Nous vous avions présen­té récem­ment le livre de Pierre Bance “Un autre futur pour le Kur­dis­tan ?” . L’au­teur et Frank Mintz des édi­tions Noir et Rouge étaient les invités de l’émis­sion Chroniques Rebelles, le 18 févri­er 2017 sur Radio Lib­er­taire.

Voilà une émis­sion sans jar­gon ni langue de bois. Une suite de ques­tion­nements poli­tiques à pro­pos du Kur­dis­tan, et prin­ci­pale­ment sur le proces­sus en cours au Roja­va. Prenez le temps d’é­coute, vous ne le regret­terez pas. Le choix musi­cal qui accom­pa­gne les échanges vous ravi­ra tout autant.

Vous n’y trou­verez pas de dis­cours idéologique ras­sur­ant, mais plutôt des inter­ro­ga­tions et des essais de réponse sur ce que le mou­ve­ment kurde tente con­crète­ment et pra­tique­ment de pro­pos­er en matière d’in­sti­tu­tions humaines, pour la coex­is­tence de dif­férents peu­ples sur un même ter­ri­toire. Bien au delà, ces propo­si­tions sont une remise en cause rad­i­cale du patri­ar­cat, et une prise de con­science en matière d’é­colo­gie sociale, tout autant que du dogme sacro-saint d’E­tat-nation. Rien de bien nou­veau finale­ment, puisque de la Com­mune de Paris en pas­sant par la révo­lu­tion espag­nole, et des proces­sus en Amérique Latine, ces mêmes ques­tions se sont posées par le passé. Seule­ment là, 4 mil­lions d’hu­mains, au Nord de la Syrie, ten­tent une nou­velle fois sous nos yeux d’im­pos­er des répons­es, mal­gré la guerre et un envi­ron­nement inter­na­tion­al contraire.

Ne pas s’y pencher et con­tin­uer à ressass­er de sem­piter­nels débats “théoriques” et his­toriques, alors qu’un proces­sus poli­tique nous invite à ouvrir les yeux et sor­tir de nos cer­ti­tudes, serait vouloir rester dans le noir de la démoral­i­sa­tion, alors que “le vent qui se lève”, incite à s’aér­er l’esprit.

En tous cas, à Kedis­tan, on a aimé et appré­cié… Et si vous n’êtes pas encore con­va­in­cus et préférez la lec­ture, vous pou­vez tou­jours trou­ver votre bon­heur ICI.

  


Nous re-pub­lions aus­si l’ex­cel­lente intro­duc­tion de l’émis­sion et, une fois les “gros mots” posés, vous invi­tons ensuite à écouter le reste…

Texte initialement publié sur le site de Chroniques Rebelles

La défi­ance à l’égard des politicien.nes est aujourd’hui qua­si-générale. Certes les masques tombent rapi­de­ment ces derniers temps et les « affaires » se mul­ti­pli­ant, la défi­ance se ren­force. Cepen­dant, aus­si éton­nant que cela puisse paraître, cette défi­ance n’engendre pas de remise en ques­tion de l’État et du cap­i­tal­isme ni ne sus­cite de prise de con­science générale sur le fait qu’ils génèrent hiérar­chie et priv­ilèges, d’où la dom­i­na­tion d’une minorité sur la majorité. Il est vrai que la men­ace d’absence d’État est con­stam­ment brandie par les autorités poli­tiques, médi­a­tiques et autres qui répè­tent à l’envi que sans le sacro-saint État, c’est le chaos, c’est l’anarchie…

Pour­tant l’ordre sans le pou­voir, l’organisation ensem­ble et sans la dom­i­na­tion… Un sys­tème sans hiérar­chie, donc sans patri­ar­cat, sans caste, ni priv­ilèges et autres injus­tices, c’est quand même plus logique et prag­ma­tique que l’arrivée d’un cheva­lier blanc (ou d’une cheval­ière) nous prenant pour des imbé­ciles, ou bien d’une avant-garde garan­tis­sant la jus­tice et le bien être du peu­ple ! Il faudrait « dis­tinguer l’ordre de la bureau­cratie et voir cette société pour ce qu’elle est : non pas ordon­née mais bureau­cra­tique, non pas tournée vers la pra­tique, mais obsédée par les sym­bol­es hal­lu­ci­na­toires du pou­voir et de la richesse, non pas réelle et rationnelle, mais fétichiste et paranoïaque. »

Pour en finir avec toutes les dom­i­na­tions, pourquoi ne pas recon­sid­ér­er l’idée du munic­i­pal­isme lib­er­taire de Mur­ray Bookchin, qui pré­con­i­sait de “rem­plac­er le cap­i­tal­isme par une société écologique fondée sur des rela­tions non hiérar­chiques, des com­mu­nautés décen­tral­isées, des tech­nolo­gies écologiques comme l’énergie solaire et l’agriculture biologique, et des indus­tries à l’échelle humaine ‑bref des formes démoc­ra­tiques d’établissement, économique­ment et struc­turelle­ment adap­tées à l’écosystème où elles se trou­vent.” Irréal­iste ? Peut-être. Mais atten­dre que le sys­tème se délite de lui-même, quand l’on sait ses capac­ités à se recy­cler, et adopter un ant­i­cap­i­tal­isme qui se borne à cri­ti­quer ses dérives et ses aber­ra­tions, cela paraît tout aus­si irréaliste.

Dans la pre­mière par­tie de son ouvrage, Un autre futur pour le Kur­dis­tan ? Munic­i­pal­isme lib­er­taire et con­fédéral­isme démoc­ra­tique, Pierre Bance revient sur l’œuvre de Mur­ray Bookchin, notam­ment sur “la théorie du munic­i­pal­isme lib­er­taire tombée aux oubli­ettes lorsque des Kur­des, en Turquie et en Syrie, lui don­nèrent une nou­velle actu­al­ité. Sous le nom de con­fédéral­isme démoc­ra­tique, ils ten­tent en effet, une expéri­ence con­crète d’un munic­i­pal­isme lib­er­taire adap­té par Abdul­lah Öcalan à une sit­u­a­tion géopoli­tique compliquée.”

Dans ce texte, Un autre futur pour le Kur­dis­tan ? Munic­i­pal­isme lib­er­taire et con­fédéral­isme démoc­ra­tique, il s’agit ni de rejeter, ni d’adhérer sans restric­tion à cette ten­ta­tive, mais plutôt de l’analyser. D’ailleurs, pré­cise Pierre Bance dans le para­graphe inti­t­ulé “L’État dans la tête”, “les Kur­des ne nous deman­dent pas de les aider, mais de les accom­pa­g­n­er. Con­sid­ér­er leurs idées et leurs réal­i­sa­tions dans un esprit d’ouverture et un sou­tien cri­tique, c’est un moyen de sor­tir de la sit­u­a­tion décourageante dans laque­lle le mou­ve­ment social s’enlise, de régénér­er la pen­sée révo­lu­tion­naire, de cess­er de croire que nous sommes dans l’action et la reven­di­ca­tion alors que nous sommes dans la plainte, d’aller chercher ailleurs, non pour pro­jeter notre inca­pac­ité sur des mou­ve­ments fan­tas­més, mais pour con­stru­ire ici.”

Dans l’immédiat, la ques­tion n’est pas d’abolir le pou­voir, mais plutôt de définir qui a le pou­voir : une minorité dans sa bulle ou le peu­ple ? On peut estimer vaine l’expérience éman­ci­patrice menée par la pop­u­la­tion du Roja­va, au Kur­dis­tan, n’empêche que c’est une bonne base pour com­mencer à remet­tre en ques­tion l’État et le cap­i­tal­isme que de dire : “la lib­erté et l’égalité ne peu­vent voir le jour sans égal­ités entre les sex­es”.

Sous l’effet de l’industrialisation cul­turelle cap­i­tal­iste, les moyens éta­tiques de dom­i­na­tion que les Kur­des dénon­cent (nation­al­isme, sex­isme, pou­voir religieux) sont con­fortés au point que “la société con­sent à sa pro­pre cap­tiv­ité”, mieux, qu’elle finit par con­sid­ér­er les fac­teurs d’oppression comme un souf­fle de lib­erté. Si la société résout ses prob­lèmes sans l’État, si elle s’émancipe de sa cul­ture alié­nante, elle le mar­gin­alise. C’est le pro­jet du con­fédéral­isme démocratique”.

Et si le pro­jet échoue ? Ce n’est pas pour autant qu’il faut se résoudre à l’impuissance.

La Com­mune n’est pas morte.

A écouter…

Pod­cast de l’émis­sion Chroniques Rebelles émise le 18 févri­er 2017 sur Radio Lib­er­taire 89,4 MHz FM
Invités : Pierre Bance, l’au­teur du livre “Un autre futur pour le Kur­dis­tan ?” et Frank Mintz des édi­tions Noir et Rouge

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