Pour l’av­o­cate et défenseure des droits de l’homme Eren Keskin, l’é­tat d’ur­gence (OHAL) instau­ré en Turquie a été util­isé pour cou­vrir toutes les violations.

Eren Keskin

Nos nom­breux amis avo­cats ont été arrêtés à Şan­lıur­fa. La péri­ode de garde à vue est de 30 jours, et il y a des inter­dic­tions d’av­o­cats et de la tor­ture. Il y a la fouille au corps, la tor­ture sex­uelle. Nous recevons ce genre de plaintes partout où nous allons”, a déclaré Keskin lors d’une con­férence sur le thème “Les pra­tiques OHAL et les vio­la­tions des droits de l’homme” organ­isée par l’As­so­ci­a­tion du bar­reau Şan­lıur­fa ce Same­di, à Şanlıurfa.

Je ne me sou­viens d’au­cune péri­ode où la tor­ture a été autant légitimée. Je ne me sou­viens d’au­cune péri­ode où les arresta­tions ont été faites de façon aus­si arbi­traire, la tor­ture autant légitimée, la lib­erté d’ex­pres­sion détru­ite à ce point.”

Soulig­nant que toutes ces vio­la­tions ont été com­mis­es sous l’ex­cuse de l’é­tat d’ur­gence, Keskin pour­suit: “Il y a des pris­on­niers malades. Des per­son­nes atteintes de can­cer qui ne sont pas emmenées à l’hôpi­tal. Il y a tant de vio­la­tions des droits de l’homme, sans par­ler de la lib­erté de pen­sée et d’ex­pres­sion. Si les gens ne peu­vent pas par­ler, la vio­lence parle.”

Nous vivons tous un proces­sus dans lequel nous nous sen­tons tou­jours plus dés­espérés”, a ajouté Keskin.

Gül­dal B.Tuncel

Gül­dal Beyaza­ğaç Tun­cel, mem­bre du con­seil d’ad­min­is­tra­tion du Bar­reau de Şan­lıur­fa, qui a pris la parole lors de la con­férence, a souligné que les gens étaient dans un état de détresse con­sid­érable, les déci­sions s’ap­puyant sur des preuves insuffisantes.

Les gens sont punis par la pra­tique de déten­tion, souligne ce juriste. Et d’a­jouter : “Les arresta­tions durent pen­dant des mois, et les actes d’ac­cu­sa­tion ne sont pas émis. En rai­son des déci­sions de restric­tion con­cer­nant les dossiers d’en­quête, les gens ne savent pas pourquoi ils ont été arrêtés. Par con­séquent, leur défense ne peut être assurée de façon effi­cace. Et d’ailleurs de nom­breux juristes, y com­pris des avo­cats, ont été placés en garde à vue et arrêtés.”

Tun­cel a énuméré d’autres prob­lèmes : “Les con­di­tions dans les cen­tres de déten­tion sont très mau­vais­es. Les gens sont main­tenus dans des cen­tres sportifs. Deux cents per­son­nes pour un WC, et aucune pos­si­bil­ité de se laver. Les con­seils d’un avo­cat sont restreints pour les cinq pre­miers jours. De plus, il est demandé aux avo­cats d’obtenir le con­sen­te­ment écrit des familles des détenus. Le droit de choisir un avo­cat appar­tient au détenu, pas à la famille. Les détenus défi­lent dans les couloirs du palais de jus­tice, les mains menot­tées der­rière le dos; Ils sont humil­iés de cette façon.”

Men­tion­nant les restric­tions sur le droit à une défense, Tun­cel ajoute : “La police fait la dis­tinc­tion entre les avo­cats choi­sis par les détenus et ceux qui sont désignés par le bar­reau. Les avo­cats qui sont choi­sis par les sus­pects sont vic­times de dis­crim­i­na­tion. Les avo­cats s’in­quiè­tent quand ils acceptent une affaire. Ils se deman­dent si une enquête sera ouverte con­tre eux. Les avo­cats ne sont plus en mesure d’ex­ercer leurs fonc­tions de façon autonome et libre”.

Tun­cel rap­pelle que les avo­cats mem­bres du bar­reau des avo­cats d’Ur­fa ont été arrêtés, menot­tés et envoyés en prison: “L’ar­resta­tion est une mesure nor­male­ment prise s’il y a un dan­ger que le sus­pect fuie ou qu’il détru­ise des preuves. Mais l’ar­resta­tion est dev­enue une punition.”

Lors de la con­férence, Ömer Faruk Gerg­er­lioğlu, ancien directeur de l’As­so­ci­a­tion des droits de l’homme et de la sol­i­dar­ité pour les peu­ples opprimés (MazlumDer), a décrit les prob­lèmes posés par les décrets gou­verne­men­taux (KHK) émis pen­dant l’é­tat d’urgence.

Ces décrets ren­dent mis­érable la vie des gens. Il faut des années pour que vous puissiez prou­ver que vous êtes inno­cent, c’est-à-dire finalis­er le proces­sus judi­ci­aire et le trans­met­tre à la Cour européenne. Si l’on est coupable, on peut être puni. Mais là on vous dit ‘allez mourir’ ”, a déclaré Gerg­er­lioğlu, lui-même limogé de son poste à l’hôpi­tal par un décret du gou­verne­ment datant du 6 janvier.

Nous tra­ver­sons une péri­ode pire que celle du 28 févri­er 1997. On essaie de tromper les gens avec la reli­gion. On essaie d’u­tilis­er la reli­gion comme un masque.”


Traduit par Anne Rochelle

Arti­cle pub­lié sur Turk­ish minute du 12 février

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