Nuriye Gülmen et Semih Özakça toujours en grève de la faim… Leur résistance continue. Aujourd’hui, c’était le 69è jour. Il est dédié aux grévistes de la faim en Palestine. Une conférence de presse a été tenue avec une délégation palestinienne.
La solidarité continue à s’élargir. Le premier jour, sur l’avenue Yüksel, Nuriye était seule (image à la une)… Et voilà ce que cela donne :
Hier, lundi 15 mai, les journaux pro régime ont publié des articles sur les grévistes, et d’une voix unanime ont cherché à discréditer leur résistance, en les traînant dans la boue d’accusations de terrorisme, après, ces jours derniers, avoir jeté le doute sur leur moyen d’action.
Ils ont relayé un communiqué qui aurait été publié par la Direction de Sécurité d’Ankara. Celle-ci, prétend que Nuriye, Semih, et Acun, ainsi que tous les soutiens figurant sur des photographies, figureraient déjà auparavant sur des images de mobilisations telle que la commémoration de Belkin Elvan, de Gezi, et d’autres activités militantes organisées par le syndicat Egitim-Sen ou d’autres organisations de société civile. Toutes ces activités selon ces médias auraient été organisées par l’organisation DHKP‑C. Les deux grévistes sont donc désignés à la vindicte comme des membres de cette organisation d’extrême gauche, considérée comme terroriste par la Turquie. Le fait qu’ils aient été mis en garde-à-vue, lors de certaines de ces manifestations, a été présenté par ces mêmes journaux, comme “ayant déjà été jugés et condamnés pour terrorisme” et accusés d“agir au nom d’une organisation terroriste”.
Par conséquent, la résistance et la grève de la faim sont assimilées à des “activités terroristes”, et l’avenue Yüksel où et la grève se déroule a été déclaré ” QG des terroristes”.
Par ailleurs, les visuels, pris comme d’habitude par la police, lors de toutes les manifestation d’opposition afin de ficher les personnes présentes, ont été livrés aux médias qui les ont publiés, avec mention de noms et d’appartenances, attribués à chacun. Or, aucune preuve, ni jugement ou condamnation, même pas une enquête n’existe pour corroborer ces affichages, et la désignation comme “appartenance à telle telle organisation”.
Après la publication de ces soi-disant “informations” qui ne sont que des accusations publiques, de nombreux avocats ont porté plainte contre les journaux au service du régime, comme Sabah, İnternetHaber ou Akşam, qui ont largement relayé ces mises au pilori, pour “incitation à la haine”, “affichage de personnes montrées comme cibles” “accusations sans fondement juridique, pour tromper l’opinion publique” et “violation des droits de l’individu par calomnie et diffamation”.
Cette résistance qui se poursuit depuis plus de 6 mois, n’a pas trouvé de place dans les médias mainstream en Turquie. Pourtant les soutiens des organisations de société civile, notamment de nombreuses organisation de Droit et des juristes, des syndicats, les partis HDP et CHP, de simples soutiens ont commencé à venir, certains depuis les pays étrangers, notamment européens. Un point aurait été pris dans l’ordre du jour du Parlement européen. Le fait que la grève de la faim se poursuive et dépasse le seuil critique, a multiplié à la fois les inquiétudes, mais aussi amplifié la solidarité.
Par correction, nous ne partagerons pas ces publications ignobles. Certains supports ont fini par supprimer leur publication en ligne. Hier soir il n’y avait plus qu’un site où elles étaient toujours visibles. Nous en gardons les captures.
Puis, en plein nuit, autour de 02h, la police est intervenue avec usage de gaz, comme “appelée” par ces médias publics. Les affaires des grévistes, pancartes, bannières, fleurs ont été encore une fois confisquées. Trois soutiens ont été mis en garde-à-vue, et une personne a été victime d’un malaise.
Ve Yüksel’e 30. Saldırı! Sorumlusu tetikçi gazetelerdir!O alanı bedel ödeyerek kazandık, bedel ödeyerek orada kalacağız!Kahrolsun faşizm! pic.twitter.com/cUMBY90D5f
— Semih-Esra Özakça (@SemihOzakca) 15 mai 2017
Après l’intervention, Esra, l’épouse de Semih faisait un direct sur Twitter. Elle se rendait sur les lieux de résistance, dans l’avenue Yüksel, près du monument des Droits de l’homme. Elle était accompagnée d’un avocat. Elle disait en résumé :
“La police est intervenue, mais on va s’y réunir à nouveau, on ne lâchera pas. Je souffre d’asthme, les amiEs me disent de ne pas venir. Mais j’y vais quand même. J’ai pris mes médicaments, j’y vais.
Nous ne sommes pas surpris. Après les publications des journaux “alliés”, nous nous y attentions. Nous savons pourquoi ils écrivent tout cela, nous savons qui leur fait écrire.
Ils prétextent le feu que nous allumons tous les soirs. On allume un feu, parce qu’on a froid la nuit. Ce feu serait-il devenu gênant tout d’un coup, au bout de 67 jours ? Eh bien on va le rallumer. Ce feu ne s’éteindra pas.”
Yüksel’e gidiyoruz.Yüksel sana yine geliriz! Arkadaşlarımızın ödediği bedellere sahip çıkacağız! https://t.co/F7aNmw0QhZ
— Semih-Esra Özakça (@SemihOzakca) 15 mai 2017
Aujourd’hui les grévistes ont tenu une nouvelle conférence de presse pour répondre aux “contre-informations” de la “presse gâchette”. Acun Karadag, enseignante, qui participe à la résistance depuis le début, a pris parole en présence de Nuriye et Semih :
“La mafia loue un homme. Elle lui donne une arme et lui dit ‘va tuer cette personne’. Cet homme, ne demande pas qui est cette personne qu’il va tuer. Il ne s’en occupe pas. Il ne se donne pas la peine de savoir qui il est, s’il a une famille, s’il a faim. Il appuie sur la gâchette et il le tue. Il sert la mafia. Voilà pourquoi nous appelons ces journalistes ‘des gâchettes’.
La mère de Nuire pleure-t-elle ? La mère de Semi pleure-t-elle ? La fille d’Alun pleure-t-elle ? Ils s’en foutent ! Tous, ce qui les intéresse, c’est l’argent qu’ils touchent.
En 2013, ils ont fait une opération, ils ont arrêté 86 personnes, mises en garde-à-vue. J’étais une de ces 86 personnes, oui. Je suis resté en prison pendant 6 mois. Que s’est-il passé ? Vous nous avez libérés. Ca fait quatre ans que j’enseigne à l’école. Ils ont fait ces opérations dans 8 villes différentes. Les gens arrêtés dans 5 de ces villes ont été acquittés, parce qu’il s’est avéré qu’il s’agissait d’un coup monté. Il ne reste plus qu’un seul procès qui se poursuit. Ils écrivent des articles en se basant sur un procès qui n’est pas terminé…
Le pouvoir calcule ceci : ‘Le soutien s’est élargi, que va-t-on faire face à ces masses ? Que va-t-on faire face à ces millions de personnes en solidarité ? Comment peut-on faire terminer cette grève de la faim ?’ C’est après cela qu’il court.
Je demande ici, devant tout le monde : Tu vas tuer deux enseignants, dans la rue, devant les yeux de tout le monde, préparerais-tu le terrain pour cela ?”
Tetikçi yandaş medyanın yalan ve kontra haberlerine karşı Yüksel’den öğretmen @acun_karadag’ın açıklaması! #NuriyeveSemihinAçlığınaSesVer pic.twitter.com/wSrenSnWnJ
— ՏԾʅՎԹՌɿʍ (@TurkulerSahit) 15 mai 2017
La solidarité continue à s’élargir. Voici les soutiens de cette résistance en image… seulement un échantillon…
Nous savons parfaitement que sans les réseaux d’organisations aguerries à la lutte, sous un état d’urgence impitoyable, aucune personne ne se risquerait à entreprendre une action à portée aujourd’hui internationale. Nous pouvons même nous réjouir de cette résilience, et de l’efficacité militante autour de cette résistance, alors que le régime ne cesse d’arrêter, d’emprisonner, de perquisitionner et parfois exécuter…
Que l’extrême gauche en Turquie soit aux côtés de ceux qui luttent et résistent au régime AKP est une évidence. Le contraire nous eut mis en alerte. Que le HDP mobilise lui aussi ses réseaux de soutien et que même quelques franges du CHP liées à la société civile bougent, alors qu’elles avaient porté les yeux ailleurs au moment de la grève de la faim des prisonniers avant le référendum, est plus qu’encourageant pour l’issue de cette lutte pour la vie.
Quelques médias européens suivent cette mobilisation désespérée. Certains ont consacré colonnes ou écrans à cette lutte, constatant qu’en Turquie même, elle tranchait avec la peur et l’atonie… Nous ne pouvons croire qu’il faudra des morts de la faim, pour que cela soit enfin mis sous les yeux des opinions publiques occidentales.
Cette sordide manipulation par dénonciations publiques, cherchant à assimiler une résistance réelle à un “complot d’un groupuscule terroriste”, a tout de la célèbre “affiche rouge”, dans la démarche conjointe du pouvoir AKP et de ses torchons aux ordres.
Pour lire tous les articles de Kedistan sur la lutte de Nuriye et Semih suivez ce lien.