Zarok TV est une chaîne de télévision en kurde qui diffuse des programmes à destination des enfants depuis le 21 mars 2015. Elle est devenue un élément important de la résistance culturelle kurde.
« L’idée fondatrice de Zarok TV est que les enfants kurdes eux aussi ont droit à des divertissements dans leur langue. La précédente génération, sous la pression des politiques d’assimilation de l’état turc, a voulu oublier sa langue. Ils ont appris à leurs enfants que parler kurde était honteux, que cela allait contre la modernité, que c’était la langue des vieux. Les politiques d’assimilation ont rendu les gens honteux de leur culture. Mais on ne peut pas exister entièrement si on ne connait pas sa culture et sa langue. Zarok TV essaye de contribuer à la langue et la culture kurde pour contrer les politiques d’assimilation de l’état, et faire passer le message que parler sa langue est quelque chose de normal, de naturel, qu’elle peut être utilisée dans la vie quotidienne comme dans l’enseignement ou en politique. Nous voulons que la nouvelle génération accepte et revendique son identité. Le système éducatif ici apprend aux enfants qu’ils seront de bons kurdes quand ils parleront parfaitement turc. Pour cette raison, les familles veulent que leurs enfants parlent turc et ne leur apprennent pas le kurde. Nous, nous disons le contraire. Un enfant, habitué à voir des dessins animés en turc, c’est un choc pour lui quand il les voit traduit en kurde. Quand les enfants regardent Zarok TV, leur kurde s’améliore, ils ont envie de mieux parler. Cela montre l’exemple à leurs parents. »
En plus de traduire des dessins animés importés de l’étranger, Zarok TV créée ses propres programmes, certains pédagogiques, d’autres sur la culture et l’histoire kurdes. La chaîne diffuse ses contenus en langage kurmancî et zazaki (beaucoup parlé dans la région de Dersim). Doro te (“à ton tour”), par exemple, est un programme comique où des enfants de différentes villes répondent à des questions drôles. En tout, la chaîne a créé une dizaine de programmes. Elle dispose d’une équipe pour l’animation en 2D et une équipe pour la 3D, en plus des studios de doublage.
Dilek reprend : « Mais sans éducation à la langue maternelle à l’école, ces efforts ne peuvent avoir qu’une portée limitée. Une autre réussite de Zarok TV est que la chaîne, qui ne diffuse pas de contenu politique ni lié à l’actualité, réunit des gens d’opinions différentes. Bien sûr, cela reste limité, mais il y a un effet. »
Lors de sa fermeture par les autorités turques, des plaintes sont venues depuis le Kurdistan Sud, en Irak, pourtant peu enclin à défendre les projets réalisés au nord. « Quand ils ont fermé la chaîne, ils l’ont fait soudainement, sans nous prévenir. » raconte Dilek. « Nous sommes arrivés le matin et nous avons trouvé les locaux fermés. Et quand elle a de nouveau été autorisée, nous l’avons appris par les journaux. » La fermeture a duré deux mois, du 28 septembre au 09 décembre. « La raison invoquée pour justifier la fermeture de la chaîne a été “menace pour la sécurité nationale”. Nous sommes allés au parlement, rencontrer des députés AKP pour leur demander des explications, mais aucun n’a pu nous dire précisément pourquoi nous étions une menace pour la sécurité nationale. » En effet, le décret permet aux autorités de fermer n’importe quelle structure sous couvert de l’état d’urgence, selon leur humeur. Finalement, la chaîne a été réouverte, avec pour simple commentaire qu’il s’agissait d’un malentendu.
Même si Dilek s’attend à une nouvelle fermeture du jour au lendemain, cela n’empêche pas les équipes de la chaîne de travailler à de nouveaux projets et à créer des partenariats afin d’étendre les activités de la chaîne avec les enfants.
Merci à Xezal pour la traduction.