Ebru Fırat a été arrêtée début septembre 2016, lors d’un changement d’avion à Istanbul, alors qu’elle rentrait en France.
D’abord accusée d’avoir voulu commettre un attentat sur le sol turc, le chef d’accusation a été transformé depuis en “appartenance à groupe terroriste”. Nous avions consacré en novembre 2016 un article à son “histoire personnelle”, à la veille de son passage devant les juges. Pour celles et ceux qui ignoreraient tout des conditions dans lesquelles cette jeune femme a été interpellée, puis jetée en pâture à la presse turque, avant d’être définitivement incarcérée, lisez donc ce billet.
En pleines purges, en pleine hystérie anti PKK et anti kurde, la cible était donc trop belle… et trop facile à faire passer aux yeux d’autorités françaises soucieuses de combattre elles aussi le “terrorisme”. Quand on lit les récents propos lénifiants sur la Turquie nouvelle, du Consul de France à Istanbul, on devine quel a été son embarras pour défendre une “combattante”, qui a, il y a un temps fréquenté le Rojava et côtoyé les femmes kurdes des YPG. Ceci dit, le journaliste d’antenne 2 qui fit ce reportage, la montrant en féministe engagée au Rojava, n’en est pas pour autant devenu un membre actif du PKK…
Et si Ebru n’a rien renié du combat et de la révolte qui l’anime, elle avait envisagé depuis de reconstruire sa vie, pour se rendre plus utile encore.
Le régime turc, patriarcal à souhait, en a décidé autrement. Il a là aussi voulu faire un exemple, permettant à la fois de mettre en avant sa vigilance “anti terroriste”, sur le dos de la France, de surcroît, et de prendre dans son tableau de chasse une “militante terroriste kurde”, ou du moins faire passer comme telle une jeune femme de 25 ans de retour vers la France. 5 ans de geôle, puisqu’Ebru est passée devant un de ces tribunaux à “cinq ans et moins”.
Depuis quelques mois, le silence des autorités françaises est pesant.
Nous savons qu’il tient autant à des raisons d’affaires, qu’à des engagements européens sur les réfugiés, et davantage encore à la situation diplomatique vis à vis des futures négociations sur la Syrie. La défense pied à pied des droits humains lors des déplacements présidentiels ou ministériels est également largement passée de mode chez l’ennemi de la finance et sa compagnie…
Celles et ceux qui un temps ont cru qu’il suffiraient seulement d’une pétition à Jean Marc pour faire rosir ce gouvernement et le contraindre à agir pour Ebru, non seulement se sont égarés, mais surtout n’ont rien mesuré des enjeux politiques turcs, et du fait qu’Ebru s’y trouvait entraînée comme otage.
Il faudra sérieusement plus qu’une adresse aux “élus” en voie de déménagement pour engager dans un premier temps un soutien “moral” à Ebru, et la porter dans la lumière, comme une otage franco-kurde qu’elle est.
Alors, pour commencer et poursuivre, cette campagne de “lettres à Ebru” doit être partagée largement sur les réseaux sociaux et amplifiée. Ebru est un “modèle” d’engagement pour beaucoup. Faisons connaître sa personne auprès de sa génération, et bien au delà de sa ville d’adoption.
Et si ces lettres pour l’instant sont virtuelles, elles deviendront peut être réellement un vecteur de soutien pour résister à l’enfermement. En voici une, parmi toutes les autres que vous trouverez sur le site de campagne.
Chère Ebru,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras sans doute qu’après une libération pour laquelle tes amiEs et soutiens travaillent, contre vents et marées.
Un tribunal d’injustice en Turquie t’a condamnée à cinq ans d’emprisonnement pour ta jeunesse et ton désir d’un monde meilleur.
Tu es Kurde, et ce mot est synonyme de “terrorisme” dans la bouche de tes juges et de leurs donneurs d’ordres. Tu es une femme qui ose combattre, et le patriarcat de l’injustice qui te condamne ne peut l’admettre. Tu as voulu donner l’exemple qu’il était possible de résister à l’obscurantisme, et d’apporter, au risque de ta vie, une pierre à l’édifice commun au Rojava, contre Daech et les fascismes militaires, nationalistes et religieux au Moyen Orient.
Tu as, à 25 ans, tout simplement emboîté le pas d’autres avant toi, qui ont voulu faire de leur jeunesse en leur temps une force de transformation politique et sociale pour le monde. Tu as ainsi rejoint des combattantEs anti-colonialistes, anti-sexistes, anti-impérialistes, parce qu’aussi le fait d’être discriminée parce que née kurde t’était insupportable.
Voilà, ta révolte est noble, et bien davantage que des discours ou des postures. Elle t’a conduite en prison pour 5 ans, dans un pays où les geôles se remplissent aujourd’hui d’opposantEs.
Comme pour celles et ceux là, il n’y a aucune légitimité à reconnaître les preneurs d’otage… Foin des arguties juridiques ! Car tu es toi aussi devenue une otage du régime d’Erdoğan. Tu dois être libérée.
Et comme pour toutes celles et ceux là, chacunE s’honorerait de faire du bruit et davantage.
Je ne dispose pour t’apporter un soutien que de mon grand âge, de mon clavier et d’une voix qui porte parfois. Je ne pense pas être le seul dans ce cas là, et j’invite largement mes semblables à se mobiliser pour que 5 années d’une vie ne soient pas volées par un pouvoir fascisant, à minima.
D’aucunEs ont lu il y a peu les textes d’une auteure qui écrivait pour résumer que “la prison était la même au dehors et au dedans, tant que toutes et tous n’étaient pas libres”.
Alors tiens bon, on forge des clés.
Frappez à votre tour des mots sur le clavier, partagez, innovez…
Ebru Fırat doit être extraite des geôles turques, et chacunE peut contribuer à tordre les barreaux.
Le site web pour la campagne est ICI.