Près de 300 000 per­son­nes se sont réu­nies à Diyarbakır pour célébr­er le Newroz. La mairie sous tutelle a eu beau restrein­dre les trans­ports publics, davan­tage de Kur­des se sont rassem­blés en périphérie de la ville, que l’an passé. Les forces de sécu­rité ont pro­hibé les tenues tra­di­tion­nelles kur­des rouge-jaune-verte. Pas grave, les cœurs bat­tent de toutes façons de ces couleurs. Seules les ban­nières du HDP et celles cla­mant l’opposition au référen­dum sont tolérées. Peu importe, quelques-uns se sont fait plaisir à braver l’interdit, agi­tant au vent les dra­peaux et vis­ages que le pou­voir ne saurait voir, déploy­ant les por­traits géants de mar­tyrs. Les slo­gans sont hos­tiles au pou­voir, à sa poli­tique, et font au con­traire l’éloge de ceux qu’il enferme, de ceux qu’il voudrait voir dis­paraître dans les pris­ons ou les montagnes.

Cette volon­té per­ma­nente des autorités de décourager n’a pas entamé le moral des par­tic­i­pants, déter­minés à fêter ce jour qui rap­pelle le tri­om­phe du bien sur le mal. Qu’après les jours som­bres, la lumière finisse tou­jours par ray­on­ner. Ces quelques heures de com­mu­nion et de relâche­ment sont une bouf­fée d’air frais pour ceux qui vivent un quo­ti­di­en fait de craintes et d’oppressions. Aujourd’hui, ces dernières sont aban­don­nées der­rière soi en même temps que se fran­chit le dou­ble bar­rage polici­er, ultime étape avant de pou­voir crier sa joie, ses espoirs et les partager. La cul­ture kurde bouil­lonne de ses chants et de ses dans­es. Les joueurs de zur­na et de davul se démè­nent comme rarement dans l’année pour le plus grand bon­heur des Kur­des et des délé­ga­tions étrangères, venues du monde entier renou­vel­er leur sou­tien au peu­ple millénaire.

Les clameurs s’élèvent de la foule et accom­pa­g­nent chaque dis­cours pronon­cé sur l’immense scène dressée pour l’occasion. Représen­tants d’associations civiles et per­son­nal­ités poli­tiques se suc­cè­dent jusqu’à ce que les cris se fassent plus forts pour l’un d’entre eux, fig­ure emblé­ma­tique du mou­ve­ment kurde et de sa vie démoc­ra­tique. Ahmet Türk fait son appari­tion, entre feux de Ben­gale et ova­tion. Libéré le mois dernier après plus de deux mois de prison, le co-maire des­ti­tué de Mardin incar­ne à 74 ans les espoirs de paix de tout un peuple.

Newroz

« 2017 est une année importante pour les Kurdes » Ahmet Türk

« Nous savons bien que les Kur­des ne se met­tent pas à genoux devant l’E­tat turc. Il y a, encore une fois, une cru­auté énorme aujour­d’hui, mais avec votre ent­hou­si­asme et votre résis­tance le Newroz d’Amed (Diyarbakır) est enten­du de partout dans le monde. Le nom de ce Newroz est “Nous allons gag­n­er.” Per­son­ne ne devrait douter de notre vic­toire mal­gré toutes les poli­tiques cru­elles et oppres­sives. Nous attein­drons notre objec­tif avec notre volon­té et notre engage­ment. Cela ne peut être évité.
(…)
Le gou­verne­ment turc a longtemps voulu intimider et faire taire le peu­ple kurde, mais notre lutte pour la lib­erté s’est dévelop­pée grâce à notre engage­ment et nos sac­ri­fices. Aujour­d’hui, les poli­tiques d’a­troc­ités se pour­suiv­ent. Tout en célébrant le Newroz de 2017, les Kur­des de tout le Kur­dis­tan font face à des attaques visant à l’an­ni­hi­la­tion des vic­toires des Kur­des en Turquie et en Syrie notam­ment. Ces pres­sions n’ont jamais fonc­tion­né et ne fonc­tion­neront pas plus aujourd’hui.
(…)
Nous ne pou­vons résoudre les prob­lèmes qu’avec le dia­logue et le bon sens. Il y a des exem­ples à tra­vers le monde. Plus de 200 000 per­son­nes sont mortes en Colom­bie, mais la paix a finale­ment été atteinte. La paix et le dia­logue ont mis fin à l’op­pres­sion en Afrique du Sud. Nous leur deman­dons de met­tre un terme à leurs poli­tiques d’in­tim­i­da­tion et de soumis­sion, ain­si qu’aux poli­tiques visant à assom­brir l’avenir des Kurdes.

Les peu­ples de Turquie voient égale­ment à quel point cette men­tal­ité raciste et nation­al­iste dirige la société. Les gens pren­nent con­science et com­men­cent à élever leurs voix con­tre cette men­tal­ité dom­i­nante. Si nous n’élar­gis­sons pas notre unité entre nous tous, notam­ment les Kur­des, nous serons tenus respon­s­ables devant l’His­toire. Ceux qui veu­lent détru­ire l’avenir du peu­ple de Shen­gal paieront un lourd trib­ut, croyez-moi. Ceux qui opprimeront les Kur­des les uns con­tre les autres seront con­damnés devant notre peu­ple et notre histoire.

2017 est une année impor­tante pour l’avenir des Kur­des qui sera témoin d’un change­ment et d’une trans­for­ma­tion. Dans ce pays, ce sera l’année où ceux qui essaient d’anéantir les avancées de la cause kurde avec des poli­tiques assim­i­la­tri­ces seront vain­cus. Nous devons con­tin­uer la lutte par notre engage­ment sans failles, pour notre lib­erté et notre avenir. Nous aurons la tête haute, peu importe le coût. Je célèbre à tra­vers ce Newroz tous ceux au Kur­dis­tan et au Moyen-Ori­ent qui se recon­nais­sent dans ces idéaux. Je nous souhaite le meilleur sur notre chemin et le suc­cès final de notre lutte pour la liberté. »

Le dis­cours ren­con­tre un franc-suc­cès et éclipse ceux le précé­dant ou à venir. Une fois le rassem­ble­ment ter­miné, la police a dis­per­sé à cer­tains endroits la foule, sur le chemin du retour, à l’aide de gaz lacry­mogènes et de canons à eau. Plusieurs per­son­nes ont été arrêtées. Peu avant le début, les fes­tiv­ités ont été endeuil­lées par la mort d’un étu­di­ant en musique de Malatya. Selon la pré­fec­ture, le jeune homme déte­nait un couteau et n’aurait pas voulu se soumet­tre au con­trôle en usage à l’entrée du site. Il a mal­gré tout voulu se ren­dre sur le site en forçant le pas­sage, torse nu et les mains vides. La police lui a tiré dans le dos, évo­quant une éventuelle bombe cachée sous son pan­talon pour jus­ti­fi­er son geste.

La route vers la paix et la recon­nais­sance des droits fon­da­men­taux est encore longue et dif­fi­cile. Les feux de Newroz et ses lumières rap­pel­lent qu’il n’est pas vain de garder espoir.


Rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Kerema xwe dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas