L’é­tat d’ur­gence a été recon­duit pour la troisième fois, et, ven­dre­di soir, dans cette droite ligne, trois nou­veaux décrets ont été promulgués.

Avec les décrets n° 679, 680 et 681, ont été licen­ciés : 2 687 employés de la Direc­tion Générale de la Sécu­rité, 135 employés de Diyanet (affaires religieuses), 164 mil­i­taires des Forces Aéri­ennes, 149 Marines, 838 per­son­nes du min­istère de la san­té. 649 uni­ver­si­taires et 155 employéEs de l’ad­min­is­tra­tion publique, tra­vail­lant au sein des uni­ver­sités ont été pro­jetés vers le chômage.
Plusieurs sig­nataires de l’ap­pel pour la Paix, lancé par les uni­ver­si­taires en jan­vi­er 2016, font par­tie de ce “lot de purge”.

Par ailleurs 83 organ­i­sa­tions de société civile ont rejoint la liste des asso­ci­a­tions fermées.

8 clubs de sports sont égale­ment fer­més à Malatya, Gaziantep, Kocaeli, Şır­nak et Cizre.

Quelques changements

Port d’arme : Les employés de sécu­rité privée seront autorisés au port d’armes, à con­di­tion de ne pas les sor­tir de leur lieu de travail. 

Déchéance de la nation­al­ité : Les citoyens turcs qui sont pour­suiv­is ou font “l’ob­jet d’en­quête”, étant à l’é­tranger et restant injoignables, en cas de non respect à l’ap­pel de “retour au pays” dans les 3 mois, pour­ront être déchus de leur nationalité. 

Inter­dic­tions sur l’in­for­ma­tion : Les pub­li­ca­tions des “enseignes” qui ne respecteraient pas l’in­ter­dic­tion sur l’in­for­ma­tion seront sus­pendues pen­dant une journée. Dans le cas de récidive dans une année : la pre­mière fois, arrêt des pub­li­ca­tions pen­dant cinq jours, la deux­ième fois quinze jours, et la troisième fois sup­pres­sion de licence. Par ailleurs, les refus des licences ont été sim­pli­fiés. RTÜK (Con­seil supérieur de l’au­dio­vi­suel de Turquie) pour­ra refuser des licences pour des motifs liés à la sécu­rité nationale, pro­tec­tion de l’or­dre pub­lic et util­ité publique. 

Inter­net : La police et les ren­seigne­ments pour­ront, pour les dél­its “cyberné­tiques”, faire des inves­ti­ga­tions sur le traf­fic de don­nées entre l’adresse Inter­net et les ressources Inter­net, sur l’or­dre de leur direc­tion, et sans déci­sion de justice.


Décrets après décrets, les purges se pour­suiv­ent, mais surtout le bâil­lon se ren­force con­tre la société civile et les moyens d’ex­pres­sion les plus élé­men­taires. L’emprisonnement de tel ou telle, leur libéra­tion pro­vi­soire, comme dans le cas d’Aslı Erdoğan, le main­tien en geôle dans des con­di­tions d’isole­ment pour d’autres, com­plè­tent ces décrets en dis­til­lant la peur, en divisant les résis­tances, en ciblant des “caté­gories” d’opposants.

Avec la libéra­tion pro­vi­soire d’Aslı Erdoğan, et suite aux mobil­i­sa­tions que son empris­on­nement avait sus­citées, les médias européens ont con­sacré des pages à la Turquie et à cette sit­u­a­tion de prison à ciel ouvert qui s’est instal­lée. Nous ne pou­vons que nous en féliciter, après avoir tant sus­cité leur atten­tion et avoir ici maintes fois adressé des cri­tiques à l’en­con­tre de leur indif­férence, voire de leurs approx­i­ma­tions sur la réal­ité turque.

Mais notre crainte reste vive.

La mise en place des instru­ments de répres­sion et d’in­jus­tice ne faib­lit pas. Le pro­jet d’Er­doğan de prési­den­tial­i­sa­tion et de pou­voir absolu est sur les rails. Le remod­e­lage de l’ap­pareil d’E­tat, la main mise totale sur la jus­tice, l’as­su­jet­tisse­ment des médias, le gou­verne­ment par décrets, con­soli­dent un pou­voir absolu, la final­i­sa­tion d’un coup d’é­tat civil.

Dans ces con­di­tions et ce con­texte, le fait que du lest ait été lâché sur quelques otages poli­tiques peut très vite se retourn­er con­tre toutEs les autres, une fois que le nuage médi­a­tique se sera dis­sipé en Europe, et que cha­cun retourn­era à ses préoc­cu­pa­tions “nationales”. Tant les sou­tiens atom­isés là-bas que les sol­i­dar­ités dimin­uées ici se retrou­veront seulEs à nou­veau, au beau milieu des cal­i­cots élec­toraux devenus priorité.

Mais, sans doute nous objectera-t-on alors : “vous nous deman­dez de pren­dre par­ti poli­tique sur la sit­u­a­tion en Turquie, cela dépasse notre rôle d’in­for­ma­tion”…

Il sem­ble aus­si clair, que ces derniers mois “d’ac­tu­al­ité” n’ont cepen­dant pas affec­té les dirigeants poli­tiques européens quand à “leur col­lab­o­ra­tion avec grande vig­i­lance”  vis à vis des autorités turques. Le rôle des unEs et des autres dans les grands tri­pa­touil­lages sous la férule russe autour de la Syrie, et la volon­té d’y trou­ver un strapon­tin ren­for­cent cette “diplo­matie du silence”. Erdoğan a donc les mains libres, soyons-en conscients.

La pseu­do oppo­si­tion kémal­iste laïque, sat­is­faite de “libéra­tions pro­vi­soires”, va pou­voir elle aus­si se con­sacr­er aux “joutes par­lemen­taires” au sein de la défense de l’u­nité nationale, et rester ain­si dans son accep­ta­tion tacite de l’ex­trême polar­i­sa­tion de la société civile turque, ren­for­cée, il faut le soulign­er, par le bruit des bombes et le mitrail­lage de ce début d’année.

Notre plus grande crainte, à Kedis­tan, serait qu’alors qu’il n’a jamais été autant ques­tion de la Turquie, alors que se sont dresséEs un peu partout des femmes et des hommes en défense d’Aslı, une fois le tam­bour médi­a­tique crevé, se refer­ment les bar­reaux d’in­dif­férence, sur celles et ceux qui n’é­taient pas dans la lumière.

Nous auri­ons ain­si per­du pour un temps ce com­bat pour la pro­tec­tion de tous les otages poli­tiques en Turquie, la sol­i­dar­ité active et l’aide à leur apporter, et seri­ons tombés dans ce piège ten­du des arresta­tions et libéra­tions sélec­tives. Et ces nou­veaux décrets sans réac­tion nous le font redouter.

Nous con­tin­uerons inlass­able­ment à ren­seign­er l’or­di­naire de la répres­sion en Turquie, l’or­di­naire des oppres­sion con­tre les minorités, l’or­di­naire du nou­veau fas­cisme à vis­age “mod­erne”.


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