La Maison Blanche, par la voix de Trump en personne, a approuvé la fourniture d’armes aux milices kurdes YPG qui combattent les jihadistes de l’EI en Syrie, a déclaré mardi un porte-parole du Pentagone… Sonnez trompettes !
Une dépêche AFP a fourni mardi matière à articles de presse dont certains soulignent néanmoins quelques ambiguïtés, d’autres inventent de “source sûre” la nature de l’armement qui serait fourni.
Il n’y aurait pourtant visiblement aucune contradiction majeure, a ce que dans le même élan, quelques heures avant l’annonce sur la fourniture d’armes aux YPG, le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis ait déclaré à Copenhague que les États-Unis allaient associer la Turquie aux opérations militaires contre Raqqa. Et tout le monde se complait surtout à parler de la colère, en réalité feinte, d’Erdoğan.
Ce “ballet” est orchestré à la veille de la visite prévue d’Erdoğan aux Etats Unis le 16 mai prochain.
Le régime turc tiendrait-il là un élément de réponse à ses bombardements aériens sur le Nord Syrien, (28 victimes) et précisément des zones et installations du Rojava ? Ces bombardements ont été suspendus à la suite des mises en garde, sous forme de pré-positionnement dans les zones frontalières entre autres, de membres de forces américaines, ce qui avait déjà questionné. Des forces russes, suite aux accords autour d’Alep, s’étant elles positionnées pour “la surveillance de ces mêmes accords” près d’Afrin.
Une zone d’exclusion aérienne avait alors été demandée par les responsables de la Confédération Nord Syrie… Et Erdoğan avait réitéré sous une autre forme, la nécessité d’une “zone de sécurité”, qu’il n’avait pas appelée “tampon”, pour une fois, dans la région.
“Nous sommes pleinement conscient des inquiétudes des Turcs pour leur sécurité”, a indiqué en substance Jeff Davis, nous dit la dépêche AFP.
Son soutien aux “forces rebelles anti-Bachar”, et le rôle que la Turquie joue et a joué dans les évacuations suite à la reprise d’Alep par le régime et la “sécurisation” des populations n’est pas gratuit. A minima, il permet au régime AKP de Turquie de garder un pied dans la diplomatie internationale, tout en subissant malgré lui une “tutelle” diplomatique russe, qui s’était même accompagnée de quelques “obus égarés” il y a un mois.
La discussion et les marchandages en cours, dans lesquels le régime turc ne peut de facto qu’être intégré, aboutissent donc à des concessions et bras tordus de tous les côtés.
Les deux grandes forces impérialistes que sont la Russie et les USA, bien que ne disant jamais haut et fort ce que sont leurs réels “intérêts à défendre”, et se réfugiant derrière des étiquettes “anti Daech” et “coalitions”, louvoient donc entre l’Iran, la Turquie, les Kurdes irakiens, et les actions militaires contradictoires ou combinées.
Les bombardements dans le dos des forces YPG/YPJ, composition essentielle des Forces Démocratiques Syriennes, ont ralenti la progression vers Raqqa et “objectivement” servi Daech, même si Erdoğan s’en défend. Les harcèlement kurdes irakiens sur les zones libérées autour de Shingal n’ont guère aidé non plus. Le mérite et le but recherché des deux a été bien sûr de renforcer le chantage à l’armement contre le Rojava, et l’instrumentalisation pure et simple des forces YPG/YPJ dans la lutte anti Daech, hors de toutes considérations sur les processus politiques en cours au Rojava et dans la Confédération Nord Syrie.
Les “Kurdes font le job” dit Trump. Il ne précise en rien ce qu’il fera ensuite, concernant la démocratie syrienne à venir…
Pour couronner le tout, lorsque des officiels états uniens ne cachent pas leur volonté de renforcer le renseignement avec la Turquie, membre de l’Otan, dans la guerre contre “les” terrorismes, visant ainsi le PKK, on a une idée sur le couteau dans le dos que pourrait préparer un Trump, une fois militairement soulagé des offensives contre Daech.
Militairement, l’offensive sur Raqqua dépend de fait davantage de ces tractations, sur lesquelles le régime Bachar garde un oeil attentif via ses alliés russes et iraniens.
Alors, se réjouir et tirer des feux d’artifices au sujet de la décision de Trump, toujours réversible au cas où, semble prématuré, et fort téméraire ou pire ignorant pour les processus démocratiques en cours. Le soutien au Rojava mérite mieux que des semailles d’illusions sur la pusillanimité d’un Trump, comme hier sur la “virilité bienveillante” d’un Poutine.
Fort heureusement, les forces kurdes ne s’y trompent pas, leurs représentants non plus, et accueillent cette nouvelle comme “on prend toujours ce qui est bon à prendre, mais les yeux grands ouverts”, pour résumer ainsi leurs réactions.
Il serait très déplacé dans les pays européens, de laisser croire le contraire, en ornant de petits coeurs des dépêches AFP.
Un Trump à coup sûr en cache un autre…