Arzu Demir est une jour­nal­iste des agences ETHA et ANF. Elle est aus­si auteure de plusieurs livres. Un procès avait été ouvert à son encon­tre pour deux d’en­tre eux. La déci­sion du tri­bunal vient de tomber aujour­d’hui : Arzu ira en prison pour 6 ans.

Après une audi­ence, qui s’est déroulée au Tri­bunal Pénal n°13 d’Is­tan­bul, Arzu, accusée de “pro­pa­gande pour organ­i­sa­tion ter­ror­iste”, “éloge de crime et de crim­inels” et “inci­ta­tion au crime”, a écopé de 3 ans de prison, pour cha­cun de ses deux livres : “Dağın Kadın Hali”, sur la place des femmes par­mi les com­bat­tants et “Devrim­in Roja­va Hali”, sur le proces­sus révo­lu­tion­naire au Rojava.

Gül­han Kaya, avo­cat de l’as­so­ci­a­tion Ezilen­lerin Hukuk Büro­su — EHB (Lit­térale­ment Bureau de Droit des Opprimés) a pré­cisé que la lim­ite min­i­mum de peine pour le chef d’ac­cu­sa­tion “pro­pa­gande pour organ­i­sa­tion ter­ror­iste” est de 1 an, et que lorsque le “délit” était com­mis “par voie de presse” la peine s’en trou­vait ral­longée d’un an. L’av­o­cat a souligné égale­ment, que le Tri­bunal ayant pris comme lim­ite non pas 1 an, mais 2 ans, il a donc, avec l’a­jout d’un an, con­damné Arzu à 3 ans de prison.

Selon l’av­o­cat, un autre détail doit être pris en compte, car il est ques­tion d’un vice de forme. L’en­quête con­cer­nant le livre “Dağın Kadın Hali” a été ouverte en se bas­ant sur sa 7ème réédi­tion. Or, le livre a été réédité après l’ou­ver­ture du procès. En quelque sorte on peut ouvrir désor­mais en Turquie, un procès à l’en­con­tre de son auteure, avant même qu’un livre ne paraisse.

Dağın Kadın Hali” paru en 2014, con­tient des entre­tiens avec onze mil­i­tantes du PKK. Et c’est seule­ment après sa 7ème réédi­tion que le Tri­bunal d’Is­tan­bul a décidé d’in­ter­dire et de faire retir­er ce livre des rayons des libraires.

Arzu, s’ex­pri­mait lors d’un inter­view réal­isé en Sep­tem­bre 2016, devant le Palais de Justice :

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Tra­duc­tion de la vidéo :
Le Palais de Jus­tice de Çağlayan à Istan­bul est devenu un endroit où les jour­nal­istes qui restent en dehors des médias pro-régime passent… Je fais par­tie de ces jour­nal­istes qui vien­nent ici régulière­ment. Aujour­d’hui, je suis venue pour mon pro­pre procès. J’ai deux procès, un pour “Dağın Kadın Hali” et un autre pour “Devrim­in Roja­va Hali”. C’est aujour­d’hui que j’ai appris l’ou­ver­ture de ce dernier.

C’est assez clair, après le 7 juin, tous les jour­nal­istes des médias indépen­dants, hors médias main­stream, sont assiégéEs. Aus­si bien les procès qui sont ouverts pour mes livres et mes arti­cles, que ce que le jour­nal Özgür Gün­dem et des dizaines de jour­nal­istes endurent, sont pour moi, le reflet de la Guerre déclarée aux médias. J’ai dit, lors de mon procès, et je le redis ici aus­si, si le proces­sus de réso­lu­tion, le proces­sus de négo­ci­a­tions avec İmr­alı [La Prison d’İmr­alı où le leader du mou­ve­ment kurde Öcalan, est détenu] avaient con­tin­ué et évolué vers un proces­sus de Paix, nous ne seri­ons pas jugés ici, nos livres ne seraient pas inter­dits, le jour­nal Özgür Gün­dem ne serait pas fer­mé, les députéEs HDP ne seraient pas pour­suiv­is [actuelle­ment empris­on­néEs]. Ceci est très clair. Nous sommes les vic­times de la guerre. Nous n’en sommes pas seule­ment les vic­times, mais aus­si les témoins. Nous allons con­tin­uer à témoign­er et écrire les vérités.

Arzu pré­ci­sait le même jour, qu’elle tra­vaille comme jour­nal­iste depuis 1998.

Je fais des arti­cles plutôt poli­tiques. Comme la ques­tion kurde est venue dans l’ac­tu­al­ité d’une façon inten­sive, j’ai aus­si tra­vail­lé sur ce sujet. J’ai pub­lié des cen­taines d’ar­ti­cles et reportages sur ce thème. J’ai voy­agé en Turquie, en Europe, en Syrie, Irak et plusieurs endroits dans le Cau­case. Lors de la péri­ode des négo­ci­a­tions, comme des cen­taines de jour­nal­istes de tous les pays du monde, je suis allée dans des régions con­trôlées par le PKK et j’ai fait des reportages con­cer­nant le proces­sus. C’est grâce à l’at­mo­sphère poli­tique que le proces­sus a crée que j’ai pu ren­con­tr­er, observ­er et écrire les réalités.

Jusqu’à aujour­d’hui, je n’ai pas décrit un monde fan­tas­tique comme les médias main­stream le font. Dans mon livre, j’ai par­lé de la tristesse que les femmes ressen­tent en lais­sant une vie der­rière elles, en “mon­tant à la mon­tagne”, de la colère qu’elles ressen­tent envers la vio­lence qu’elles ont vécue depuis leur enfance, la force que la mon­tagne leur a apporté, la sol­i­dar­ité qu’elles ont con­stru­ite face à la dom­i­na­tion mas­cu­line, le sen­ti­ment de ne pas appartenir aux villes… Tout cela est la réal­ité. En résumé, pour ce livre, j’ai fait du jour­nal­isme. Je suis allée, j’ai vu, j’ai par­lé, et j’ai écrit. J’ai écrit la réalité.

Nous avons vrai­ment besoin de la Paix. Même une per­son­ne comme moi, dont les racines sont dans la région de la Mer Noire, la ville de Kas­ta­monu, qui suis née à Istan­bul, qui ait gran­di dans une petite île dans l’ouest et à Istan­bul, une turque, une sun­nite, a besoin de la Paix. J’ai donc écrit ces livres en pen­sant qu’ils con­tribueraient à élargir le rêve de la Paix. Si nous étions encore dans le proces­sus de réso­lu­tion, mes livres ne seraient pas inter­dits, et je n’au­rais pas été une “accusée”.

Aujour­d’hui, c’est à dire trois mois après cette pre­mière audi­ence de sep­tem­bre, le nom d’Arzu s’a­joute à la très longue liste des pris­on­nierEs poli­tiques pris­Es en otage par le régime turc et incarcéréEs.

 


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