La jus­tice tient une bal­ance, comme le petit vendeur du marché. Et ces derniers temps, en Turquie, on assis­terait plutôt à des séances de marchés en gros, pen­dant que les détail­lants offi­cient en dehors des regards.

Tenez, rien qu’au­jour­d’hui, le tri­bunal d’Izmir liq­uide 270 mil­i­taires d’un coup. Sur ce marché là, c’est “à con­damn­er” qu’on écrit sur l’ar­doise ou le car­ton. On pioche dans le tas des empris­on­nés, et on vous fait “bon poids”.

Ces putschistes “bénis du ciel”, dont 152 sur ces 270 croupis­sent en prison depuis juil­let, vont devoir devant un tri­bunal d’Izmir, répon­dre de “crimes con­tre l’E­tat”. “ten­ta­tive de ren­verse­ment de l’or­dre con­sti­tu­tion­nel”, “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste” et “ten­ta­tive de ren­vers­er le Par­lement ou de l’empêcher de rem­plir ses devoirs”.

Ils risquent cha­cun jusqu’à deux peines de prison à vie.

Et c’est là que com­mence le règne de celui que chez vous on nomme le Père Ubu. Com­ment peut-on vouloir con­damn­er un humain à deux peines de “prison à vie”, alors que nous n’en avons qu’une ? Pourquoi pas neuf comme les chats, tant qu’on y est ?

Ce sont les 40 vierges qui risquent d’at­ten­dre bien longtemps, du coup…

Ben oui, puisqu’il s’a­gi­rait de “mem­bres de FETÖ”, nous dit-on, obéis­sant aux ordres de leur sup­posé gourou Fethul­lah Gülen, jugé lui aus­si en son absence. Pour­tant, Erdoğan et lui partageaient il y a peu le même tapis de prières ! Faute de s’en­ten­dre sur le partage du gâteau et du pouvoir…

Ce marché de gros est un marché de dupes. Il con­tin­ue de dis­tiller dans la tête du petit peu­ple que nous sommes, l’idée que la grande braderie judi­ci­aire lav­erait la démoc­ra­tie. Qu’Er­doğan règle ses comptes avec ses amis d’hi­er, et sauvage­ment, est une chose, qu’on nous fasse croire qu’il s’agis­sait d’un grand com­plot qui allait des Kur­des à Fethul­lah Gülen, our­di par “la main de l’é­tranger”, pour bris­er la belle unité nationale de la Turquie en est une autre.

Ces salades là, que nous vendent en gros les tor­chons et les écrans d’Er­doğan, oublient de dire qu’en réal­ité, dans le détail, c’est toute l’op­po­si­tion qu’on empris­onne et qu’on met dans la bal­ance par petits paque­ts. A tel point qu’on ne peut plus suiv­re, qui est arrêté, jugé, relâché, remis en garde à vue… La seule chose qu’on sait, en se ren­seignant un peu sur ce qu’il reste de réseaux d’op­po­si­tion, c’est que pour l’im­mense majorité, on est à mille lieux du “cadeau du ciel” du 15 juil­let.

Alors c’est ce marché d’in­jus­tice au détail, qui ne fait pas de bruit ni de gros titres, qui me ter­ri­fie le plus. Parce que c’est dans l’ar­rière-bou­tique de la jus­tice qu’on découpe et con­damne du “ter­ror­iste”, après bien sou­vent qu’il/elle soit passéE dans “l’at­ten­dris­seur” de la police. Une jus­tice d’a­battage, qui se pros­titue pour un régime et un pou­voir poli­tique, et même plus sous la contrainte.

Vous vous plaignez paraît-il que vos conci­toyens se dés­in­téressent de la poli­tique… Ici, en Turquie, ce serait plutôt dans l’in­térêt d’une survie.

Bon, je n’avais encore rien à dire aujour­d’hui. Mais je n’ai même pas le cœur à cuisin­er. Dehors le ciel est gris. La tem­péra­ture devrait remon­ter un peu dans les jours qui vien­nent, et la pluie se mêler aux larmes.

 


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…