Figen Yüksekdağ, la coprésidente du HDP, et députée, arrêtée le 4 novembre, actuellement détenue dans la prison de de Kandıralı à Kocaeli, a comparu pour une deuxième audience, le 13 avril, par visioconférence, devant le Tribunal d’Ankara.
Avant l’audience, deux parlementaires suisses se font fait expulser de la salle, sous prétexte qu’ils prenaient des photos. Toute une foule est venue soutenir Figen. Des représentantEs de nombreuses organisations de société civile défenseurEs du droits des femmes, les membres et la porte parole du “Conseil des femmes du HDP”, Dilan Dirayet Taşdemir, étaient présentes dans la salle. Les représentantEs de l’association France-Kurdistan, les délégations de la “Conférence mondiale pour les femmes”, et des partis politiques de différents pays étaient également présentEs.
••• Petit rappel…
Figen Yüksekdağ, lors de sa visite en Allemagne, l’année dernière, avait donné une interview au journal Deutche Welle. Elle avait répondu à une des questions comme ceci : “le PKK est un mouvement de libération populaire. C’est une organisation qui donne une lutte pour la démocratie et l’égalité. Nous n’approuvons pas les moyens que le PKK utilise pour atteindre ses objectifs. Cependant, nous devons accepter que le programme qu’il pratique n’est pas du terrorisme”. Après ces paroles, un procès avait été ouvert pour “propagande pour organisation terroriste”, et une peine de prison allant jusqu’à 5 ans est depuis demandée à son encontre.
Rappelons que Figen est mise en accusation dans plusieurs dossiers, avec des actes d’accusation semblables. Par exemple, elle comparaissait déjà le 11 avril dernier, pour un autre discours qu’elle avait prononcé le 15 février 2015, lors de la date anniversaire de l’arrestation d’Öcalan, en 1999. Lors de ce ce procès, Figen a déjà été condamnée à un an prison.
Violation de la Constitution
Figen prend parole, et après avoir salué la salle, commence sa défense. Elle signale qu’elle souhaite faire des ajouts à sa première défense et souligne que ce procès ne devrait jamais avoir été ouvert.
Pendant que j’exerçais mon travail de députée et de co-présidence, j’ai été relevée de mes fonctions. C’est une violation constitutionnelle. Dans quel pays du monde, pouvez-vous voir, unE présidentE d’un parti, éluE au parlement en état d’arrestation ? Cela n’arrive que dans des dictatures. Je suis d’avis que ce procès devrait être arrêté ou suspendu.
La volonté du peuple confisquée
Quel que soit le regard politique qu’elle porte sur elle, elle continue en citant la constitution que ses accusateurs portent pourtant…
“La volonté du peuple est au-dessus de tout. La Constitution dit ‘Les représentants du gouvernement doivent respecter la volonté de la nation’1. Mais le peuple qui nous a élu n’est pas considéré comme ‘composante nationale’ ! Ceci est la confiscation de la volonté du peuple. Personne ne peut nous enlever notre droit de nous exprimer. Ceci est la première violation de droit. Nous n’avons aucune parole, pour laquelle nous ne pouvons pas donner des comptes devant la justice, devant notre peuple et nos citoyens.”
“La Justice est devenue un instrument d’oppression. Cela n’est pas une chose qu’on peut voir dans les démocraties. Je suis jugée ici, en tant que femme politique. Une personne politique détient la liberté de s’exprimer. Mais cela n’est pas possible en Turquie.”
“Le pouvoir influence la Justice. Je vois, en face de moi, la pression de la politique du pouvoir central. Je vois que ma liberté d’expression est confisquée. En un seul mot, mes paroles sont criminalisées, sans que mon identité politique et sociale ne soient prises en compte. Je ne trouve aucune des décisions de justice qui me concernent, légitimes. Je rappelle que les membres de la magistrature qui ont pris ces décisions sont eux mêmes, relevés de leur fonction, et arrêtés depuis, pour être ‘membre de FETÖ’.“2
Je parle au nom de 6 millions
“Dans un pays, si des millions de personnes sont accusées d’être des “terroristes”, il y a un problème de pouvoir. Il est question de ne pas pouvoir diriger un peuple d’une façon démocratique.….
Le juge coupe à cet instant les paroles de Figen : “Ici, on n’est pas dans un meeting électoral !”
Figen continue… “Je ne suis pas une personne quelconque. Je suis la co-présidente du troisième parti de la Turquie. Je parle au nom de 6 millions de personnes.”
En revenant aux chefs d’accusation Figen reprend sa défense :
“Je vois là une intolérance à mes propos. Je n’ai pas prononcé les paroles en question seulement pour une interview dans un journal. C’est une situation tragi-comique pour la Turquie, car j’ai émis les mêmes propos également à la tribune du Parlement. Dans ce cas, mes discours au parlement devraient être aussi jugés.”
Figen termine sa défense en parlant du référendum qui se rapproche. “Je suis convaincue de tout cœur que le ‘NON’ l’emportera.”
Figen Yüksekdağ : les femmes disent “non”
L’avocate de Figen, Pınar Akdemir prend ensuite la parole et demande l’analyse de l’interview par un expert et l’ajout au dossier de l’intégralité du discours de Figen prononcé au Parlement. Le Tribunal refuse la demande, et motive son refus par un “Cela n’apportera rien au dossier”. L’avocate met l’accent sur le fait qu’il s’agit d’une violation constitutionnelle, “Car tous ces propos entrent dans ce cadre. Vous prenez des décisions qui mettraient presque la Constitution à la poubelle. L’immunité de tribune doit être pris en compte” et elle demande un délai supplémentaire.
Le Tribunal a donc reporté l’audience au 6 juin prochain.
Sur la fin, les soutiens présents ont scandés des slogans de solidarité, accompagnés de youyous…
Vous aussi, vous pouvez soutenir Figen, en lui envoyant des cartes-postales !