Deniz Yücel, est le représentant et correspondant en Turquie du journal allemand Die Welt. Il était retenu en garde-à-vue depuis 14 février.
Aujourd’hui le tribunal d’Istanbul a pris sa décision : Deniz restera en prison.
Il comparaitra donc en détention, dans les semaines à venir, son dossier ayant été transféré au “Tribunal de garde”.
Deniz est accusé de “propagande pour organisation terroriste”, et “incitation à la haine”, lui aussi, pour ses écrits. Lors de son interrogatoire, on lui a demandé des détails, entre autres, sur ses articles concernant les villes de Cizre et Yüksekova, ses articles sur la politique de la Turquie vis-à-vis l’Irak du Nord, Mossoul, ou encore son reportage de 2015, avec Cemil Bayık, un des dirigeants du PKK de Qandil.
Deniz a été interrogé également sur les contacts qu’il “aurait” eu avec les RedHack, groupe de hackers révolutionnaires qui avaient récemment obtenu et publié la correspondance du Ministre de l’énergie turc, accessoirement le gendre d’Erdoğan.
C’est Mustafa Çakar, Juge du Tribunal n°9 d’Istanbul qui a mis Deniz derrière les barreaux. Ce même juge avait également incarcéré les 10 journalistes et responsables du quotidien Cumhuriyet.…
Qui est Deniz Yücel ?
Né en 1973, Deniz a fait des études de Sciences-Politiques à Berlin et en 1999 il s’est jeté dans l’aventure du journalisme, en tant qu’indépendant. En 2002 il a commencé de travailler pour Jungle World, et en 2007 pour Die Tageszitung, des journeaux qui tous deux plutôt de gauche. En 2015 Deniz rejoint Die Welt, considéré comme libéral et conservateur.
Deniz, avec ses articles sarcastiques ou polémiques, est un des journalistes qui fait parler de lui en Allemagne. Il est régulièrement invité à des débat télévisés.
En 2011, le prix d’Edition Littéraire de Kurt Tucholsky lui a été décerné. En 2014 un groupe de journalistes dont Deniz faisait partie, nommé “Hate Poetry”, a reçu le prix de “Journalistes de l’année” en Allemagne pour l’initiative antiraciste qu’il avait organisée.
Il a également écrit un livre en 2014, “Taksim ist überall” (Taksim est partout), qui se base sur la résistance de Gezi et dessine un portrait de l’opposition en Turquie.
“Nous espérons que Yücel retrouvera sa liberté, bientôt”
Deniz Yücel a la double nationalité turque et allemande. Sa mise en garde-à-vue avait déjà suscité des réactions de la part des politiciens allemands. Après la décision d’arrestation, Angela Merkel déclarait que “cette nouvelle provoque amertume et déception”. “Nous continuerons de réclamer que Deniz Yücel soit traité avec justice et comme il se doit dans un Etat de Droit. Nous espérons que Yücel retrouvera sa liberté, bientôt.” avait-t-elle ajouté.
Sigmar Gabriel, le Ministre des Affaires étrangères allemand, estimait quant à lui la décision du tribunal turc “très sévère et disproportionnée.”
La Turquie, a‑t-il affirmé, traverse actuellement une période désolante,“C’est aussi une période difficile pour les relations turco-allemandes.” a ajouté Sigmar Gabriel, indiquant “qu’ils feront tout ce qui est possible et avec détermination pour que Deniz Yücel retrouve sa liberté, et que ce procès se termine favorablement.”
Déjà, pendant la garde à vue de Deniz, il y a eu protestations, rassemblements… mais aussi des “tentatives diplomatiques” pour sa libération. Par exemple, selon la déclaration de Steffen Seibert, le porte parole du gouvernement allemand, Angela Merkel aurait exprimé son vœu “que l’enquête concernant Deniz Yücel soit menée en respectant les principes de Droit et de Justice” lors de sa récente rencontre avec le Premier Ministre Binali Yıldırım. Par ailleurs, 160 députéEs allemandEs avaient co-signé une lettre adressée à l’Ambassade de Turquie en Allemagne, pour demander la libération de Deniz.
Mais Deniz est toujours derrière les barreaux…
Une manifestation de protestation est programmée pour le mardi 28 février, aujourd’hui, devant l’Ambassade de Turquie à Berlin. Rendez-vous à 17h00 au Tiergartenstr. 19–21, 10785 Berlin | Evénement Facebook
Il y a davantage qu’une volonté d’obtenir la tête d’un nième journaliste, dans cette arrestation. Souvenons-nous que l’Allemagne a accueilli le plus médiatisé d’entre eux en 2016, Can Dündar, qui ne s’est pas représenté au procès qui était en cours. Belle manière de rappeler un contentieux au gouvernement allemand, et de faire pression sur un Pays où la communauté turque et kurde de la diaspora n’est pas totalement à la botte du régime AKP, malgré tous les efforts du régime turc, en matière de financement des “associations” et des “mouchards” en leur sein.
Deniz Yücel, s’il est définitivement condamné et incarcéré, fera exemple en matière de bi-nationalité, comme journaliste, et rejoindra sur la liste des bi-nationaux en prison, par exemple Ebru Fırat, dont le gouvernement français en partance semble avoir oublié l’existence…
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Image à la une : Devant la prison de Silivri à Istanbul, en soutien aux journalistes emprisonnés, lors des “tours de garde” solidaires.