Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, jour­nal télévisé présen­té par Ron­ahi TV chaque dimanche.Un retour en textes et vidéo, sur la semaine du 26 févri­er au 4 mars 2017.

Il s’agit d’une émis­sion d’in­for­ma­tions régulière en langue française, que vous retrou­verez ici, chaque semaine, en parte­nar­i­at avec Kedistan.

Gros titres

  • SYRIE DU NORD : BAB
  • MINBIJ : VIOLENTES ATTAQUES
  • MINBIJ : NOUVELLE CONFIGURATION DES FORCES EN PRÉSENCE
  • XANASOR : ALLIANCE AKP-PDK CONTRE SENGAL
  • XANASOR : EXPLICATIONS
  • SENGAL : LES RÉACTIONS
  • VERS LE RÉFÉRENDUM : ENCORE DES ARRESTATIONS
  • TURQUIE : ET SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE ?

SYRIE DU NORD
BAB

Après plus de 100 jours de bom­barde­ments inten­sifs, les forces armées turques ont enfin réus­si à pren­dre le con­trôle de la ville stratégique de Bab. Est-ce enfin une vic­toire mil­i­taire pour la Turquie ?

Bab, la ville clé de la Syrie du nord, la ville qui aurait dû faire la jonc­tion entre les deux can­tons kur­des d’Afrin et de Kobani, était sous le con­trôle de Daesh. Aujourd’hui, ce sont les forces armées turques accom­pa­g­nées de leurs ban­des armées qui con­trô­lent la ville. Elles ont en pris le con­trôle le jour même où débu­tait la con­férence de Genève.
Ilham Ehmed, la co-prési­dente du con­seil démoc­ra­tique syrien, le MSD, a analysé ce qui s’est passé à Bab.
Ce qui s’est passé à Bab est exacte­ment de la même nature que ce qui s’est pro­duit à Jarablus. Il n’y a eu aucune vic­toire mil­i­taire, il y a juste eu un marchandage entre la Turquie et le Daesh.

Comme à Jarablus, Daesh n’a pas quit­té la ville de Bab. Les anciens occu­pants sont tou­jours les mêmes, seuls les dra­peaux, les noms et les uni­formes ont changé. A Bab, dit Ilham Ehmed, le Daesh s’est déguisé pour offrir au régime turc cette pseudo-victoire.

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En atten­dant la ville de Bab est aujourd’hui totale­ment détru­ite. Et les con­séquences human­i­taires sont désas­treuses : il y a eu des dizaines de mil­liers de réfugiés qui ont dû venir chercher un refuge dans le can­ton d’Afrin et à Min­bij. Et Ilhem Ehmed de dénon­cer l’hypocrisie des Nations Unies, qui refusent tou­jours de con­sid­ér­er que le can­ton d’Efrin et la ville de Min­bij sont des zones d’immigration con­sid­érées comme sûres par des cen­taines de mil­liers de per­son­nes à tra­vers tout le ter­ri­toire syrien. Or, aucune aide inter­na­tionale n’arrive à Afrin. L’objectif, selon Ehmed, est de forcer les réfugiés qui ont trou­vé un refuge à Afrin de se ren­dre, poussés par la faim, jusqu’en Turquie.
Lun­di, un groupe de réfugiés de la ville de Bab qui fuyait les envahisseurs turcs s’est retrou­vé dans un champ de mines posées par le Daesh ; 16 per­son­nes ont per­du la vie. Et des cen­taines d’autres réfugiés arrivent chaque jour dans le can­ton d’Afrin.

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Sur le plan poli­tique, l’arrivée de la Turquie à Bab per­met d’imposer au régime de Damas la prise en con­sid­éra­tion d’une par­ti­tion ultérieure de la Syrie, en con­sid­érant que main­tenant, Bab et toutes les régions déjà con­quis­es par les forces d’invasion turques res­teront turques. A cet effet, des dizaines de postes mil­i­taires sont d’ailleurs con­stru­its pour affirmer la péren­nité de la présence turque en Syrie. Or, dit Ehmed, si le régime syrien s’impliquait dans de telles négo­ci­a­tions por­tant sur la frag­men­ta­tion du ter­ri­toire syrien, le MSD s’y opposera de tout son poids. Le MSD, a encore dit Ilhem Ehmed, se bat­tra pour préserv­er l’unité de la Syrie.

MINBIJ
VIOLENTES ATTAQUES

L’accord con­clu entre la Turquie et Daesh con­cer­nant la ville de Bab a aus­si des réper­cus­sions sur une autre région, celle de Min­bij. Depuis mer­cre­di, le Daesh et la Turquie ont coor­don­né leurs attaques sur les vil­lages au sud-ouest de Min­bij, où de vio­lents com­bats ont tou­jours lieu.

L’épisode de Bab, où l’on aura vu des élé­ments de Daesh hos­tiles à l’abandon de leur ville aux forces turques, a été une moment dif­fi­cile pour le prési­dent Erdo­gan et ses troupes. Doré­na­vant, c’est une page qui a enfin été tournée dans les rela­tions qui le lient aux ban­des de Daesh.

A Min­bij, la réc­on­cil­i­a­tion des deux forces, Daesh et la Turquie, a eu des réper­cus­sions mil­i­taires immé­di­ates : les attaques con­tre les vil­lages libérés et pro­tégés par le con­seil mil­i­taire de Min­bij sont à nou­veau coor­don­nées entre l’Etat-major turc et Daesh.

La nuit de dimanche à lun­di, les forces armées turques bom­bar­daient les vil­lages de Kavak­li, Ulaşli et Biwe­hic, trois vil­lages situés à l’ouest de Minbij.

Et mer­cre­di, les forces du con­seil mil­i­taire de Min­bij ont dû affron­ter une attaque coor­don­née de la Turquie et du Daesh. La Turquie s’attaquait aux vil­lages de Gorhiko, de Holash et de Xalidé tan­dis que les ban­des de Daesh un peu plus loin, dans les vil­lages de Mes­ter­i­hê et de Cedidê, lançaient une offensive.

Sher­wan Der­wish, le porte-parole du con­seil mil­i­taire de Min­bij, a donc soulevé la ques­tion d’un accord con­clu pour atta­quer Min­bij. Quoi qu’l en soit, a affir­mé le porte-parole, ces attaques révè­lent la coopéra­tion entre les forces armées turques, les ban­des qui les accom­pa­g­nent, et le Daesh.

https://www.youtube.com/watch?v=LX_SJLnRRdM

Heureuse­ment, le con­seil mil­i­taire de Min­bij parvient à refouler les agresseurs. Jeu­di, 12 corps des mem­bres ban­des armées qui accom­pa­g­nent les forces turques étaient retrou­vés sur le sol.

Pour­suiv­ant l’agression, c’est avec des mis­siles de type Katyusha que la Turquie a dès jeu­di frap­pé le vil­lage d’Ulaşli.

Ven­dre­di, les forces du con­seil mil­i­taire de Min­bij repous­saient l’agression de Daesh à hau­teur des vil­lages de Mes­ter­i­hê et de Til Hozan. Les com­bat­tants de Min­bij y ont retrou­vé 5 corps aban­don­nés du Daesh. Pen­dant ce temps, l’artillerie turque pilon­nait la ville d’Arima, située entre Bab et Minbij.

Les com­bats autour de Min­bij sont tou­jours en cours. Et les civils fuient…

MINBIJ
NOUVELLE CONFIGURATION DES FORCES EN PRÉSENCE

Le con­seil mil­i­taire de Min­bij a signé un accord avec la Russie. Pour pro­téger les civils sur la ligne de front qui sépare la région occupée de She­h­ba des villes et vil­lages libérés autour de Min­bij, un cor­ri­dor a été remis aux forces du régime syrien.

Si l’on con­sid­ère la région, on con­state qu’au nord de Min­bij, la riv­ière Sajur a été choisie par les forces de la coali­tion comme zone lim­ite à ne pas franchir par les forces d’invasion turques.
A l’ouest de Min­bij, le con­seil mil­i­taire a choisi de con­fi­er la ligne de front à des élé­ments des forces syri­ennes. Toute cette zone sen­si­ble sera super­visée par les russ­es, qui se sont engagés à en assur­er la sécu­rité. Tant au nord qu’à l’ouest, la sécu­rité de Min­bij sem­ble donc pro­vi­soire­ment acquise. Ces opéra­tions mil­i­taires provo­quées par la Turquie auront mal­gré tout eu comme con­séquence de retarder les opéra­tions menées par les Fds pour repren­dre Raqqa.

La sit­u­a­tion est actuelle­ment la suiv­ante : La Turquie a pré­tex­té l’invasion du nord de la Syrie pour pro­téger sa fron­tière du Daesh. Or, il n’y a plus nulle part de point de con­tact entre la fron­tière turque et le Daesh. D’où la ques­tion, qui devien­dra de plus en plus sen­si­ble poli­tique­ment : que fait encore la Turquie en Syrie ?

XANASOR
ALLIANCE AKP-PDK CONTRE SENGAL

Après être revenu d’Ankara, où il était en vis­ite dimanche et lun­di, Mas­soud Barzani, le prési­dent du PDK, a lancé une attaque en règle con­tre les posi­tions tenues par les unités ézi­dies d’auto-défenses, les YBS, ce vendredi.

Le prési­dent du gou­verne­ment région­al du Kur­dis­tan d’Irak, Mas­soud Barzani, a de nom­breux liens com­mer­ci­aux, poli­tiques et mil­i­taires avec la Turquie.

Vente et achat de pét­role, invi­ta­tion faite aux troupes turques à occu­per le sol irakien à hau­teur de la ville de Bashika, vis­ites de cour­toisie en péri­ode élec­torale. Tous deux red­outent la con­ta­gion de la révo­lu­tion menée au Roja­va. Tous deux parta­gent la même ani­mosité devant les avancées des unités YPg au Roja­va et YBş au Başur.

Ven­dre­di, une attaque con­certée des forces armées du PDK et de l’AKP sur les posi­tions ézi­dies à hau­teur de Xana­sor, à l’ouest de Sen­gal, a con­som­mé la trahi­son du vieux leader kurde face à l’Histoire et face à son peuple.

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A 6 heures du matin, les forces spé­ciales du KDP- les unités Zere­van — attaquaient avec des for­ma­tions de pesh­mer­ga les unités YBş à hau­teur de la ville de Xanasor.
Des tanks et des armes lour­des ont été util­isés pour ten­ter d’enfoncer les posi­tions des YBS, les forces d’auto-défense de Sengal.
Les civils ont du se ter­rer chez eux, et de nom­breuses maisons ont été détru­ites par les tirs.
Lors des com­bats, 4 com­bat­tants du PDK ont été faits pris­on­niers. On a ain­si pu en savoir davan­tage sur la com­po­si­tion des groupes qui agressent Xanasor.

Sur les 4 com­bat­tants, deux sont des anciens du Daesh. Ces deux hommes avaient ensuite quit­té Daesh pour rejoin­dre les troupes de l’armée syri­enne libre quand les forces turques ont lancé l’opération ‘Boucli­er de l’Euphrate » pour envahir le nord de la Syrie.

Ces deux anciens de Daesh ont alors été incor­porés dans une unité spé­ciale, appelée les pesh­mer­ga du Roja­va, et trans­portés jusqu’à Hewler après la ren­con­tre d’Erdogan et de Barzani à Ankara de lundi.

Ces sol­dats de l’alliance AKP-PDK sont encadrés et for­més par les forces spé­ciales turques et par le MIT, les ser­vices secrets de Turquie.
Blo­qués par la résis­tance des unités YBş, les agresseurs ont dû inter­rompre leur assaut en fin de mat­inée. Des dizaines de com­bat­tants des pesh­mer­gas du Roja­va ont été tués, et des dizaines d’autres se sont ren­dus aux unités YBS, en affir­mant qu’ils ne voulaient pas s’engager dans le jeu du PDK et men­er des com­bats frat­ri­cides. On a déploré la perte de 7 com­bat­tants des unités YBS et une ving­taine de blessés lors de cet assaut.

XANASOR
EXPLICATIONS

Les com­bats engagés à Xana­sor s’insèrent dans un pro­jet plus glob­al, un pro­jet imposé par la Turquie pour le Kur­dis­tan situé sur le sol irakien, le Başur. Il s’agit d’une part de frap­per le PKK à Qandil et d’autre part d’isoler com­plète­ment Sen­gal pour cass­er le proces­sus poli­tique et mil­i­taire d’émancipation des Ezidis.

A Qandil, les frappes aéri­ennes se pour­suiv­ent jour après jour. L’objectif des avions et des drones de l’armée turque est de frap­per les unités HPg de la guéril­la du PKK, qui se réfugient dans les mon­tagnes irakiennes.

Mar­di, les bom­bardiers ont ain­si frap­pé les vil­lages de Zergelé et de Bukriska.
Toutes ces frappes aéri­ennes, qui n’ont que fort peu d’impact sur les forces de la guéril­la, ont en revanche des con­séquences désas­treuses pour les vil­la­geois, qui voient leurs vil­lages et leurs plan­ta­tions détru­its. Du côté du gou­verne­ment kurde d’Irak, sous l’autorité du PDK, on n’observe aucune réac­tion face à ces agres­sions sur leur pro­pre ter­ri­toire. Il sem­ble en atten­dant que ces frappes visent à pré­par­er une offen­sive majeure de la Turquie à Qandil. C’est la suite de cette fuite en avant des autorités turques, dont l’action risque sous peu d’être entière­ment blo­quée en Syrie.

L’autre point noir des autorités du PDK et de l’AKP, c’est la ville de Sengal.
Les habi­tants de la ville gar­dent le sou­venir de la trahi­son des pesh­mer­ga du PDK qui les avaient aban­don­nés sans armes aux Daesh lors des journées trag­iques d’aout 2014.
Sec­ou­rus par les com­bat­tants YPG du Roja­va et par les unités de la guéril­la HPG, les sur­vivants du géno­cide avaient pu emprunter des cor­ri­dors sécurisés pour rejoin­dre des camps de réfugiés du Rojava.

Ensuite, les sur­vivants ont décidé de repren­dre leur des­tin en main, et ils ont for­mé des unités d’auto-défense, les YBS, afin de bouter le Daesh hors de leur ville et de leurs ter­res. Ces unités YBS et YBS-jin, les unités de femmes, sont fidèles à l’héritage poli­tique et philosophique de la révo­lu­tion kurde ini­tiée par Abdul­lah Ocalan.
La ques­tion poli­tique en sus­pens restait donc qu’ils puis­sent, à l’instar des villes du Roja­va, s’autogérer.

Le PDK a alors mis en place un blo­cus sur la ville, pour con­train­dre ses habi­tants à respecter l’autorité de son par­ti et de son gou­verne­ment. La seule voie d’accès vers le monde extérieur, vers le Roja­va, est la route qui va à Hasaké et à Shedad­di, tenues par les FDS du côté syrien et par les YBS du côté irakien. C’est cette même route qui per­me­t­tait lors de l’assaut du Daesh d’évacuer les civils Ezidis vers le Rojava.
Xana­sor se situe sur cette route. Couper la route plus à l’ouest, c’est isol­er totale­ment Sengal.
Pour y par­venir, il fal­lait une unité de com­bat­tants qui porte un nom local, d’où le nom choisi de pesh­mer­ga du Roja­va, pour ten­ter de cou­vrir de légitim­ité cette aven­ture mil­i­taire du PDK et de l’AKP à cheval entre les zones de con­trôle des unités ézi­dies YBş et des unités kur­des YPG.

Selon des rap­ports reçus, il y aurait 80 pesh­mer­ga du PDK qui auraient refusé de ren­tr­er dans la com­bine conçue à Ankara. Ces pesh­mer­ga ont donc décidé de désobéir aux ordres de leurs supérieurs et de ne pas atta­quer les posi­tions ézidies.
Tous ces pesh­mer­ga ont été arrêtés par les ser­vices de sécu­rité du PDK, les Parastin, et il sem­ble que leur vie soit aujourd’hui en dan­ger. Ils ont été trans­férés hier de l’autre côté de la fron­tière et con­fiés au MIT.

SENGAL
LES RÉACTIONS

Cette attaque en règle sur une pop­u­la­tion qui ne s’est pas encore remise des attaques géno­cidaires du Daesh en aout 2014 a soulevé une vague d’indignation, sur place, mais aus­si dans tout le Kurdistan.
Pour se défendre, les civils de Sen­gal ont pris les armes : depuis les camps de tentes sur la mon­tagne de Sen­gal, ils sont descen­dus jusqu’à Xanasor.

https://www.youtube.com/watch?v=3gQAOFbLCQ8

Les mères, ces femmes décidées et courageuses de Sen­gal, ont marché jusqu’aux posi­tions occupées par les forces du KDP et des Pesh­mer­ga du Roja­va. Elles leur ont crié : « Vous nous avez quit­tés et vous avez fui quand Daesh attaquait Sen­gal, qu’est-ce que vous faites ici main­tenant ? On ne veut pas que le KDP nous pro­tège, on ne veut pas de force mil­i­taires ici, à part les YBS et YJS et les unités de la guéril­la HPG et YJAstar. »

A Qamish­lo, mais aus­si à Derik, où se trou­vent de nom­breux réfugiés Ezidis, la pop­u­la­tion a man­i­festé pour dénon­cer cette entre­prise mil­i­taire menée par le PDK et l’AKP.

Il y a égale­ment eu une man­i­fes­ta­tion en Alle­magne, dans la ville d’Hanovre, hier samedi.
Le cen­tre cul­turel ézi­di de Celles a annon­cé par com­mu­niqué la pres­sion doit être mise sur le KDP pour qu’il cor­rige ses erreurs et qu’il recon­naisse la volon­té de lib­erté et d’autonomie des Ezidis. Nous dénon­cerons, dit le com­mu­niqué, la poli­tique du KDP con­tre les Ezidis devant le monde entier. Et jamais nous ne lais­serons notre peu­ple seul devant les attaques menées par la col­lab­o­ra­tion du Daesh, de l’AKP et du PDK. Le com­mu­niqué appelle tous les Ezidis d’Europe à ne pas rester silen­cieux et de man­i­fester con­tre cette trahison.

BAKUR- KURDISTAN DU NORD
L’HORREUR, UNE FOIS DE PLUS

Dans la région d’Omeryan, proche de Mardin, les forces armées turques pour­suiv­ent leur cam­pagne mil­i­taire dans les vil­lages kur­des. Incendies, pil­lages, tor­ture et exé­cu­tions se pour­suiv­ent. Les enfants sont trau­ma­tisés. Le bétail des paysans est abattu.
Cette vague de vio­lence à l’encontre de pop­u­la­tions civiles dans le Bakur a com­mencé le 10 févri­er, lors du cou­vre-feu et de l’attaque mil­i­taire sur le vil­lage de Xer­abê Bava.
Le vil­lage a été encer­clé. Les paysans n’ont plus eu le droit de sor­tir de leurs maisons, ni même de regarder par les fenêtres. Plusieurs dizaines de per­son­nes ont été arrêtées, tor­turées sur la place publique, envoyées en prison ou immé­di­ate­ment exécutées.

Les forces armées turques béné­fi­cient du sou­tien absolu du régime pour men­er leurs exac­tions. Le min­istre turc des affaires intérieures, Süley­man Soy­lu, s’est fait présen­ter cette pho­to de l’un de ces vil­la­geois tor­turé, Abdi Aykut, un homme de 57 ans. Il a recon­nu publique­ment que dans le cadre de la lutte con­tre le PKK, la tor­ture était pra­tiquée à Xer­abê Bava.

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A Xer­abê, les opéra­tions mil­i­taires se sont ter­minées après 19 jours. Les ani­maux des paysans avaient été évis­cérés. Des corps de chats brûlés aban­don­nés dans le vil­lage. Les maisons de pau­vres gens avaient été trans­for­mées en poste mil­i­taires, et des petites filles de13 ‑14 ans devaient faire la cui­sine et servir la soupe des sol­dats qui les ter­ror­i­saient. Maisons et granges ont été incendiées.

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Ces opéra­tions mil­i­taires se sont éten­dues à d’autres vil­lages de la région de Mardin : à Talate, à Cibil­gi­rav, à Qrdisê. Au fur et à mesure que le cou­vre-feu instau­ré se ter­mine dans un vil­lage, il recom­mence dans un autre.

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Quand le cou­vre-feu est instau­ré, toutes les com­mu­ni­ca­tions télé­phoniques sont coupées, les routes qui mènent aux vil­lages sont fer­mées tant aux proches des familles qu’aux députés ou respon­s­ables poli­tiques locaux.
L’électricité et l’eau sont égale­ment coupées. Les rares doc­u­ments qui parvi­en­nent vers le monde extérieur sont ceux des mem­bres des forces turques, qui s’exaltent de leurs crimes sur les réseaux sociaux.

VERS LE RÉFERENDUM
ENCORE DES ARRESTATIONS

La cam­pagne du référen­dum bat son plein en Turquie. Pour impos­er le change­ment à la con­sti­tu­tion, les jour­nal­istes et les élus sont quo­ti­di­en­nement arrêtés et envoyés en prison.

https://www.youtube.com/watch?v=Hwxds6wul4k

Ibrahim Ayhan, député du par­ti Hdp pour Urfa, devait pren­dre l’avion pour Ankara ce lun­di. Il a été arrêté à l’aéroport. Le man­dat d’arrêt qui le con­cerne se fonde sur un dis­cours du député qu’il avait tenu à Şirnak.

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Gulis­tan Diken Akba­ba, une admin­is­tra­trice du par­ti DBP vient d’être con­damnée par la 16ème haute cour crim­inelle d’Istanbul. Elle a été envoyée en prison à Bakirköy, avec son petit bébé de 7 mois.
Gulis­tan avait déjà fait un an et demi de prison, puis elle avait été relâchée en jan­vi­er 2012, avant d’être ré-arrêtée. Elle et son bébé devraient, selon son avo­cate, rester enfer­més pen­dant 2 ans et 10 mois avant de pou­voir prof­iter de mesures de libéra­tion conditionnelle.
Le dossier instru­it con­tre elle avait été rédigé par un juge, Mehmet Ekin­ci, aujourd’hui empris­on­né dans le cadre de son appar­te­nance au réseau Fetho, du prédi­ca­teur Fethul­lah Gülen. Les preuves retenues con­tre elle con­sis­tent en un ensem­ble de coups de télé­phone passés avec sa famille et ses amis, en let­tres reçues et écrites en prison, et de morceaux tirés de son jour­nal intime, des morceaux écrits quand elle avait 13 et 14 ans.

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Deniz Yücel, le cor­re­spon­dent pour le quo­ti­di­en alle­mand Die Welt, avait été arrêté le 14 févri­er. Il a été enten­du par le pro­cureur pen­dant plus de trois heures avant d’être ré-enfer­mé pour avoir « répan­du de la pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste ». Lors de son inter­roga­toire, le pro­cureur lui a posé des ques­tions sur son entre­tien avec le co-prési­dent du KCK, Cemal Bayik, en 2015, ain­si que sur ses rap­ports écrits con­cer­nant Cizre, Yuk­seko­va et la poli­tique de la Turquie en Irak.

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Arif Aslan, un jour­nal­iste, a été con­damné ce jeu­di à 1 an et trois mois de prison par la 4ème haute cour crim­inelle de Van. La jus­tice turque lui reproche ses mes­sages postés sur Facebook.

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La jour­nal­iste Zehra Dogan, avait été relâchée de sa prison de Mardin le 9 décem­bre.  Elle vient cepen­dant d’être con­damnée à une peine de 2 ans et 9 mois de prison.
La jus­tice lui reproche ses mes­sages sur les réseaux soci­aux et son arti­cle du 22 décem­bre 2015, un arti­cle con­sacré à la petite Elif Akbo­ga de 10 ans.

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Et puis, à Siirt, 40 per­son­nes ont été arrêtées ce jeu­di lors de raids à domi­cile dans le vil­lage d’Eyne. Dans presque chaque famille du vil­lage, un mem­bre a été cap­turé par les gen­darmes turcs et emmenés au poste mil­i­taire tout proche pour y être inter­rogés. Sans qu’aucune rai­son ne soit apportée, les sol­dats ont alors mené des fouilles dans les maisons du village.

TURQUIE
ET SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE ?

Les nom­breuses atroc­ités per­pétrées par le régime turc tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses fron­tières finis­sent par sus­citer l’attention des insti­tu­tions internationales.

En Alle­magne, des munic­i­pal­ités ont même décidé d’interdire des réu­nions organ­isées où devaient se pro­duire les min­istres turcs de la jus­tice et de l’économie.

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Il y a aus­si ce rap­port du « Bureau Turquie » du con­seil des Nations unies pour les droits de l’homme, un rap­port qui dénonce les crimes et les mas­sacres per­pétrés par l’Etat turc à Cizre, à Nusey­bin et à Sur. Selon nos sources, il appa­rait que ce dossier sera mis à l’agenda de la 34ème ses­sion du comité des Nations unies sur les droits de l’homme.
Ce dossier a aus­si été présen­té au con­seil de sécu­rité des Nations unies.
Ra’ad Zeid al Hus­sein, le haut-com­mis­saire des Nations unies pour les droits de l’homme avait déjà affir­mé que les mas­sacres au Kur­dis­tan du nord étaient trag­iques, et qu’il ne les lais­serait pas se poursuivre.
Jeu­di, lors d’une réu­nion avec une délé­ga­tion du par­ti HDP, le respon­s­able du bureau des Nations unies pour les droits de l’homme, Gian­ni Mag­a­zzeni, a affir­mé qu’ils en étaient arrivés à la con­clu­sion, au sein du « bureau Turquie », que la Turquie avait com­mis des crimes con­tre l’humanité.

Un rap­port établi par le Cen­tre hos­pi­tal­ier uni­ver­si­taire vau­dois sur le corps de Berjin Demirkaya, une des vic­times des caves de la ter­reur à Cizre, avait établi que les vic­times avaient d’abord été tuées par des armes à feu avant d’être brûlées. Ce rap­port aurait eu une influ­ence sur les con­clu­sions du con­seil des nations unies con­cer­nant des crimes con­tre l’humanité per­pétrés dans le Bakur.

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Jeu­di tou­jours, les respon­s­ables du comité pour la préven­tion de la tor­ture ‑CPT- ont ren­con­tré les respon­s­ables de la délé­ga­tion inter­na­tionale d’Imrali pour la paix.
Fed­eri­co Ven­turi­ni, pro­fesseur à l’université de Leeds et Fran­cis Wurtz, mem­bre hon­o­raire du par­lement européen, avaient voulu ren­con­tr­er avec l’ensemble de leur délé­ga­tion les pris­on­niers poli­tiques Abdul­lah Ocalan et Sela­hat­tin Demir­tas. Les autorités turques leur avaient inter­dit ces rencontres.
Lors d’entretiens menés dans les dif­férentes villes du Kur­dis­tan du nord, la délé­ga­tion avait alors eu l’occasion de s’entretenir avec les vic­times et les témoins de la spi­rale de la vio­lence qui sévit en Turquie.
Un rap­port de la délé­ga­tion qui souligne le non-respect de la Turquie con­cer­nant les recom­man­da­tions du CPT sera large­ment dif­fusé au par­lement européen, au con­seil de l’Europe et aux Nations unies.