En Turquie, les exé­cu­tions de femmes par la police se pour­suiv­ent. Après Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Tay­bet, c’est aujour­d’hui celle de Sıla…

Aujour­d’hui 6 mai, Sıla Abal­ay a été exé­cutée par la police dans le quarti­er Yeşilo­va, à Küçükçek­mece, dis­trict d’Is­tan­bul. Elle avait 18 ans. Deux per­son­nes se trou­vant dans la mai­son, ont été mis­es en garde-à-vue. La police a annon­cé des “affron­te­ments” et les médias alliés au régime, ont “infor­mé” l’opin­ion publique, d’une voix unanime, sans qu’il n’y ait aucune enquête ni preuve, en pro­duisant des manchettes comme “Une respon­s­able impor­tante de l’or­gan­i­sa­tion illé­gale DHKP‑C, tuée lors des affrontements”.

Ces pra­tiques d’exé­cu­tion sans juge­ment se répè­tent sans cesse depuis deux ans. Günay Özarslan, Dilek Doğan, Şirin Öter, Yeliz Erbay, Dilan Kor­tak ont été tuées dans des quartiers dif­férents d’Is­tan­bul, et Tay­bet Canşin à Diyarbakır. Avec Sıla Abal­ay, le nom­bre de femmes exé­cutées est à ce jour de six. Mal­gré le fait que les proches, amiEs ou autres témoins appor­tent leur témoignages, expliquent qu’elles ont été tuées dans des con­di­tions qui ne peu­vent en aucun cas jus­ti­fi­er leur mort, elles sont relayées par les médias au ser­vices du régime, tou­jours avec le même refrain. Ces jeunes mil­i­tantes, devi­en­nent dans les unes de ces médias, de “dan­gereuses dirigeantes d’or­gan­i­sa­tion illé­gale et armée” donc des “ter­ror­istes” donc “à abat­tre”. Et ces exé­cu­tions ciblent par­ti­c­ulière­ment de jeunes mil­i­tantes femmes.

Pas d’arrestation ni jugement, mais une exécution pure et simple

Le jour­nal Şûjin, relaie les pro­pos de d’Oya Aslan, avo­cate de l’as­so­ci­a­tion HHB, Halkın Hukuk Büro­su (L’Of­fice du Droit du peu­ple). Oya souligne que la police tue les femmes sans qu’il y ait de cir­con­stances qui jus­ti­fient de les abat­tre, et que ces six mas­sacres de femmes sont pro­fondé­ment politiques.
Oya exprime que les policiers préfèrent tir­er et tuer ces femmes, alors qu’il était tout à fait pos­si­ble de les “arrêter”, si telle était leur inten­tion “Ils jus­ti­fient ces pra­tiques avec l’é­tat d’ur­gence. Pour Sıla, ils déclar­ent qu’elle aurait été armée et aurait util­isé son arme. ils avaient avancé les mêmes thès­es pour les précé­dentes vic­times. Ils essayent d’in­ven­ter des motifs pour jus­ti­fi­er leurs exé­cu­tions et se don­ner des raisons pour tuer. Il s’ag­it d’actes et de choix poli­tiques, ter­roris­er les mem­bres d’or­gan­i­sa­tions opposantes. Pour Sıla, même si on n’a pas encore les détails du déroule­ment, nous savons que sa mort est sur­v­enue dans des cir­con­stances ana­logues. Ces opéra­tions sont effec­tués par des cen­taines de policiers des équipes spé­ciales, for­més et entrainés. Leur champs d’ac­tions devrait être ‘l’ar­resta­tion des sus­pects’, mais ils préfèrent tuer”. Oya ajoute que les détails ne sont pas encore révélés, mais que ces opéra­tions se font dans la totale illé­gal­ité cou­verte aujour­d’hui par l’é­tat d’urgence.

Qui sont les 6 femmes exécutées ?

Günay Özarslan

Günay a été tuée par la police, le 24 juil­let 2015, lors d’un raid, dans le cadre des opéra­tions ciblant le DHKP‑C. Elle avait 30 ans. Les médias ont “servi” l’in­for­ma­tion en présen­tant Günay comme “bombe humaine”.

Günay, avant sa mort, avait été inquiétée à plusieurs repris­es, mise en garde-à-vue, avec un procès à son encon­tre. Son avo­cat Özgür Yıl­maz déclarait après l’exé­cu­tion de Günay, “La police s’est intro­duite dans la mai­son en cas­sant la porte et a tué Günay qui se trou­vait dans une des pièces. Ses proches présents dans la mai­son, lors du raid, expri­ment qu’il s’ag­it d’une exécution”.

La dépouille de Günay, n’a pas pu être inhumée pen­dant des jours. Les funérailles au Cemevi (lieu de prière alévi) du quarti­er Gazi, ont été attaquée égale­ment par la police et plusieurs per­son­nes on été arrêtées. Günay a pu être inhumée enfin, après 2 jours de ten­sions, et avec la médi­a­tion des députéEs du CHP et du HDP. Depuis 2015, deux ans sont écoulés et aucune preuve qui con­firmerait la thèse de “bombe humaine” relayée par les médias alliés, n’a été trouvée.


Dilek Doğan

Dilek a été exé­cutée, le 18 octo­bre 2015, lors d’un raid à son domi­cile à Sarıy­er, Istan­bul. Elle a été reçu une balle tirée par les policiers qui s’in­tro­dui­saient dans sa mai­son à qui elle a dit “Met­tez des chaus­sons en plas­tique”. Dilek, grave­ment blessée, a suc­com­bé à l’hôpi­tal, 8 jours plus tard, le 25 octo­bre. Sa mère déclarait après sa mort “Les policiers sont entrés dans la mai­son avec leur chaus­sures. Ma fille leur a dit de met­tre des chaus­sons de pro­tec­tion et d’en­tr­er après. Il y a eu une dis­cus­sion, un bruit de tir, et ma fille s’est écroulée. Après le coup tiré, nous avons vécu un moment de bous­cu­lade avec les policiers. Puis, nous avons trans­porté ma fille à l’hôpi­tal. Ma fille n’é­tait pas une bombe humaine. Si c’é­tait le cas, croyez-vous qu’elle dormi­rait à la mai­son ? Pourquoi  l’ont-ils tuée ?”

Le polici­er qui a tuée Dilek, Yük­sel Moğoltay, a été jugé. Une peine de prison de 20 à 26,5 ans avait été demandé à son encon­tre pour “mort don­née inten­tion­nelle­ment” et “util­i­sa­tion de matériel pub­lic pour le crime” (son arme de ser­vice). Le Tri­bunal d’Is­tan­bul a con­damné le polici­er une peine de prison de 6 ans 3 mois pour “mort causée par négligence”

Dilek Doğan : la police a encore tué
Les funérailles de Dilek, le 26 octobre 2015.

Şirin Öter et Yeliz Erbay

Şirin et Yeliz ont été exé­cutées dans le quarti­er Gazios­man­paşa le 23 décem­bre 2015. Elles ont été tuées, lors d’un raid dans leur mai­son. Leur exé­cu­tion, afin d’être “légitimée”, a été “servie” par les médias alliés, comme “tuées lors d’une opéra­tion anti-ter­ror­iste”. La méth­ode avec laque­lle Şirin et Yeliz on été tuées, est par­ti­c­ulière­ment préoc­cu­pante et se dif­féren­cie des autres cas. Il s’ag­it de tirs à bout por­tant. Les rap­ports d’au­top­sie relèvent de nom­breuses balles tirées à courte dis­tance sur le corps de Yeliz. Quant à Şirin, 6 balles ont tra­ver­sé sa poitrine, une balle son ven­tre et 2 balles son vagin.

Le 23 février, funérailles des militantes Yeliz Erbay et Şirin Öter.
Photos de Loez
extraites de l’article “Vues de Gazi, les luttes d’un quartier populaire d’Istanbul”
  • Gazi, Istan­bul. Le 22 févri­er 2015, la police a exé­cuté deux mil­i­tantes du MLKP, par­ti de la gauche révo­lu­tion­naire turque, soupçon­née d’avoir posé des bombes fisant un jour­nal pro-daesh et un camion de police. Le 23, les funérailles des mil­i­tantes ont lieu dans le quarti­er de Gazi, bas­tion des révo­lu­tion­naires turcs et kur­des. A cette occa­sion, la brache armée de l’or­gan­i­sa­tion fait une appari­tion publique pour saluer ses martyrs.

Dilan Kortak

Dilan a été exé­cutée dans le quarti­er San­cak­te­pe lors d’une opéra­tion aux aurores le matin du 4 décem­bre 2015. Elle avait 19 ans. Son avo­cat exprime avoir con­staté en per­son­ne, que Dilan avait été mitrail­lée par les policiers, par arme automa­tique. Dilan a été présen­tée dans les médias alliés, encore une fois comme “bombe humaine”. Son père İbrahim Kor­tak “Ce sont des exé­cu­tions effec­tuées par l’E­tat. Je suis con­va­in­cu qua ma fille a été exé­cutée. Elle était seule à la mai­son. Il n’y a eu aucun affron­te­ment. Les témoins l’ex­pri­ment égale­ment.” Le procès de Dilan se pour­suit, tant bien que mal, mal­gré les efforts d’ob­scur­cisse­ment des preuves.


Taybet Canşin

Tay­bet a été exé­cutée en octo­bre 2015, dans sa mai­son à Bağlar, local­ité de Diyarbakır. Les preuves ont été cachées par un incendie volon­taire provo­qué par les policiers.

Elle est seule­ment une des vic­times d’éxé­cu­tions au Bakur. Nom­breuses sont les villes du Bakur, comme Cizre, Diyarbakır, Nusay­bin… mis­es en état de siège, qui ont été scènes d’opéra­tions lors desquelles de nom­breuses per­son­nes ont été exé­cutées. Comme entre autres, Seve, Fat­ma, Pak­ize… tuées à Silopi


Et Sıla Abalay aujourd’hui…

Les avo­cats de la famille de sila expri­ment leur inquié­tude sur une éventuelle dis­sim­u­la­tion et trav­es­tisse­ment des preuves. Et le col­lec­tif de femmes “Yeryüzü Kadın­ları” a protesté et dénon­cé l’exé­cu­tion de Sıla en accrochant une ban­de­role à Kadıköy, sur le pas­sage de Mar­maray (Tun­nel tra­ver­sant le Bosphore).

La police a exé­cuté Sıla Abal­ay aujour­d’hui. Le sais-tu ?” Yeryüzü Kadın­ları @yeryuzukadinlar

Ajouts du 9 mai 2017 :

La police a annon­cé avoir arrêté une per­son­ne “mem­bre de TIKKO1Par­ti com­mu­niste de Turquie/marxiste-léniniste[//footnote]et recher­chée depuis 25 ans”, en pré­cisant que “l’opéra­tion de police au cours de laque­lle Sıla a été tuée avait été effec­tuée dans le cadre de cette recherche”. Selon la police, la jeune femme “aurait eu la malchance d’être présente sur les lieux”. Sıla, dont l’exé­cu­tion a été saluée par les médias alliés au régime, pour qui “un haut cadre du DHKP‑C a été tué” aurait donc été exé­cutée par hasard ?

Et face à ce régime qui “exé­cute”, des opposantEs don­nent leur vie dans une ten­ta­tive dés­espérée depuis deux mois dans une grève de la faim à Ankara… Lisez et partagez ce lien de sol­i­dar­ité avec eux…


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