Le décret n° 686 du 7 févri­er 2017, a pronon­cé le licen­ciement à nou­veau, entre autres de 4 464 employéEs du secteur pub­lic, et 330 mem­bres de l’u­ni­ver­sité, dont 72 de l’Université d’Ankara. Uni­ver­si­taires, étu­di­antEs, syn­di­cats et diplôméEs, ont donc décidé de résister.

Et la police était là ! Bien sûr.

Une pho­to qui restera dans les “inou­bli­ables”.

Dans un pre­mier temps les policiers ont essayé d’in­ter­dire l’ac­cès au cam­pus des uni­ver­si­taires, étu­di­antEs et sou­tiens, éluEs et syndicalistes.

Ne pou­vant pas entr­er dans leur Uni­ver­sité, les enseignants ont posé sym­bol­ique­ment leurs robes devant la porte.

L’an­cien directeur de Sci­ences-Po Yalçın Karate­pe et d’autres uni­ver­si­taires ont pris parole devant la porte. Kamu­ran Kara­can, le prési­dent du syn­di­cat enseignant Eğitim Sen a demandé à la Police, par qui “l’or­dre d’in­ter­venir” avait été don­né. Un polici­er lui a répon­du en se moquant de lui “Par l’Am­bas­sade de Grèce”.

La police est inter­v­enue avec usage de gaz et balles en caou­chouc, et s’est intro­duite dans l’u­ni­ver­sité en cas­sant la porte tenue par les étu­di­antEs. Elle a fait usage de canons à eau. Les policiers se sont intro­duits ensuite dans les bâti­ments des fac­ultés et ont procédé à des arrestations.

université

Sevilay Çelenk, une uni­ver­si­taire licen­ciée lors des purges précé­dentes avait juste com­mencé à par­ler sur les march­es de la fac­ulté de Sci­ences-Po, quand la police est de nou­veau inter­v­enue… “Nous voulions aujour­d’hui, pren­dre parole calme­ment, dis­cuter et faire un topo sur la sit­u­a­tion. Vous n’avez même pas pu mon­tr­er la patience d’une journée. Cette uni­ver­sité est la cible de vio­lences, et dans les 3 dernières années, 150 enquêtes con­cer­nant cette uni­ver­sité ont été ouvertes.”

Korkut Boratav uni­ver­si­taire de 82 ans, arrivé sur place pour résis­ter avec ses collègues.

Le bilan

Les équipes de police et les policiers civils ont expul­sé les jour­nal­istes présents sur les lieux, par la force. Les avo­cats, qui étaient arrivés sur place pour un sou­tien juridique, ont égale­ment été éjectés.

Cenk Yiğiter, uni­ver­si­taire licen­cié, a pris des coups de poings par un polici­er en civ­il. Yalçın Karate­pe, l’an­cien directeur des Sci­ences-Po, Kamu­ran Kara­ca, le directeur d’Eğitim-Sen, Öztürk Türk­doğan, le directeur de l’As­so­ci­a­tion des droits de l’homme (IHD) ont été molestés égale­ment par la police.

Dans la vidéo suivante, vous allez entendre à plusieurs reprises “Hoca o !”, en français “Il/elle est prof !” Il s’agit des étudiants qui essayent d’empêcher l’arrestation de leur professeurEs en signalent à la police qu’ils sont en train d’arrêter des universitaires…

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Lors des inter­ven­tions poli­cières 11 per­son­nes ont été mis­es en garde-à-vue. Il s’ag­it d’é­tu­di­antEs et de 5 uni­ver­si­taires : Dr. Hakan Yük­sel, Dr. Nuray Türk­men, Mehmet Yıldırım, Direc­trice de la fac­ulté d’E­conomie Dr. Emel Memiş et Semih Gönen…

Ces 11 per­son­nes on été relâchées en fin de journée.

Le concept d’ ”Université nationale”

Le jour­nal Agos pub­lie un entre­tien avec le Dr. Yücel Taşkın and Dr. Ülkü Doğanay, deux des 330 uni­ver­si­taires démis de leurs fonc­tions par le décret du 7 févri­er. Voici un court extrait des pro­pos de Yücel.


Le pro­fesseur Yük­sel Taşkın, directeur du Départe­ment d’his­toire poli­tique de l’U­ni­ver­sité de Mar­mara, fait par­tie des uni­ver­si­taires limogés par le récent décret. Il a signé l’Ap­pel pour la paix. Mais Taşkın pense que la purge en cours n’est pas en rap­port avec cette déc­la­ra­tion. C’est selon lui une attaque en règle con­tre les insti­tu­tions universitaires :

Il y a une ten­sion entre les insti­tu­tions uni­ver­si­taires qui ont un cer­tain niveau et un celles qui ne l’ont pas et ne se soucient pas de l’avoir, de toute façon. Main­tenant, il y a des uni­ver­sités dans lesquelles les étu­di­ants qui ont une cul­ture de la démoc­ra­tie, islamistes et nation­al­istes inclus, peu­vent avoir une voix. Cepen­dant, pour les autres, l’u­ni­ver­sité ne peut avoir qu’une seule voix. Dans le choc de ces deux sys­tèmes, je vois un effort pour purg­er les insti­tu­tions démoc­ra­tiques avec le sou­tien du cer­cle dirigeant. Un con­cept d’ ”uni­ver­sité nationale” est apparu.

Cer­taines uni­ver­sités ne sont pas “nationales”. Cela revient à dire : “Je n’ai pas d’ob­jec­tifs uni­ver­si­taires ou uni­versels. Je veux juste installer mon groupe à l’u­ni­ver­sité. Mais les autres uni­ver­si­taires ont un haut niveau et je ne suis pas à la hau­teur. Alors je dois les détru­ire.” La logique est sim­ple, malheureusement.

D’après Yük­sel, qui voit dans ce qui se passe une évi­dente purge poli­tique, le décret peut aus­si déclencher de fortes réactions :

Les inten­tions n’ont jamais été aus­si claires. Nous devons engager des pour­suites judi­ci­aires dès main­tenant. Nous devons organ­is­er une «cam­pagne pour le non», dire ce que sig­ni­fie ce type de Turquie. Nous devons être patients. Il n’y a pas d’autre issue que la lutte juridique et politique.

Les jeunes sont les plus touchés par la répres­sion à l’u­ni­ver­sité, con­fie Taşkın :

Tout le pays et surtout les jeunes sont lésés. Les jeunes ont eu l’oc­ca­sion de s’ex­primer dans les uni­ver­sités ayant une cul­ture de la démoc­ra­tie. “Porter atteinte à cette cul­ture est très dan­gereux”. Nous ne devri­ons pas être trop pes­simistes, parce que les étu­di­ants valent la peine de se bat­tre. Nous devons pro­téger la sphère démoc­ra­tique pour les étudiants.

La résistance peut prendre des formes différentes

Les élèves de Dr. Murat Sev­inç se sont réu­nis comme toutes les semaines, dans la classe IB 102 de l’U­ni­ver­sité de Bospho­re pour le cours de “I’ini­ti­a­tion au droit con­sti­tu­tion­nel”. Murat a fait alors son cours par Skype…

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Nous ne sommes pas à l’U­ni­ver­sité de droit… Ce que nous essayons de faire, c’est d’é­tudi­er les con­sti­tu­tions dans les sys­tèmes des pays, tout au long de l’His­toire, et dans les luttes his­toriques, et remon­ter le temps jusqu’à nos jours.

Je pen­sais que j’al­lais venir en cours aujour­d’hui, je voulais com­mencer en dis­ant “La Terre était un nuage de pous­sière…” et con­tin­uer “Com­ment le con­cept de l’E­tat est né ? Com­ment les empires sont nés ? Com­ment elles ont créé leur sys­tème de pen­sée ?” Je voulais abor­der le droit d’une façon plus abstraite. Mais je n’ai pas pu. Je voulais par­ler des philosophes de la poli­tique… des pays dont le sys­tème a été pris comme mod­èle, com­mençant par l’An­gleterre, car son sys­tème se trou­ve à la base du sys­tème par­lemen­taire sur lequel nous dis­cu­tons du matin au soir… Mais je n’ai pas pu.

Mes pro­fesseurs aus­si avaient été licen­ciés un 7 févri­er… Cela est une tra­di­tion de notre cur­sus. L’U­ni­ver­sité et la sci­ence doivent être opposantes. Vous ne pou­vez faire de la sci­ence que si vous êtes dis­tants à tous les cen­tres de pouvoir.

Nous allons produire et devenir votre cauchemar !”

Une vague d’indig­na­tion gagne aus­si une par­tie des artistes, notam­ment for­méEs à l’U­ni­ver­sité d’Ankara. Ils, elles s’ex­pri­ment sur les réseaux sociaux.

Emrah Serbes, écrivain et scé­nar­iste, partage sur les réseaux soci­aux la réac­tion d’un étu­di­ant et ajoute son message :

Avec le nou­veau décret, touTEs les enseignants de la branche théâtre de la fac­ulté d’His­toire-géo­gra­phie et Let­tres de l’U­ni­ver­sité d’Ankara (DTCF) sont licen­ciéEs. Donc l’é­cole est fer­mée. Bonne con­tin­u­a­tion.”  “Il est insen­sé de se plain­dre. AmiEs, tant qu’on n’a pas détru­it ce règne, per­son­ne ne peut plus vivre dans ce pays.”

Emrah Serbes  • Ecrivain et scénariste

Ce soir, mon ami cher, avec lequel j’ai partagé la même mai­son pen­dant des années, un des cerveaux bril­lants que ce pays a élevé, Yük­sel Taşkın a été licen­cié par décret comme beau­coup de mes amis précieux. 

Nous n’al­lons jamais oubli­er ces per­sé­cu­tions. Nous n’al­lons pas laiss­er ce pays dans vos mains. Nous allons en écrivant, en dessi­nant, en pro­duisant, devenir votre cauchemar.

Emin Alper • Réal­is­teur

Avec les licen­ciements des uni­ver­si­taires. Leur unique objec­tif est de faire un show pour con­tenter ceux qu’ils ont for­més comme des enne­mis de la sci­ence et de la connaissance.”

Lev­ent Üzüm­cü  • Comé­di­en

Les licen­ciements erronés du net­toy­age académique, ne brû­lent pas seule­ment des uni­ver­si­taires paci­fistes, mais aus­si plusieurs généra­tions d’é­tu­di­ants. C’est une grande perte/honte.”

Ahmet Müm­taz Tay­lan   Comédien

Non seule­ment les élèves et enseignants de la DTCF, même les gens qui passent devant les bâti­ments dis­ent et diront : la “Paix”.

Yek­ta Kopan • Ecrivain


“Vous voulez met­tre en péril des per­son­nes for­mées avec l’ar­gent du peu­ple et qui payent cet investisse­ment large­ment en retour. Il y aura un retour de bâton.”

Şehsu­var Aktaş    Comédien

Dans les fonc­tion­naires licen­ciés par le dernier décret, il y a égale­ment İbrahim Yazıcı, célèbre chef d’orchestre. Cadre du min­istère de Cul­ture et de tourisme, et depuis 2014 con­seiller artis­tique d’Az­iz Kocaoğlu, Maire d’Izmir métro­pole. İbrahim a été relevé de ses fonc­tions. Fil­iz Özsoy, vio­loniste de l’Orchestre sym­phonique de Bur­sa fait par­tie de la liste des “très dan­gereux ter­ror­istes”.

L’artiste Gen­co Erkal réagit :

La plu­part des pro­fesseurs de la DTCf de l’U­ni­ver­sité d’Ankara, et İbrahim Yazıcı, le chef d’Orchestre de l’O­ra­to­rio Nâzım ont été démis de leurs fonc­tions. Nous sommes mon­tés sur une bête, nous allons vers l’apoc­a­lypse.“1

Prenons des forces

Pour se remon­ter le moral, pren­dre des forces, et en sol­i­dar­ité à touTEs les licen­ciéEs, ter­mi­nons donc sur une note pos­i­tive, une riv­ière de notes pos­i­tives, une avalanche de résis­tances, un tsuna­mi de soutien…

L’O­ra­to­rio Nâzım, hom­mage au grand poète Nâzım Hik­met, et son com­pos­i­teur Fazıl SAY ont été déjà cibles de répres­sions. L’œu­vre a été retiré des programmes…

Le voici, dirigé par İbrahim YAZICI, avec la voix de Gen­co ERKAL et Fazıl SAY au piano… Bari­ton : Güvenç DAĞÜSTÜN, chan­sons : Zuhal OLCAY, vocal enfant : Kan­su TANCA, glock­en­spiel : Sez­er YILMAZER, flûte : Der­su TANCA.
Orchestre sym­phonique de Bilkent & Choeur du Min­istère de Culture

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