Il est phys­io­thérapeute, orthopédiste sué­dois, d’o­rig­ine kurde. Dor­pec Kobanê, est son nom kurde. Il m’ex­plique que “Dor­pec” en kurde veut dire “encer­clé” : Kobanê encer­clé !

Dr. Dor­pec Kobanê, a été a l’ini­tia­tive de l’ou­ver­ture d’un cen­tre de soins et de réé­d­u­ca­tion des blesséEs à Kobanê, qui est, en pas­sant le plus grand cen­tre de la région. Pour réalis­er ce pro­jet, il a quit­té son tra­vail à l’hôpi­tal de Stock­holm, la ville où il vit, et s’est ren­du à Kobanê. Il y a vécu durant deux ans. De retour en Suède, il pro­jette actuelle­ment un nou­veau départ vers Kobanê, pour réalis­er, cette fois, la con­struc­tion d’un cen­tre de jeunesse.

Nous avons passé un peu de temps au télé­phone avec Heval Dor­pec. Voici un aperçu de notre conversation.

Où sont les médecins qui peuvent nous aider ?

Le cen­tre de thérapie est act­if depuis deux ans, “Le cen­tre accueille non seule­ment des com­bat­tantEs qui ont besoin de soins, mais aus­si des civils de toute la pop­u­la­tion de la région” dit Dor­pec, et il met l’ac­cent : “quelle que soit son orig­ine”.

Il pré­cise que le dernier rap­port qu’il a établi mon­tre qu’à ce jour, 28 200 patientEs ont été soignéEs dans le cen­tre, avec une fréquence de 80–130 patientEs par jour…

Il souligne tout de même que le cen­tre manque cru­elle­ment de médecins, notam­ment de spé­cial­istes et de chirurgiens. Il en prof­ite pour appel­er ses con­frères et con­soeurs à venir à l’aide.

Il y a des mil­lions de médecins au monde, non ? Mais ils/elles n’osent pas venir. Nous avons fait des appels. Nous mêmes, nous tra­vail­lons comme bénév­oles, mais nous avons même pro­posé de les pay­er ! … Je ne sais pas si vous vous ren­dez compte comme cette somme peut représen­ter beau­coup d’ar­gent pour les moyens de Kobanê !”

Cer­tainEs ont bien voulu venir, mais la plu­part pren­nent con­tact, mais ne pour­suiv­ent pas leur démarche. Par­fois, le pro­jet avance et ils/elles se désis­tent au denier moment, alors que tout est prêt. Peu sont venuEs, pour de cour­tes durées, et cela c’est bien passé. Il est évi­dent qu’il y a des risques, mais c’est aus­si un devoir d’humanité.”

Pour que les enfants vivent un peu leur enfance

Quant au cen­tre de jeunesse, son objec­tif prin­ci­pal est de “faire oubli­er la guerre aux enfants, et de leur per­me­t­tre de vivre un peu… leur enfance…” dit Dor­pec, et il ajoute “Il ne faut pas oubli­er que la guerre frappe avant tout les enfants et les femmes”.

Ce n’est pas la pre­mière fois que Dor­pec entre­prend une ini­tia­tive pour les enfants. Médecin, mais aus­si musi­cien, il a tra­vail­lé pen­dant son séjour de 2 ans à Kobanê, avec les enfants, pour leur enseign­er la musique. Il a lui-même com­posé nom­bre de chan­sons pour les enfants.

Une chan­son écrite par Dor­pec, pour les enfants de Kobanê :
“Fleurs de print­emps, le feu de la révolte, nous sommes les enfants de Kobanê”

*

Je ne suis pas un héros

Je ne suis pas un héros, hein…” dit Dor­pec, “Je ne fais hum­ble­ment que mon devoir d’hu­man­ité, à l’om­bre des pas des  com­bat­tantEs, celles et ceux qui lut­tent pour Kobanê, pour le Roja­va, con­tre Daesh, jusqu’à don­ner leur vie. C’est tout…”

Il dit que sa vie s’est trans­for­mée en allant à Kobanê.

J’ai con­nu et com­pris la Vie à Kobanê. J’ai mieux saisi la vérité de la vie, une fois là-bas, en étant témoin moi même des mas­sacres et de l’am­biance noyée dans une vio­lence sauvage. J’ai vu ce que les guer­res peu­vent engendrer.”

Pour tout le monde et sans les frontières

Je ne défends pas seule­ment les Kur­des, parce que je suis Kurde, mais tous les peu­ples. J’aime la Turquie, j’aime la Syrie, j’aime la vie. Je dis tou­jours, la vie appar­tient à celles et ceux qui l’ai­ment et qui résis­tent.” Si je n’avais pas la vie, que voulez-vous que je fasse à Kobanê ? La sauvagerie de la guerre est aujour­d’hui là-bas, mais demain elle sera en Europe et ailleurs. C’est un prob­lème global.

Ma démarche n’est pas seule­ment pour les kur­des. Là-bas il y a des Chaldéens, des Arabes, des Yézidis, des chré­tiens, des juifs, plein de peu­ples dif­férents. Il faut les respecter. Ce que le régime de l’AKP fait, c’est le racisme du sun­nite-blanc. Nous devons lut­ter avec cela.”

Les peuples doivent s’autogérer

Je ne veux pas maudire la Turquie, en tout cas pas le peu­ple turc. Mais il faut savoir par exem­ple, qu’il exis­tait plus de 60 organ­i­sa­tions dji­hadistes, par­fois de très petits groupes, et ils ont été armés, entrainés, salariés en Turquie. J’ai sor­ti des poches de cer­tains mem­bres, moi-même, des amphé­t­a­mines et des drogues. Leur état n’é­tait pas nor­mal. Com­ment voulez-vous qu’une per­son­ne dans son état nor­mal puisse se charg­er d’ex­plosifs et se jeter du toit d’un immeu­ble, après avoir crié Allahu akbar ?

Comme j’ai dit, j’aime tous les pays et peu­ples, ce que je n’aime pas c’est les fron­tières. J’ai une mai­son en Turquie, des amiEs, des proches, pourquoi y aurait-il des fron­tières qui sépar­ent tous ces gens ?

Je ne veux pas que ces pays se déchirent, se divisent, je veux juste que tout le monde puisse vivre ensem­ble et en paix, avec une auto­ges­tion. Il n’y a pas de Préfet attribué depuis Qamis­li, pour Kobanê par exem­ple… Et ça s’ap­pelle le con­fédéral­isme démoc­ra­tique. Quand tu te trou­ves à l’in­térieur tu com­prends ce que la lib­erté signifie.”

Un livre et un documentaire en route

Dor­pec a écrit un livre inti­t­ulé “Kobanê syn­drome” qui est actuelle­ment en édi­tion. Nous vous prévien­drons de sa sor­tie, promis !

Il y a aus­si un film doc­u­men­taire, “This is Kobanê”, réal­isé par des cinéastes cana­di­ens, Bran­don Gam­blen, Nadim Fetaih, et Tashi Pietrzykowsa, qui est en cours de pro­duc­tion. Le doc­u­men­taire sera pro­jeté dans un pre­mier temps dans des festivals.

Les béné­fices de ces deux pro­duc­tions seront con­sacrés au Cen­tre de réha­bil­i­ta­tion et à la con­struc­tion du Cen­tre de jeunesse.

Un petit aperçu du film ?

Chacun peut apporter son sel

Une cam­pagne de sou­tien est égale­ment mise en dis­po­si­tion. Toute aide, même petite, est utile. “Il n’y a pas beau­coup de con­tri­bu­tions” dit Dor­pec. Si vous portez Kobanê, Roja­va dans votre cœur, apportez votre soutien !

*

C’é­tait donc un échange chaleureux, avec des mots justes, des pro­pos que nous aimons enten­dre. Des pro­jets et des pra­tiques con­crètes que nous nous sommes pressés de partager avec vous…

Et ces derniers mots vien­nent donc tout droit du cœur : Bijî heval Dorpec !


Liens utiles

Dor­pec : Blog  | Face­book
Doc­u­men­taire “This is Kobanê” :  Site Inter­net |  Page Face­book
Reha­bil­i­ta­tion Cen­ter in Kobanê Page Face­book
Contri­bu­tion finan­cière : Pay­Pal : utilis­er le mail kobanesuffered@gmail.com | Con­tact (Suède) 46 (0)765904051


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