Fin août 2016 l’équipe de Kedistan était présente au festival du film de Douarnenez, dont la 39ème édition était consacrée aux peuples de Turquie.
Dans l’ambiance chaleureuse habituelle du festival, les projections, les débats, les rencontres battaient leur plein et les soirées débordaient de musique et de danse. Un soir, comme je regardais la joyeuse foule qui dansait sous le chapiteau, qu’il y avait des gens de tous les horizons réunis là, main dans la main, des pas guidés par la musique kurde, j’ai aussi entendu la musique bretonne résonner sous le chapiteau. La transition d’une musique à l’autre s’était faite quasi instantanément. Le groupe qui s’éclatait en dansant le halay, avait embrayé le pas sans hésitation et avec enthousiasme, sur une gavotte… Je me suis dit “Les différentes cultures qui existent à des milliers de kilomètres, sont si proches ! l’Art, la musique peuvent être si unificateurs !…”. J’avais là, devant les yeux la preuve manifeste des ponts qui se créent.
Je voudrais vous parler d’un groupe, au nom breton “Kazut de Tyr” et vous allez voir, les mêmes sensations qui m’ont fait frissonner cette belle soirée de Douarnenez, vous traverseront, vous aussi.
Ils nous ont préparé un nouvel album présenté ainsi :
Un nouvel opus, reflet d’un long périple, qui leur a suggéré une mutation musicale et humaine, un chemin d’audace et d’espoir avec comme trait d’union la “danse”
Un nouvel album : “Jorjuna”
Jorjuna me fait penser au mot Curcuna en turc et il est décrit sur le dictionnaire comme “sons discordants, bruits, boucan, tintamarre…” Ne vous fiez pas à cela. C’est un mot magique, utilisé surtout pour son deuxième sens “fête”, qui entraine dans son sillon, tout un petit train de noce joyeusement bruyant, excitation, réjouissance, jubilation. C’est en fait, la fiesta, la java, la nouba, le ramdam !
Gaby Kerdoncuff (trompette, bombarde et chant), Jean Le Floc’h (accordéons, bombarde) et Yves Marie “Volant” Berthou (percussions) voyagent depuis des années, en musique, de l’Europe centrale au Moyen-Orient.
La musique Kurde est mise en valeur grâce aux nombreux invités venus de là bas, tels que Azad XEILANI (chimchal, Barabans, zurnas ), et Sherwan SAEDI (Saz)…
Une invitation
La sortie de Jorjuna est annoncée pour le 3 mars. Nous écoutons quelques titres en primeur…
Je vous décris la rédaction du Kedistan : Tous mes camarades travaillent, chacunE dans un son coin. Je clique au hasard sur “Mihabadim”. Je vois les oreilles se dresser, y compris celles des chats. Et quasi instantanément tout le monde rentre dans la danse… Je me marre en observant, les plus speeds taper le rythme sur la table, ou du pied pour les plus calmes…
Nous nous laissons nous porter, chacunE avec sa propre lecture mélomane, selon ses affinités géographiques, culturelles et linguistiques, de Bretagne au Moyen-Orient, ou en sens inverse, au choix. Et cela arrive tellement naturellement que “tu ne sais plus où tu habites”. Non je ne parle pas de se sentir perdu, mais d’être au contraire, partout à la fois, et de se sentir chez-soi.
Nous sommes dans des contrées musicales, loin de fantasmes de métissages vidés de sens, de consommation de culture exotique, et d’exercice de style local. C’est une quête difficile, mais avec sincérité, habileté et Art, Kazut de Tyr nous offre le graal.
Gaby Kerdoncuff est un musicien créateur aux multiples facettes mêlant enracinement breton et voyages. Il a développé de nombreux projets au moyen Orient. Autrefois trompettiste des « Pires » compositeur, arrangeur, réalisateur de clips et documentaires musicaux, sa palette multiple est au service d’un parcours artistique singulier. Après avoir cheminé en Roumanie, notamment auprès d’Erik Marchand et le Taraf de Caransebes, Gaby a poursuivi son itinéraire entre Bretagne (Jabadao/ La coopérative) et les Balkans, Macédoine (Gipsy Burek Orkestar), au Moyen Orient (Khoury brothers Al Wasan/Kazut de Tyr), au Kurdistan avec Wirya Ahmed avec qui il crée Dengekan.
Accompagnateur ou initiateur de formations musicales (Termajik, participation à Kreiz Breizh Akademi, projet Al Wasan et Dengekan, et plus récemment le Bal Floc’h), Jean Le Floc’h s’attache depuis plusieurs années à refondre l’accordéon et son jeu pour mieux s’adapter au tempérament du chant breton ancien. Tombé sous le charme des gammes non tempérées, il a mis au point un prototype d’accordéon préparé avec l’aide du facteur
d’accordéon Léon Gaboriau.
Harpiste, Maëlle Vallet est originaire du Trégor. Très vite, le vif intérêt qu’elle porte à la modalité bretonne l’amène à rechercher un nouveau système sur son instrument. Ce chemin l’amène à découvrir le qânûn, cithare moyenorientale offrant une palette de couleurs et d’intervalles conséquente. Elle se forme auprès de maîtres tels que Mohammad Salah el Din pour la technique égyptienne et Goksel Baktagir dans l’appréhension du style turc. C’est avec le qânûn qu’elle revient à la modalité bretonne en effectuant un travail de recherche sur les échelles utilisées par les chanteurs de Basse-Bretagne, ce qui l’amène aujourd’hui à interpréter le répertoire de sa région sur le qânûn. Elle continue à réfléchir à la conception d’une harpe hybride qui emprunterait à son cousin le qânûn son système de leviers et qui lui permettrait ainsi d’explorer les modalités moyen-orientales et bretonne à la harpe.
Après un cursus classique en batterie et percussions digitales, Yves-Marie Berthou développe une curiosité pour les musiques traditionnelles. Il s’initie aux percussions brésiliennes et indiennes puis joue dans plusieurs formations musicales et pour le théâtre : Yog Sothoth, Mazad Kafé, Fred Combo. Depuis 2004, Yves-Marie oriente son travail vers les musiques balkaniques et turques (Gipsy Burek Orkestar, Burek, Slonovski Bal, Dengekan, Ndiaz) qu’il intègre dans le langage propre au trio. Il travaille régulièrement auprès de maîtres macédoniens, bulgares, turcs.
Lionel Mauguen est un guitariste, membre de Yog Sothoth, le brestois a accompagné Naab, joué régulièrement avec Denez Prigent, participé à Burek et au Gipsy Burek Orkestar et multiplie les collaborations avec le milieu jazz et rock brestois.
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Kamar Khani est un jeune chanteur kurde du Rojava (Nord de la Syrie). Originaire de la ville de Al Malekye (Derika en kurde), il chante depuis son plus jeune âge les chansons des kurdes de Syrie. Comme tous les jeunes de sa génération il a été baigné dans des influences multiples arabes, turques, kurdes et occidentales. Il a digéré de façon spectaculaire les influences diverses du Moyen-Orient et chante régulièrement dans les styles et langues, turques, arabes et les dialectes kurdes Sorani et Kurdmanji. Il vit aujourd’hui en France ou il poursuit des études universitaires et débute une carrière de chanteur professionnel.
Eric Menneteau est un chanteur autodidacte. Il se passionne très jeune pour le chant traditionnel du centre de la Bretagne, et affirme sa pratique grâce à ses maitres que sont Maurice Poulmarc’h, Erik Marchand et Yann-Fañch Kemener. Il fait partie de la première promotion de la Kreiz Breizh Akademi, où il étudie la musique modale. En parallèle, il se passionne pour la musique urbaine d’Addis Abeba des années 70, et tournera avec le Badume’s Band jusqu’en 2010. Il chante actuellement en concert et fest noz (Menneteau-Lange, Alambig Elektrik, Duo Menneteau-Barbedette, etc) et a également pris part à l’aventure kurdo-bretonne Dengekan.
Notez déjà dans vos agendas, le jeudi 16 mars, où Kazut de Tyr prendra scène à 20h30 au Studio de L’Ermitage à Paris en co-plateau avec Serendou à l’occasion des 10 ans du label Hirustica. Vous pouvez jeter un coup d’œil sur l’évenement facebook ou réserver vos billets ICI
A savourer avec délectation…
Patience, le 3 mars n’est pas loin…
En attendant, on vous laisse faire connaissance, et pour celles et ceux dont le chemin a déjà croisé celui de Kazut de Tyr, voilà une petite escale avant un nouveau voyage…
Et si vous voulez en savoir plus, écoutez les donc “conter” eux-mêmes, leur chemin musical…