On a vu ça et là certains se réjouir des “aides militaires” apportées aux FDS et aux YPG/J par les Etats Unis ce dernier mois. On a même lu pour cela quelques quasi félicitations adressées à Trump.
Il est peut être temps de rétablir quelques évidences, sans esprit polémique pour autant, à commencer par la réalité.
Des véhicules blindés américains ont bien été fournis et livrés aux FDS mardi , mais le Colonel John Dorrian a immédiatement précisé qu’ils ont été immédiatement transférés à la “Coalition arabe syrienne”, composante des FDS, et non aux YPG/J.
Rappelons que déjà, le plan d’assaut contre Raqqa, qui avait été mis au point de son côté, pour une durée de plusieurs mois, par la coalition, et sous présidence Obama, donnait au départ une prééminence à la Turquie et que c’est le double jeu d’Erdoğan qui avait poussé le Pentagone à se tourner vers l’armement des FDS, et leur intégration “de fait” dans le dispositif, y compris par une reconnaissance du rôle dominant des YPG. Deux années de tensions entre le président Recep Tayyip Erdoğan et Barack Obama avaient abouti à ce que les Etats-Unis se tournent vers les FDS, tout en ne condamnant pas explicitement le rôle de la Turquie, et son invasion d’une portion du Nord de la Syrie. Obama s’était contenté de bloquer les avancées du dossier sur les exigences turques de “zone tampon” . Une offensive conjointe contre Raqqa de la “coalition” semblait proche.
La question prit cependant du retard, jusqu’à ce que le Général Joseph F. Dunford Jr. ne conclue que la Turquie ne fournirait finalement pas la puissance militaire nécessaire pour reprendre Raqqua, et que l’aide aux FDS restait l’option .
Le 17 Janvier dernier, quelques jours avant l’installation de Donald Trump, le conseiller à la sécurité nationale du président Obama avait remis à l’équipe de Trump un plan détaillé pour armer les FDS et les YPG, ensemble.
Mais l’équipe de sécurité nationale de Trump a depuis repoussé le plan, allant jusqu’à le qualifier, par la bouche d’un nouveau responsable, de “lacunaire et issu d’une pauvreté d’esprit”. Ainsi va le changement… Trump envisage donc de revoir la position concernant Raqqua, et réunira le Pentagone à cet effet. On peut pourtant douter du fait qu’il s’opposera à la Turquie, en apportant lui aussi, une aide militaire directement aux combattantEs kurdes identifiéEs comme telles.
Sur place, ces forces ont depuis longtemps progressé vers Raqqua, malgré le fait que les forces armées turques entrées en Syrie sapent leurs arrières. Il est bien évident que pour la poursuite et la victoire de cette offensive contre Daech, les questions logistiques seront essentielles. Elles se retrouvent à nouveau suspendues à la géopolitique d’un Trump, et les plans d’un Poutine.
Par ailleurs, il faut mettre en évidence le refus d’une bonne partie de “l’opposition syrienne”, reconnue comme telle par la coalition, de voir siéger dans les futures sessions d’une conférence pour la Paix, le PYD (Parti démocratique Union kurde), l’accusant d’être lié au régime Bachar. On en rirait presque, tant le régime est justement opposé au confédéralisme proposé par le Rojava et ses alliés d’opposition au Nord de la Syrie, en lutte à la fois contre Daech et les forces supplétives de la Turquie.
La reprise de Raqqua dépend donc aussi de la volonté des uns et des autres de ne pas permettre aux forces d’opposition confédérées du Nord syrien de jouer un rôle déterminant dans le processus de Paix à terme. Et là, il y a autant de tireurs dans le dos que d’appétits de territoires et de pouvoir.
Alors, cessons de prendre les Poutine et les Trump pour des lanternes, au risque de se brûler gravement la compréhension.