Nous vous avions par­lé de “Zer” le dernier film long métrage du réal­isa­teur kurde Kazım Öz… Et nous avions annon­cé avec joie que ce film qui par­le du “mas­sacre de Der­sim” allait faire sa pre­mière lors de la 36ème édi­tion du Fes­ti­val de Film d’Is­tan­bul, un des plus impor­tants fes­ti­vals en Turquie.

Zer qui par­ticipe à la com­péti­tion dans deux volets, ciné­ma turc et ciné­ma inter­na­tion­al, racon­te l’his­toire de Jan, qui part à la décou­verte de son his­toire famil­iale en suiv­ant une chan­son que sa grand-mère lui chan­tait. Les rôles sont partagés par Nik Xhelilaj, Güler Ökten, Lev­ent Özdilek, Füsun Demirel et Tom­ris İncer… Zer sera en salles le 21 avril.

 Pour plus d’infos sur le film :
ZER • Le prochain film de Kazım Öz en avril

ZER Kazım ÖzLa pre­mière s’est donc tenue le soir du 11 avril,  mais c’é­tait une drôle de première…

Durant la pro­jec­tion, le pub­lic s’est retrou­vé à plusieurs repris­es avec une inscrip­tion sur écran noir, affichant :

Cette scène étant con­sid­érée répréhen­si­ble par le Haut con­seil de con­trôle du Min­istère de Cul­ture de la République Turque, vous ne pou­vez pas la voir.”

Le Min­istère de Cul­ture a pure­ment et sim­ple­ment cen­suré plusieurs scènes, toutes liées au “mas­sacre de Der­sim” lors duquel les pop­u­la­tions kur­des alévies ont été mas­sacrées par l’ar­mée de la République de Turquie, entre 1937 et 1938.

Zer avait pour­tant béné­fi­cié pen­dant la péri­ode de pro­jet et tour­nage, d’une sub­ven­tion à la pro­duc­tion du même ministère…

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Notons que la pro­duc­tion du film avait com­mencé pen­dant le “proces­sus de réso­lu­tion”, entre 2009 et 2014. A l’époque, le pou­voir AKP s’é­tait mis à la table de négo­ci­a­tions afin de trou­ver des solu­tions pour résoudre “le prob­lème kurde”. Durant cette péri­ode, une trêve avait inter­rompu la lutte armée, l’am­biance s’é­tait adoucie, un grand nom­bre de mem­bres de guéril­la était ren­tré de la “mon­tagne” et un espoir de paix sociale, de vivre ensem­ble était né. Jusqu’à l’in­ter­rup­tion uni­latérale des négo­ci­a­tions, et la mise en chaos et en sang des régions kur­des, après les résul­tats des élec­tions de juin 2015, insat­is­faisants pour Erdoğan, parce que n’of­frant pas la majorité par­lemen­taire à l’AKP pour pour­suiv­re son pro­jet de “prési­den­tial­i­sa­tion”, cette trêve a eu cours. Rap­pelons le, la réforme con­sti­tu­tion­nelle pour la “prési­den­tial­i­sa­tion” sera votée (ou pas), par référen­dum, le 16 avril prochain.

Kazım Öz, pour ren­dre vis­i­ble les pra­tiques répres­sives de la cen­sure, a préféré ne pas “couper” les scènes con­sid­érés comme “répréhen­si­bles” par le min­istère, et a lais­sé se dérouler les bobines avec la couleur de la cen­sure ; le noir. Il explique :

Ce dont nous sommes témoins est annon­ceur de quelque chose ; on veut entamer une péri­ode som­bre dans le ciné­ma. Nous devons lut­ter con­tre cela. Le fait qu’un film soutenu par le Min­istère de Cul­ture, soit ensuite cen­suré par le même min­istère, démon­tre de quelle façon il est “démoc­rate” dans le sens des besoins du pou­voir. J’ai voulu affich­er cette pra­tique de cen­sure par le main­tien de scènes obscurcies.”


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