Aujourd’hui 2 janvier 2017, se tenait à Istanbul une deuxième audience du procès “Özgür Gündem” dans lequel sont “jugéEs” entre autres, Aslı Erdoğan et Necmiye Alpay, pour les deux noms qui ont fait la Une des médias.
Ce procès connaitra une troisième audience le 14 mars prochain. Les Juges en ont décidé ainsi à 11h30 (13h30 heure locale) ce matin. Ils ont maintenu İnan Kızılkaya, un des éditeurs en chef du journal Özgür Gündem (lien) en prison, laissant les autres “accuséEs” en liberté conditionnelle. Bilge (Oykut) Contepe, militante écologiste et féministe, quant à elle, a été relaxée.
On peut légitimement être inquiets pour İnan Kızılkaya, qui pour la deuxième fois n’a pas été amené à l’audience du Tribunal, tout en ne faisant pas l’objet d’une communication audiovisuelle à distance non plus. Des bruits persistants circulent sur son état de santé qui serait dû à des mauvais traitements et tortures.
Procès “Özgür Gündem” 2 janvier 2017 — LIVE
09h (11h heure locale)
Tout le monde est là, mais le procès traine car İnan Kızılkaya est attendu. Il devrait emmené de la prison de Silivri. Mais comme la dernière fois sous prétexte “Il n’y a pas assez de véhicule” İnan n’est pas présenté au tribunal.
09h50 (11h50 heure locale)
Les journalistes largement présents pour le premier procès sont absents cette fois-ci.
Valérie Manteau de la délégation française est dans la salle et twitte pour nous… On a les infos en direct. Kedistan relaie sur Twitter @KEDISTAN et sur la page Facebook @freeaslierdogan.
Ca commence.
En l’absence d’İnan Kızılkaya. Bilge Oykut (Contepe) et Zana Kaya feront leur défense.
Bilge Contepe membre du parti Vert comparait la première, accusée de terrorisme et déstabilisation de l’Etat. Elle parle protection de la nature.
Il se dit qu’İnan Kızılkaya a a été torturé en prison et que c’est pourquoi il n’a pas été présenté a la Cour (et aux observateurs).
Le juge dit qu’il sait que des écrivains sont dans la salle et nous “conseille” d’écrire prudemment.
Zana Kaya comparait. Il a été éditeur en chef d’Özgür Gündem seulement 8 jours, et a fait 4 mois de prison. Il plaide que le journal a toujours été légal. Il confirme qu’en tant qu’éditeur, ni responsable de ligne éditoriale, il n’a jamais consulté, comme les conseillers du journal… Donc, Bilge, Aslı, Necmiye et les autres ne sont là donc pour rien.
“Mon objectif était seulement d’attirer l’attention sur la guerre et les affrontements. Sedat Peker* qui a lancé des menaces est libre, moi, je suis en prison.”
*Sedat Peker : Un parrain de mafia proche du régime. “On va vous noyer dans votre sang” avait-il dit en s’adressant à l’opposition. Voir l’article de Kedistan.
Le juge demande pourquoi il y avait un livre d’Öcalan dans les locaux d’Özgür Gündem
Aslı Erdoğan comparait. Elle dit qu’elle n’a rien de plus a dire que vendredi dernier. Elle se rasseoit.
Necmiye Alpay comparait, elle a gardé son humour, elle demande au script d’écrire prudemment “Ne dites pas que vous avez saisi des livres, car on ne pas les saisir.” Elle avait fait cette remarque dans le premier procès. Dans le langage “policier” et juridique on dit “ele geçirmek”, (même expression pour “attrapper” s’il s’agit des personnes), terme utilisé aussi pour des livres.)
L’Avocat d’Özgür Gündem, dénonce les conditions de détentions très dures et inutiles, il pourrait y avoir libération conditionnelle.
L’Avocat d’Aslı Erdoğan, Erdal Doğan, se montre drôle aussi : “On n’est pas en train de regarder si verre est demi plein ou vide; il n’y a pas de verre et pas d’eau !” dit-il. Notons qu’il est également l’avocat qui a défendu Hrant Dink, journaliste arménien, assassiné en janvier 2007 (articles de Kedistan sur Hrant Dink)
Les Avocats d’Aslı et Necmiye demandent des permissions pour elles, de sortir du territoire pour leurs activités d’écrivains et d’activistes féministes.
Ambiance beaucoup plus détendue que celle du 29 décembre. Bilge dit qu’elle veut rentrer à Bodrum (ville du Sud). Le juge lui dit de se calmer, elle insiste, rires…
L’avocate d’İnan et de Zana essaie de parler plus largement de la situation politique et du nombre de journalistes en prison. Le Juge la coupe… Elle rappelle que la Turquie a maintenant, dans tous les pays mondiaux, le record du plus grand nombre de journalistes en prison. Le Juge demande qu’elle reste dans le sujet… Mais c’est le sujet ! L’avocate dit que ce procès est celui du “journalisme”, et non pas du “terrorisme”, elle ajoute : “Özgür Gündem est publié depuis les 90s, alors que-va t‑on faire… arrêter tous ses contributeurs ?”. Elle rappelle qu’İnan Kızılkaya n’est pas présent et que c’est totalement contraire aux droits de sa défense.
Réquisitions du procureur : Il demande qu’on puisse avoir via l’ambassade en Suède et entendre les réponses des accusés qui sont à l’étranger.
Le Procureur demande la relaxe pour Bilge (Oykut) Contepe. Il n’a pas changé d’avis pour les autres, et demande qu’ils restent libres pour la suite du procès, sauf İnan Kızılkaya, non présenté au tribunal aujourd’hui. Le procureur demande pour lui qu’il reste en prison.
On sort pour la délibération. Il est 11h15 (13h15 heure Turquie).…..
DECISION :
Pas de libération pour İnan Kızılkaya. Bilge (Oykut) Contepe relaxée. Les autres : pas de changement. Autorisations de sortie de territoire refusées.
La prochaine audience se déroulera le 14 mars 2017.
Ce procès interminable verra donc une nouvelle audience en mars. Même si les “prévénuEs” sont en liberté conditionnelle, ils/elles risquent toujours d’être réincarcéréEs selon les circonstances politiques du début du printemps prochain. On sait pertinemment que la Justice ne fait qu’obéir aux ordres qui lui sont donnés.
Pour İnan Kızılkaya, il est urgent d’obtenir que ses avocats, proches et soutiens puissent le visiter afin d’avoir des certitudes sur ses conditions de détention. Sans sa présence au procès, ses droits de défense ont été bafoués, puisque ce n’est pas lui qui s’est soustrait au Tribunal, mais le Tribunal qui n’a rien fait pour qu’il puisse y comparaitre.
Demandons sa libération ! Faisons connaître ses conditions de détention, qui sont celles de tant d’autres !
Comme les avocats l’ont précisé à plusieurs reprises dans la défense, ce procès n’était pas un procès d’individus, mais bien celui de la liberté d’informer et de critiquer le régime, qui plus est pour un journal d’opposition turco-kurde, interdit et fermé depuis 16 août par décret.
La mise en liberté de telle ou telle personne mise en accusation pour “complicité de terrorisme” donne un côté ubuesque à l’accusation elle même et aux chefs d’accusation. C’est pour la fin de cette mascarade, qui concernent tant d’affaires en cours et justifie des arrestations, que les comités de soutien sur place se mobiliseront et nous resterons en cela à leurs côtés.
Ce coing enfoncé par ce début de mobilisation transnationale contre les victimes iniques de l’état d’urgence et pour la libération de tous les “otages” du régime en Turquie, ne doit pas se déliter, mais au contraire, se renforcer avec toutes et tous, universitaires, auteurEs, artistes, cinéastes, juristes, politiques et chacun et chacune d’entre nous…
Le combat pour la liberté d’expression est indivisible. Il nous concerne autant ici que là-bas…
A suivre…
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Image à la Une : Ayşegül Tozeren sur Twitter