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On pour­rait employ­er la métaphore des “chais­es musi­cales”, à pro­pos des arresta­tions et libéra­tions de ces trois derniers jours, s’il ne s’agis­sait pas d’un véri­ta­ble har­cèle­ment politi­co-judi­ci­aire, sous férule policière.

Dimanche 29 janvier :

Trois députéEs du HDP, Hüda Kaya (Istan­bul), Altan Tan (Diyarbakır) et Mer­al Danış Beş­taş (Adana), avaient été mis­ES en garde-à-vue le 29 jan­vi­er, dans le cadre d’une enquête ouverte sur les événe­ments de Kobanê, tenez-vous bien, du 6–7 sep­tem­bre 2014.

Après les inter­roga­toires de ces trois députéEs, le Tri­bunal avait décidé d’une libéra­tion sous con­trôle judi­ci­aire. Ils avaient été libéréEs.

Ayhan Bil­gen député de Kars, avait été à son tour arrêté à l’aéro­port d’Ankara ce dimanche 29 jan­vi­er, et placé en garde-à-vue à Diyarbakir, puis lui aus­si libéré après inter­roga­toire. Ziya Pir, député de Diyarbakır, s’in­quié­tait hier : “Le télé­phone d’Ay­han reste tou­jours injoignable. Il n’est pas présent à la Cité judi­ci­aire. Il serait pos­si­ble qu’il soit tou­jours en garde-à-vue” et rap­pelait que, lors de la garde-à-vue de Hüda Kaya, il avait été égale­ment impos­si­ble d’avoir ses nou­velles, et donc de savoir où elle était, pen­dant plusieurs heures.

Lun­di 30 janvier :

Le Pro­cureur de Diyarbakır a protesté con­tre la déci­sion de libéra­tion de Mer­al et d’Ay­han. Suite à sa demande, le Tri­bunal a revu sa déci­sion et Mer­al et Ayhan ont donc été remis en garde à vue le 30 jan­vi­er, et ensuite empris­on­néEs pour “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion terroriste”.

Mer­al a tout juste eu le temps de twit­ter : “J’é­tais à la cité judi­ci­aire de Diyarbakır, jusqu’à la fin de la journée. En ren­trant à la mai­son, j’ai appris qu’un ordre d’ar­resta­tion avait été pronon­cé à mon encon­tre. Notre com­bat pour la démoc­ra­tie, perdurera.”

Finale­ment Ayhan Bil­gen a été incar­céré. Et ce, après avoir appris en live, par les médias pro-régime qui annonçaient son arresta­tion avant qu’elle ne se déroule, qu’il était en prison. Et ce, avant même le début des procé­dures à la cité judiciaire…

Ayhan Bil­gen est arrêté”, Ayhan apprend sur CNN Türk, sa future arrestation…

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Le même jour, Lez­gin Botan, députéE de Van, a rejoint la liste. Il a été mis en garde-à-vue, inter­rogé, puis ensuite libéré. Accusé de “pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste”, d“appartenance à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste” et d’ ”inci­ta­tion au crime”, il risque lors de son procès, une peine de prison entre 11 et 40 ans…

Pen­dant ce temps, Idris Baluken, député de Diyarbakır, leader du groupe HDP au Par­lement a été relâché sous con­trôle judi­ci­aire, de la prison de Kandıra à Diyarbakır, comme nous vous l’an­non­cions dans un arti­cle précé­dent, où nous ten­tions de faire le point sur le nom­bre actuel de députéEs du HDP der­rière les bar­reaux d’une prison en Turquie.

Le député d’Ur­fa du HDP, Ibrahim Ayhan a pub­lié, quant à lui, sur son compte Twit­ter : “Le pou­voir poli­tique, fait mon­ter la pres­sion dans ses pré­pa­ra­tions de référen­dum, en faisant du ter­ror­isme de gardes-à-vue et d’ar­resta­tions”.

Ce har­cèle­ment pour­rait d’abord faire penser à des con­séquences de la désagré­ga­tion de l’ap­pareil judi­ci­aire, suite aux purges. On a bien vu ces derniers temps, des juges démis puis arrêtés suite à des déci­sions pris­es, tout comme nom­bre d’avocats.

Mais si cet état de fait est exact, il y a là, pour­tant, une con­ti­nu­ité dans la volon­té de “géno­cide poli­tique de l’op­po­si­tion”, engagé depuis mi 2015.

Les procé­dures con­cer­nent des “dossiers” étab­lis par­fois dès 2013, à l’en­con­tre de représen­tants poli­tiques, et pour lesquels la loi anti-ter­ror­iste de juin 2016 est pour­tant invo­quée, après que leur immu­nité de par­lemen­taire fut lev­ée par le Par­lement, sur “con­seils” du Prési­dent, avant même le putsch de juillet.

Il y a donc der­rière ce sim­u­lacre d’im­pro­vi­sa­tion, la mar­que de l’acharne­ment poli­tique au plus haut niveau, et le zèle des exé­cu­tants des bass­es œuvres, y com­pris dans l’in­sti­tu­tion judi­ci­aire, désor­mais tri­bunal d’injustice.

Si à tout cela, on ajoute l’ap­proche d’un référen­dum “sous état d’ur­gence”, que le HDP com­bat, on com­pren­dra mieux “le por­tillon d’hô­tel” que devient cette jus­tice là pour les mil­i­tants HDP. Celles et ceux qui sont en prison sont empêchéEs de men­er cam­pagne, les autres, sous con­trôle judi­ci­aire, sont som­méEs de ne “pas aggraver leur cas” et, on l’e­spère au Palais, de se taire. C’est égale­ment pour cela que nous tenons à cette appel­la­tion “otages”, pour désign­er les détenuEs des geôles d’Er­doğan.

Dans ce cirque appar­ent, les médias aux ordres jouent leur rôle, tan­tôt de “cor­beaux” zélés, mobil­isés pour l’u­nité nationale, tan­tôt de pro­pa­gande, sur la “com­pas­sion du régime”. On ne s’y retrou­ve plus dans ces infor­ma­tions volon­taire­ment con­tra­dic­toires, et l’on ne peut une nou­velle fois que décon­seiller les copiés-col­lés de dépêch­es d’a­gence, tant elles éma­nent directe­ment du Palais.


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