Le KCDK‑E, (Centre démocratique du peuple kurde en Europe) a entamé une grève de la faim, aujourd’hui jeudi 13 avril à partir de 13h, à Strasbourg, en soutien aux grèves qui se poursuivent depuis 58 jours dans les prisons en Turquie.
50 personnes dont Faysal Sarıyıldız (député HDP de Şırnak), Tuğba Heze (députée HDP de Van) Yüksel Koç (Co-président du KCDK‑E), Fatoş Göksungur (Co-présidente du NAV-DEM), Arife Soysüren (Co-présidente du NAV-BEL — Centre social kurde de Belgique), Hüseyin Yıldız (Co-président de DEM-NED — Centre d“socratique social kurde de Hollande), Veli Kaya (Co-président de FEDA) Mustafa Mille (représentant de CIK — Centre d’information kurde), Hanım Engizek (représentante du TJK‑E — Mouvement des femmes kurdes), Ahmet Yıldırım (représentant de Ciwanên Azad — Fédération de jeunesse libre) ainsi que des représentantEs des familles de personnes disparues ou opprimées.
Une conférence de presse s’est tenue devant les locaux du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants). Près de 500 personnes étaient présentes, dont le Co-président du Kongra-Gel (Congrès du peuple du Kurdistan) Remzi Kartal, ainsi que de nombreux universitaires et intellectuelLEs.
Le communiqué de presse lu en turc et en français, précisait qu’une grève de la faim était devenu l’ultime moyen pour se faire entendre.
Il informait sur les grèves de la faim qui se déroulent dans les prisons en Turquie, et en sont à leur 58ème jour. L’état de santé des grévistes est désormais critique, notamment parmi celles et ceux qui ont été les premierEs à initier le mouvement.
La grève de la faim perdure et de jour en jour de nouveaux détenuEs rejoignent le mouvement. Actuellement, plus de 200 prisonniers, dont 37 prisonnières sont en grève, dans 29 prisons.
Les grévistes revendiquent la prise en compte des demandes légitimes des prisonniers politiques pris en otages par le régime, l’inspection immédiate du CPT des prisons en Turquie, l’intervention urgente du conseil européen auprès du pouvoir turc. Une délégation s’est présentée au CPT pour ce faire.
Des personnalités participent aussi à la grève de la faim (en rotation), afin de soutenir les grévistes. Le journaliste Ahmet Nesin, Filiz Koçali femme politique et journaliste (deux des inculpés du procès “Özgür Gündem”), İbrahim Çiçek, journaliste, Füsun Erdoğan, journaliste télé, la chanteuse Pınar Aydınlar, Utku Sayın, universitaire signataire de l’appel pour la paix, Aziz Tunç, auteur, ainsi que İbrahim Sedo Aydoğan et Demir Çelik Co-porte paroles du HDK Europe.
Les grèves de la faim en Turquie
En Turquie, les grèves de la faim dans les prisons ont une Histoire. Plusieurs mouvements de résistance de ce type ont été menés. La première est celle de Nazım Hikmet en 1950, (emprisonné en 1938). En 1972, les prisonniers révolutionnaires Deniz Gezmiş, Yusuf Aslan, Hüseyin İnan ont fait une grève de 12 jours. De nombreuses grèves de la faim on été entamées dans la période d’avant le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980. Les prisons de Metris (Istanbul) Mamak (Ankara) et de Diyarbakır étaient parmi celles en pointe des luttes. En 1984, à Metris une grève, avec la participation de 400 prisonniers a fait quatre morts.
La grève de la faim la plus marquante avec une participation massive s’est déroulée en 2000. Entamée en octobre, simultanément dans plusieurs prisons, par 816 prisonniers. Au bout d’un mois, cette grève s’est transformée en “jeûne de la mort”. Les forces armées turques sont alors intervenues dans les prisons dans le cadre des opérations intitulées “Retour à la vie”, faisant 30 morts dans les détenus. 2 gendarmes y ont perdu la vie. Pour que le mouvement de grève de la faim prenne fin, des personnalités comme Yaşar Kemal, Zülfü Livaneli, Orhan Pamuk, Oral Çalışlar et Can Dündar avaient essayé de se faire les médiateurs. Le bilan de ces grèves fut très lourd : 107 personnes sont décédées et 500 en ont gardé des séquelles à vie.
Le mur de silence
L’attitude des “médias” est bien souvent celle de la non prise en considération de cette forme de lutte. “ils s’arrêteront…”. Et il faut bien se rendre à l’évidence, alors que ce moyen d’action vise justement à attirer le regard du public, lorsque tous les autres ont été utilisés, ces “médias” ne commencent à considérer ces hommes et femmes en danger, que lorsque la situation devient dramatique… se plaçant de ce fait le plus souvent du côté des bourreaux, plutôt que dénoncer de suite les évidences pour lesquelles les personnes luttent. S’il en est ainsi des médias “alliés” de Turquie, on s’attendrait pourtant à ce que les correspondantEs de presse des pays européens réagissent avec davantage de célérité, au bout de 58 jours, alors qu’ils disposent de tous les éléments pour le faire. Ne serait-ce pas la meilleure façon de “commenter” le contexte du référendum ?
Ainsi également, les gouvernements européens, parmi lesquels certains qualifiés de “nazis” il y a peu encore, persistent-ils dans leur mutisme sur ces appels au secours, tout en “protestant” avec les formes diplomatiques sur d’autres questions de “démocratie”. La première chose que l’on pourrait attendre, serait la décision de diligenter une “commission d’enquête” via le CPT justement… ainsi que la saisine du Conseil de l’Europe, à minima. Mais les grévistes de la faim ne pourront attendre un accord de 27 non plus…
Nous avons beaucoup de difficultés à saisir “où sont les lignes rouges” de ces gouvernements là, alors qu’ils sont tout à fait capables d’en établir, en urgence, et en ordre dispersé, concernant le refus de l’accueil des réfugiés… Mais peut être est-ce là le noeud du problème avec le régime turc.