, Queer et cama­raderie”, “La guerre au Moyen-Ori­ent et les réfugiés : que faire ?”, “Négo­ci­a­tion, lutte et la ques­tion kurde”, “La poli­tique de l’é­colo­gie en milieu urbain et rur­al”, “De Gezi au Référen­dum de 2017, la nou­velle con­duite de la lutte”… Tels ont été les sujets sur lesquels plusieurs intel­lectuels ont planché ces trois derniers jours. Intel­lectuellEs par­mi lesquellEs fig­u­rait la roman­cière Aslı Erdoğan.

La pre­mière journée, le 26 mai 2017, avait pour mod­éra­teur l’u­ni­ver­si­taire Erol Köroğlu. Autour de la table, pour par­ler de “L’Art, la lit­téra­ture et la résis­tance dans les temps dif­fi­ciles”, le pein­tre Sev­inç Altan, l’en­seignante Melike Koçak, et la roman­cière Aslı Erdoğan, écrivaine. Avec, en out­re, des mem­bres du YSPG, du HDP et de nom­breux écrivains et poètes.

Un aperçu des interventions…

La recherche de solutions

Melike Koçak a par­lé des “espaces de résistance” :

Nous avions organ­isé une action, inti­t­ulée ‘Une phrase pour Kobanê’. Qua­tre-vingt auteurEs et poètes sont venus pour com­pos­er une phrase. Après la cam­pagne de sig­na­tures lancée par les uni­ver­si­taires, nous aus­si, avons recueil­li des sig­na­tures pour la paix. Cha­cune de ces actions était une résistance.”

Lorsque nous ouvrons un espace de résis­tance, dans l’art et la lit­téra­ture, en les met­tant en lien avec la poli­tique, nous ren­con­trons des obsta­cles. Nous devons les tra­vers­er. Nous regar­dons les événe­ments depuis l’in­térieur de nos domaines et nous cher­chons des solu­tions. Quand nous obser­vons les mou­ve­ments pop­u­laires, nous voyons que la réor­gan­i­sa­tion [de la société, de la résis­tance?] dans la région [du Sud-Est de Turquie] a bien lieu, par exem­ple avec le fes­ti­val du Théâtre de Diyarbakır. Nous sommes à la marge de la réal­i­sa­tion de cer­taines choses.”

Nous n’arrivons pas à dire “Sur est partout”

Sev­inç Altan a pris parole à son tour. Elle a souligné que le mot “résis­tance” est très util­isé ces derniers temps. Elle a rap­pelé la cita­tion “Si nous par­lons de résis­tance, c’est que nous sommes dans la mouise.” et a ajouté des exem­ples de résis­tances actuelles, telle que celle de la pop­u­la­tion de Sur, quarti­er his­torique de Diyarbakır, détru­it en grande par­tie par les bom­barde­ments de l’ar­mée, et ensuite entière­ment rasé par le pou­voir. Les habi­tants ont résisté devant les pel­leteuses pen­dant la démo­li­tion du quarti­er.

Pen­dant Gezi, nous avions dit ‘Gezi est partout’, main­tenant il y a la résis­tance de Nuriye et Semih dans l’av­enue Yük­sel à Ankara, nous dis­ons ‘Yük­sel est partout’. Mais nous n’ar­rivons tou­jours pas à dire ‘Sur est partout’. Ces mots ont du mal à sor­tir de notre bouche.”

Sev­inç a par­lé d’une pub­li­ca­tion qu’elle avait aperçue sur les réseaux soci­aux, et s’est dite inter­pelée par les paroles d’une vieille femme, habi­tante de Sur, “Main­tenant, il est trop tard pour tout.”

Résis­ter est désor­mais devenu une course, c’est courir après quelque chose. J’ai réfléchi et j’ai réal­isé qu’il fal­lait met­tre quelque chose au dessus de la résis­tance : se révolter.
Par exem­ple, n’ayant pas réa­gi avant que les machines arrivent, pen­dant que les bom­barde­ments se déroulaient, nous nous trou­vons devant l’oblig­a­tion de résis­ter. ‘Il est trop tard’. Cette phrase a, à mes yeux, beau­coup de sens. Il faut absol­u­ment que nous trou­vions une autre sortie.

Dépasser les limites par la révolte

Sev­inç a cité une autre résis­tance, celle de Kemal Gün, homme de 70 ans, qui a fait une grève de la faim en revendi­quant la dépouille de son fils. Kemal a obtenu gain de cause mais l’E­tat a inter­dit au père d’in­humer son fils dans sa ville, Dersim…

Kemal Gün en grève de la faim : Où est la dépouille de mon fils ?

Kemal a résisté pen­dant 90 jours, par une grève de la faim, et il a gag­né son com­bat. Mais la dépouille est restée dans nos mains. Seule­ment con­nais­sons nous l’his­toire de cet homme ? Si nous ne lev­ons pas la tête pour observ­er les prob­lèmes de ces gens, leurs résis­tances res­teront sus­pendues en l’air.”

Actuelle­ment c’est le pou­voir qui définit les fron­tières de l’e­space dans lequel nous sommes coincés entre la vie et la mort. C’est mon sen­ti­ment. C’est pour cela que je prononce le mot ‘révolte”. Nous ne ques­tion­nons pas, nous mar­chons, nous résis­tons mais nous ne savons tou­jours pas con­tre quoi nous résis­tons exactement.”

Sev­inç a par­lé de Semih et Nuriye, enseignants en grève de la faim, incar­cérés au 78ème jour de leur grève, et elle a cri­tiqué la présence des députés CHP [par­ti kémal­iste démoc­rate libéral] sur le lieu de grève des deux enseignants pen­dant leur absence.

 Tous les articles sur Nuriye et Semih

Avec ‘la révolte’ nous pou­vons agir en dehors de l’e­space que le pou­voir définit pour nous. Nous devons nous révolter et sor­tir de cet espace. Si nous le faisons pas, les députés du CHP se per­me­t­tront d’oc­cu­per ‘l’e­space de résis­tance’ qui appar­tient à Nuriye et Semih. Si nous ne lev­ons pas la tête, nous subirons cela. Les députés du CHP font les cent pas sur cet espace, mais ils ont con­tribué à l’ar­resta­tion et à l’emprisonnement des députés du HDP. Quand je pense à cela, j’en ai honte.”

Sev­inç a ter­miné sur une note d’espoir :

Entre l’e­space pub­lic et l’e­space poli­tique il existe une dynamique incroy­able­ment inventive.”

Face à un sérieux fascisme

Pour Aslı Erdoğan, la Turquie ressem­ble à l’Eu­rope des années 1930.

Nous sommes face à un sérieux fas­cisme. Il nous frappe du côté où nous ne sommes pas prêts. Nous vivons une péri­ode où l’op­pres­sion, le mas­sacre et le men­songe sont devenus la norme. Les statuts de résis­tant et de vic­time sont devenus, à part entière, des résis­tances. Etre témoin est par­fois plus dif­fi­cile qu’être vic­time. Je peux com­pren­dre, par exem­ple, la destruc­tion à Sur, autant que je peux, dans les lim­ites de ma notion de destruction. 

Elle a souligné qu’elle était jugée pour ses chroniques.

Quand j’ai écris mes chroniques, je ne me demandait pas pourquoi je les écrivais. Parce qu’évidem­ment il fal­lait que je les écrive. Je les ai écrites en tant que témoin. Sur ce point, des ques­tion­nements sur le pourquoi n’ont pas de sens. On doit écrire ce qu’on pense être juste.”

 Les 4 chroniques d'Aslı qui ont servi pour les chefs d'accusation

Aslı a rap­pelé que de nom­breux écrits, poèmes et pein­tures ont été pro­duits dans les camps de con­cen­tra­tion en Allemagne.

Beau­coup de rescapés des camps se sont sui­cidés. Quand vous par­lez de la souf­france, soit il ne faut pas met­tre le doigt dedans, soit, si on le fait, il faut aller jusqu’au bout. Peut être que les sui­cides peu­vent être expliqués comme cela.”

J’ai con­nu beau­coup de per­son­nes qui ont vécu la guerre. J’ai observé que les hommes dis­ent sou­vent ‘oublions et pas­sons à autre chose’. Je pense que nous, les femmes, nous sommes plus courageuses.”

Je ne peux pas décrire le par­adis, mais j’ai vu l’en­fer. En per­dant le sens des choses, on accède à l’enfer.”

(DIHA)


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