La munic­i­pal­ité d’Is­tan­bul a sup­primé le mag­a­zine d’Art et cul­ture, “1453 İst­anb­ul” suite à l’u­til­i­sa­tion d’une image extraite d’un doc­u­men­taire de Cey­da Torun, inti­t­ulé “Kedi” (chat) (ou sous son nom en anglais “Nine Lives Cats in Istan­bul”), qui traite des mythiques chats d’Istanbul.

Nous avions annon­cé la sor­tie de ce film, en jan­vi­er 2016, dans l’ar­ti­cle “Kedi” : être chat à Istanbul :

Kedi” n’est pas un doc­u­men­taire sur les chats de mai­son ou errants que vous croisez par­fois dans votre jardin. “Kedi” est un film sur des cen­taines de mil­liers de chats qui ont par­cou­ru la métro­pole d’Istanbul, libre­ment, pen­dant des mil­liers d’années, tra­ver­sant la vie des gens à l’in­térieur ou à l’ex­térieur, d’une façon unique, ani­mal vivant entre les mon­des sauvages et “apprivoisés”. Les chats et leur cha­tons, appor­tent la joie et don­nent aux êtres humains la pos­si­bil­ité d’une réflex­ion sur la vie et leur place dans la vie. A Istan­bul, les chats sont des miroirs de nous-mêmes.

Depuis, “Kedi” avait fait sa pre­mière en Turquie, en clô­ture du “IF”, Fes­ti­val inter­na­tion­al du films indépen­dants d’Is­tan­bul, et, à par­tir de févri­er 2017, il a pu con­quérir le pub­lic dans des cen­taines de salles aux Etats-Unis (dans une ving­taine de villes). L’aven­ture doit se pour­suiv­re dans les six prochains mois. Le doc­u­men­taire est disponible à l’achat en ligne, et fera en principe sa sor­tie dans les salles de Turquie le 9 juin prochain.

La réal­isatrice Cey­da Torun expli­quait, dans une inter­view récente, le suc­cès du film, par la per­sévérance de la caméra, qui ne s’est jamais éteinte, pour pou­voir enreg­istr­er des cen­taines d’in­stan­ta­nés. En effet, c’est la bonne méth­ode pour ne pas rater une croquette !

C’est la faute du chat qui passait par là

chat1453 İst­anb­ul pub­lie dans son dernier numéro, un arti­cle sur le doc­u­men­taire “Kedi”. Un pho­to extraite du film, illus­tre l’ar­ti­cle. On y voit un chat de rue, très pré­cisé­ment “Sarı, (jaune) l’Ar­naque­ur”, devant un graf­fi­ti “ERDO-GONE — İnşall­ah Maşallah”.

Pour mieux com­pren­dre, lais­sons donc Sarı l’Ar­naque­ur bailler et faisons une lec­ture rap­prochée de ce graffiti.

ERDO-GONE” petit jeu de mot mi turc-mi anglais, pour dire “Erdoğan dis­paru”.

Quant au “İnşall­ah Maşal­lah”, le pre­mier veut dire “si Allah veut bien”, et le deux­ième “Maşal­lah”, “Comme Allah veut” des ter­mes en langue arabe, entrés dans la langue turque et qui, bien qu’ils parais­sent très religieux, sont très util­isés dans la langue courante, même dans la bouche des plus athées, pour rem­plac­er le “oh oui, j’e­spère bien !”

De plus, l’u­til­i­sa­tion de ces deux mots à répéti­tion, fait référence égale­ment à une émis­sion de télé, présen­tée par un curieux prédi­ca­teur Adnan Oktar, dont nous vous avions déjà par­lé à tra­vers ses livres anti-évo­lu­tion four­nis aux écol­iers. Lors de ces émis­sions abrutis­santes, le prédi­ca­teur “star” s’en­toure de femmes à “plas­tiques”, en foulard ou en décol­leté, qu’il appelle “mes petits chats”. Tout au long de l’émis­sion, il se fait “admir­er” par ses “cha­tons”, et ce sont des mots “İnşall­ah, Maşal­lah” qui font le con­tenu. Voilà main­tenant, vous y voyez plus clair…

Monsieur le maire est consterné

Non, ça n’a pas plu pas à tout le monde. En tout cas, pas au maire d’Is­tan­bul métropole…

La munic­i­pal­ité d’Is­tan­bul déclare donc que “les licences des édi­teurs, du coor­don­na­teur édi­to­r­i­al chargé du con­tenu, et du rédac­teur en chef ont été annulées. Une plainte pénale sera déposée, en rai­son du con­tenu irre­spectueux et provocateur “.

Notons que Kültür AŞ (Société Anonyme) qui édite entre autres le mag­a­zine 1453 Istan­bul, est une entre­prise à but com­mer­cial, fondée en octo­bre 1989, au sein de la Mairie d’Is­tan­bul Métro­pole pour répon­dre aux ser­vices dans les secteurs du tourisme, art et culture.

Kadir Top­baş, le maire, explique qu’en décou­vrant cette pub­li­ca­tion, il fut “con­sterné”. “Il n’est pas pos­si­ble de com­pren­dre com­ment cette “affaire” a été mon­tée dans ce mag­a­zine, et quel sens il faut lui don­ner” ajoute-t-il. Bien que le graf­fi­ti par­le d’un cer­tain “Erdo” et non de Kadir,  Mon­sieur le Maire, vis­i­ble­ment plus Erdo qu’Er­doğan lui-même, s’est sen­ti per­son­nelle­ment visé dans son allégeance, et est extrême­ment choqué d’avoir été attaqué de cette façon vio­lente, par des griffes et des dents pointues :

Quel est le but ? Si vous avez des pen­sées ori­en­tées vous pou­vez com­pren­dre” dit le maire. “C’est comme si un maire était directe­ment visé, et qu’on voulait manip­uler l’opin­ion publique en sa défaveur.” (…) Quand j’ai pris con­nais­sance de cette pub­li­ca­tion j’ai été hor­ri­fié. C’est bas et immoral. Quel est donc ce genre de ligne édi­to­ri­ale ? Quelle logique ? Il n’est pas pos­si­ble de com­pren­dre cette démarche du mag­a­zine Istan­bul 1453, qui est édité au sein de Kültür AŞ. Et il n’est pas pos­si­ble d’ac­cepter que cela puisse être une erreur. Ce genre de choses ne peut pas être étouf­fée en dis­ant juste, il y a eu une “erreur”. Les pré­cau­tions néces­saires ont été pris­es, les licences ont donc été annulées. Des démarch­es impor­tantes ont été entamées. J’ai don­né l’or­dre de dépos­er plainte. Ils répon­dront de ce qu’ils ont fait devant la Justice”.

Voilà tout est dit.

Un média de plus, disparait

Le mag­a­zine 1453 İst­anb­ul, était un trimestriel, et il exis­tait depuis 2007. L’en­tre­prise munic­i­pale Kültür AŞ. s’est égale­ment empressée de sup­primer la page du mag­a­zine sur son site.

Il faut faire atten­tion à ce que vous dites, à ce que vous écrivez en Turquie. Un soupir plain­tif “Zut, Il pleut !” est vite com­pris comme “tiens, voilà un canard” et peut se trans­former en procès pour insulte au Prési­dent. On vous l’avait déjà dit. Ou bien, comme 1453 İst­anb­ul, une pho­to de chat qui fait exprès de se tenir sournoise­ment devant un slo­gan sur un mur, et vous voilà dans le lot des jour­nal­istes mis au chô­mage et trainés devant le tribunal.

C’est telle­ment saugrenu qu’on pour­rait en rire, mais mine de rien, il s’ag­it de la fer­me­ture encore  d’un mag­a­zine. Un média inter­dit de plus, nom d’un chat !

Allez, juste pour vous remon­ter le moral. Voici deux ban­des annonces de “Kedi”, pour le prix d’une !

KEDI  
Director: Ceyda Torun | Production: Termite Films | 2015
Website | Facebook

 

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Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.