C’est la voix de la Turquie pour une reven­di­ca­tion du pain, de la vie et de la dignité.

Nous ne voulons ni mourir, ni devenir hand­i­capés, ni rester une seule sec­onde de plus à jeun. Nous sommes très clairs là-dessus.

La seule chose que nous voulons, c’est notre tra­vail. L’af­faire est si sim­ple pour nous… Celles et ceux qui nous dis­ent, “ne con­tin­uez plus votre grève de la faim, arrêtez”, s’il vous plaît, devraient s’adress­er aux bons inter­locu­teurs. Qu’ils leur dis­ent “Ces per­son­nes sont en grève de la faim depuis tant de jours. Nous ne voulons plus qu’ils con­tin­u­ent, qu’ils subis­sent des dom­mages physiques. Vous pro­mulguez des décrets, vous faites des listes de réin­té­gra­tion, ajoutez aus­si leurs noms.” C’est si sim­ple, en vérité…

Les “inter­locu­teurs” se mon­trent indif­férents. Cela fait 180 jours que nous con­sta­tons cette atti­tude, mais nous savons qu’ils voient et qu’ils enten­dent… Notre action est, en très peu de temps, dev­enue vis­i­ble, et elle a atteint l’opin­ion publique inter­na­tionale. Il est donc impos­si­ble qu’elle ne les ait pas atteint, jusqu’au plus haut placé des inter­locu­teurs. C’est donc une tac­tique, mais ce ne sont pas les tac­tiques qui font gag­n­er les guer­res. C’est une guerre d’usure. Nous sommes con­va­in­cus de la gag­n­er avec le sou­tien du peu­ple, nous en sommes sûrs. Plus encore, nous devons accentuer la pres­sion sur eux, pour que le délai ne se ral­longe pas. Nous gag­nerons de toutes façons, mais ce serait sen­sé de gag­n­er avant d’avoir des dégâts cor­porels, et avant d’ar­riv­er à la fron­tière de la mort…
Que per­son­ne ne pense, ” A quoi servi­rait ce que je peux faire [à mon niveau] ?”, cha­cun peut faire des choses, et chaque chose est pré­cieuse pour nous. Ne serait-ce que le fait de par­ler de notre résis­tance et de notre grève, à une nou­velle per­son­ne, est pré­cieux pour nous. .

Pour ter­min­er, nous voudri­ons exprimer ceci : nous auri­ons préféré ne pas faire une grève de la faim. Per­son­ne ne veut faire souf­frir son corps. Mais nous voulons que ceux qui voient cette grève de la faim com­pren­nent, ici, qu’il y a une lutte pour le pain. Nous voulons leur rap­pel­er ce qu’est cette lutte de survie. Ce qui a con­stru­it l’his­toire, c’est la lutte pour le pain et le com­bat pour la dignité.

150 mille fonc­tion­naires sont licen­ciéEs et per­son­ne ne dit rien. Les gens se sui­ci­dent ! Dans les deux derniers mois, 37 per­son­nes se sont sui­cidées. Ce tableau n’est-il pas ter­ri­fi­ant ? Juste­ment, nous voulons met­tre fin à ce tableau. La grève de la faim est le cri qui détru­ira un tel tableau. Il faut que les êtres humains se rap­pel­lent ce qu’est la lutte pour le pain, et qu’il s’ag­it d’une lutte pour la dig­nité. Il faut qu’ils com­pren­nent ce que cela sig­ni­fie, que quelques-uns puis­sent lever leur voix, au lieu de se soumettre.

C’est, aus­si, hiss­er le dra­peau de la résis­tance, face à la décom­po­si­tion, à l’altéra­tion de la société, et à des attaques qui ciblent nos valeurs communes.” 

Nous nour­ris­sons notre âme par la faim.”

Nuriye Gül­men
9 mai 2017 Ankara 

 Nuriye et Semih : la vie en échange d’un futur… Solidarité

Déclaration des médecins

Nuriye et Semih en sont au 63ème jour de leur grève. Ayant eu un malaise la veille, Nuriye n’a pas pu venir hier, sur le point de ren­dez-vous du boule­vard Yük­sel, à Ankara, son “espace de résis­tance” comme elle aime l’appeler.

La Cham­bre des Médecins a fait une déc­la­ra­tion pour attir­er l’at­ten­tion sur la dégra­da­tion de san­té de Nuriye et Semih. Par­ti­c­ulière­ment Nuriye, ces deux derniers jours. La déc­la­ra­tion souligne, en résumé : “Le 45è jour, cap cri­tique d’une grève de la faim est large­ment dépassé. Des irrégu­lar­ités de ten­sion et de pouls, perte de défens­es immu­ni­taires, les résul­tats d’analy­ses de sang sont inquié­tants. Des per­tur­ba­tions dans les humeurs et les fonc­tions motri­ces et intel­lectuelles. Nous con­sta­tons les symp­tômes du syn­drome Wer­nicke-Kor­sakoff1. 10 à 15% des per­son­nes atteintes de cette mal­adie per­dent leur vie et 77% péris­sent du fait d’in­fec­tions dans les péri­odes qui suivent.”

Turquie

*

Un autre message : “Expliquez à tout le monde, s’il vous plait”

Depuis la déc­la­ra­tion de l’é­tat d’ur­gence, 5295 uni­ver­si­taires ont été licen­ciés par 7 décrets. Seuls 113 ont retrou­vé leur tra­vail par un décret ultérieur.

Le 8 mai dernier un nou­veau décret, le n°689, a pronon­cé le licen­ciement de 484 uni­ver­si­taires et 98 fonc­tion­naires du ser­vice pub­lic tan­dis que dans le même temps 18 autres uni­ver­si­taires ont eu le droit de retour.

Beliz Güç­bilmez, a été licen­ciée, elle, par le décret n°679, le 6 jan­vi­er. Elle était pro­fesseur de  théâtre à la fac­ulté des langues, d’his­toire et de géo­gra­phie de l’U­ni­ver­sité d’Ankara.

Beliz a aus­si un message :

Rap­pelons ce qui se passe quand vous êtes licen­ciéEs par décret : Vous n’avez plus de sécu­rité sociale. Vous ne pou­vez plus tra­vailler dans ou avec une organ­i­sa­tion publique ou entre­prise semi publique. Vous n’avez pas l’op­tion de tra­vailler à l’é­tranger, car le passe­port que vous pos­sédez est invalidé, et on vous refuse la délivrance même d’un passe­port touris­tique. Et le verse­ment de l’in­dem­nité de chô­mage de 900 livres turques (230€) que vous pou­vez percevoir pen­dant 9 mois, est blo­qué par un code entré sur votre dossier informatique.

En résumé, ils nous con­damnent à la faim.

Ce proces­sus, qui n’est qu’un enchaîne­ment de vio­la­tions de droits, et le fait que nous ne pou­vons pas entamer de con­tre procès, nous défendre, est cha­peauté par des pré­textes comme ne pas plaire au directeur, être vic­time d’un col­lègue ambitieux, être social­iste, démoc­rate, opposant…

Et nos amis grévistes de la faim Nuriye et Semih le dis­ent, “Vous nous avez con­damnés à la faim”. La sit­u­a­tion est limpide.

Partout où vous êtes, expliquez cela à tout le monde, s’il vous plait.

Beliz Güç­bilmez
10 mai 2017


APPEL AU SOUTIEN A PARIS

Le ven­dre­di 12 mai, le “Front pop­u­laire de Turquie” tien­dra un stand Place de la République de 16h à 20h. Une grève de la faim sym­bol­ique d’une journée sera menée en sou­tien à Nuriye Gül­men, Semih Öza­kça et Kemal Gün.


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