A Diyarbakır, depuis quatre jours, des citoyens se sont mis en grève de la faim pour soutenir le mouvement entamé depuis 57 jours (au 13 avril) par 219 prisonniers kurdes, dans 27 prisons.
Tous les trois jours, les grévistes, toujours présents au nombre d’une vingtaine environ, se relaient. Ce sont principalement des hommes et femmes âgéEs, avec quelques plus jeunes parmi eux, et des représentants du HDP et du DBP.
Sultan, le visage marqué par les années, n’a pas de proches emprisonnés, mais “ce qui leur arrive en prison nous arrive à tous”. Safiye renchérit “ce sont tous nos enfants, notre chair. Les prisonniers, ceux qui sont dans les montagnes, ceux qui sont morts dans la guérilla sont notre famille à tous. Ils sont là parce que l’état nous étouffe. Nous ne pouvons pas oublier les massacres de Cizre, de Sur, les corps que nous n’avons pas pu enterrer. Espérons que Erdoğan finisse comme Saddam.”
Le frère de Ramazan est emprisonné depuis 22 ans. Il rappelle les revendications des prisonniers : la fin de l’isolement pour Abdullah Öcalan, leader du PKK. La reprise du processus de paix et la fin des couvre-feux qui touchent encore nombre de villes et villages kurdes. Mais aussi la fin du harcèlement et des tortures dont sont victimes les prisonniers. De nombreux témoignages ont rapporté les exactions dont ils sont victimes. Certains prisonniers sont privés de téléphone. Des familles venues visiter des proches ont du se soumettre à des fouilles à nu humiliantes, ou se sont vues carrément interdire de visite. Les conversations avec les avocats sont enregistrées. Dans certaines prisons, comme à Çorum, les prisonniers accusent les gardiens de brimades et de tortures physiques. D’après eux, ces gardiens auraient également officié durant les massacres à Nusaybin et prendraient plaisir à se venger sur les détenus.
“Les premiers grévistes ont commencé il y a 57 jours”, explique Ramazan, l’air sombre. “Nous atteignons une phase critique. Chaque jour nous nous attendons à une mauvaise nouvelle. Nous ne voulons pas d’issue tragique, juste obtenir justice. Tout le monde, tous les pays devraient se sentir responsables de cette situation. Nous voulons que l’Europe, la cour pénale internationale, envoient des délégations pour constater la situation.” Le ministère de la Justice, sollicité par des députés du HDP, n’a pas encore répondu à leur demande d’entretien. L’ombre de la dernière grande vague de grèves de la faim, dans la première décennie des années 2000, plane sur eux. Plus de 100 détenus y avaient laissé leur vie, et des centaines étaient restés blessés à vie.
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L’inaction de l’Europe est pointée du doigt par nombre des soutiens des prisonniers. Mehmet ne comprend pas que “Erdoğan insulte l’Europe, mais personne ne réagit, surtout la France qui autorise les meetings de ministres”.
Sultan ajoute “Erdoğan ment à la télé. Nous voulons que ses partisans se rendent compte qu’il essaie de diviser les gens. Nous, nous ne voulons pas que Turcs et Kurdes soient ennemis, nous voulons la liberté pour tous.”
Merci à Xezal pour la traduction des entretiens.