Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, présen­tées par Ron­ahi TV. Un retour sur la semaine du 25 au 31 décem­bre 2016. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trou­verez ici, chaque semaine.

Vidéo et texte en français

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Gros titres :

  • LE LONG DE LA FRONTIÈRE : Nou­velles vio­lences de l’ar­mée turque
  • OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE : Les FDS avan­cent vers Raqqa
  • SYRIE DU NORD : L’ar­mée turque se livre à des massacres
  • FÉDÉRATION DÉMOCRATIQUE DE LA SYRIE DU NORD : Con­grès de Rimelan
  • ROBOSKI : 5 ans déjà
  • ROBOSKI : 5 ans plus tard
  • BAKUR-KURDISTAN DU NORD : Crimes d’E­tat con­tre l’humanité
  • TURQUIE :  Procès « Özgür Gündem »
  • PROCÈS DE SÛR : 40 per­son­nes jugées à Diyarbakir
  • TURQUIE : La prison pour seul horizon
  • RUSSIE — IRAN — TURQUIE : Cessez-le-feu en Syrie

LE LONG DE LA FRONTIÈRE
NOUVELLES VIOLENCES DE L’ARMÉE TURQUE

Le long de la fron­tière qui sépare le nord de la Syrie de la Turquie, les mil­i­taires turcs mul­ti­plient encore les agressions.
Cette semaine, les forces turques s’en sont par­ti­c­ulière­ment pris­es aux vil­lages entourant la ville de Kobani.

Pen­dant un quart d’heure, les sol­dats turcs ont tiré same­di dernier sur les maisons du vil­lage de Kaniya Kur­dan. Les tirs ont con­tin­ué jusqu’au lende­main matin.
Heureuse­ment, il n’y a pas eu de victime.
Plus tard dans la soirée, entre les villes de Dirbisiyé et d’A­mudé, 3 frères accom­pa­g­nés de leurs trois com­pagnes ont été pris sous le feu des sol­dats turcs en poste le long de la fron­tière. Les trois femmes ont été blessées, mais les trois frères, Refet 18 ans, Firas 27 ans et Mezher Osman 25 ans ont tous été tués.

Le père des trois frère Osman, Ebid, a expliqué à l’a­gence Anha que les forces turques veu­lent forcer les syriens à l’ex­il et qu’elles utilisent ces attaques pour accélér­er les départs.
Un autre frère des trois vic­times a imploré la jus­tice inter­na­tionale pour qu’Erdogan soit jugé.

Le lende­main, dimanche, les troupes turques pilon­naient dif­férents vil­lages à l’est de Kobani : Kaniya Kur­da, Qer­e­mox, Koran, ain­si que le vil­lage de Ziyaret à l’ouest de la ville de Kobani.

Au milieu de la nuit de mer­cre­di, les forces turques réat­taquaient à l’arme lourde les vil­lages de Gir­be­nav, de Yab­se et de Siluleh, tou­jours à l’est de la ville de Kobani.
Et au même moment, les troupes du con­seil nation­al syrien lançaient égale­ment un assaut sur le can­ton kurde d’Afrin, à hau­teur du vil­lage de Birc Sileman.

D’autres attaques du CNS ont ensuite visé le dis­trict de Menarez, tou­jours dans le can­ton kurde d’Afrin.

Au nord de la ville de Min­bij, les sol­dats turcs utilisent des mis­siles thermiques.
Une de ces attaques au mis­sile a tué une autre femme, Meryem El-Hes­en, et blessé ses trois enfants. Un autre enfant de 6 ans Ala Musa, est égale­ment grave­ment blessé.

Près de Gire Sipi (Til Abbi­ad), les sol­dats turcs sont entrés sur le sol syrien avec des machines de ter­rasse­ment. À plus de 25 mètres de la fron­tière, les machines creusent des fon­da­tions pour installer des murs. Une délé­ga­tion de la com­mune a été envoyée vers les ter­rassiers pour s’in­quiéter du sort des maisons qui se trou­vent le long du tracé des bull­doz­ers. Après avoir été chas­sé par des tirs d’armes à feu, le représen­tant de la délé­ga­tion a finale­ment pu s’en­tretenir avec les sol­dats turcs et les ouvri­ers de ter­rasse­ment. On lui a con­fir­mé que les pro­jets de con­struc­tion du mur s’en­fonçaient jusqu’à 50 mètres par-delà la fron­tière, et que les maisons qui s’y trou­vent seront détru­ites. Après la vis­ite du délégué de la com­mune, les ouvri­ers ont sus­pendu leurs travaux le temps de con­firmer les ordres d’Ankara.

OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE
LES FDS AVANCENT VERS RAQQA

Depuis le début de la deux­ième phase des opéra­tions mil­i­taires pour délivr­er la ville de Raqqa, les forces démoc­ra­tiques syri­ennes bal­aient la résis­tance du Daesh. De nom­breux vil­lages sont repris tous les jours, et les com­bat­tants de la lib­erté s’approchent tou­jours plus de Raqqa.

Dimanche dernier, c’était le vil­lage de Caber qui était délivré du Daesh. 38 mem­bres du daesh ont été tués lors des com­bats qui s’y sont déroulés. Les avions de la coali­tion menée par les Etats-Unis ont aidé les com­bat­tants. A Caber, les Fds ont aus­si pu repren­dre le site his­torique du château.
Lun­di, les ban­des de Daesh ont voulu lancer une offen­sive pour ten­ter de repren­dre Caber et le vil­lage de Seg­ulê. 18 autres mem­bres de Daesh y ont encore per­du la vie.
Mar­di, les Fds repre­naient le con­trôle du vil­lage de Caber-est.
Mal­gré de mau­vais­es con­di­tions météo, les Fds ont encore pour­suivi leur avance, vers le vil­lage de Hadaj. Plusieurs dizaines de mem­bres du Daesh ont encore été tués lors de ces combats.

Le com­bat­tant Givara Qer­e­mox explique que l’opération pour libér­er Raqqa a été lancée à la demande des habi­tants de la ville. Les com­bat­tants sont déter­minés à libér­er les habi­tants de la bru­tal­ité du daesh, mais la pre­mière des pri­or­ités reste la sécu­rité des civils.
Pour le com­bat­tant Qer­e­mox, les com­bat­tants sont con­fi­ants : les habi­tants de Raqqa les accueilleront et leur offriront toute l’aide néces­saire pour libér­er la ville.

SYRIE DU NORD
L’ARMÉE TURQUE SE LIVRE À DES MASSACRES

Dans le nord de la Syrie, dans la région de Bab, l’armée turque a déjà com­mis plusieurs massacres.
Le co-prési­dent du con­seil de la ville de Bâb, Ahmad Hamo, dénonce ce qu’il appelle l’armée des massacreurs.

Ahmad Hamo rap­pelle tout d’abord ce pre­mier mas­sacre per­pétré par les forces armées turques le 22 décem­bre. 84 per­son­nes y ont été tuées et 45 autres blessées lors d’une attaque de l’aviation turque.
D‘autres mas­sacres per­pétrés par les forces turques ont égale­ment endeuil­lé les local­ités de Bir Kosa, de Sire­sat, de Hol­waniya. A Bab même, le 9 décem­bre, les avions turcs avaient déjà lâché leurs bombes sur un groupe de douze per­son­nes, toutes tuées. Par­mi les vic­times,  il y avait surtout des femmes et des enfants .

Pour le co-prési­dent du con­seil de Bab, on ne peut pas qual­i­fi­er de libéra­teurs les sol­dats d’une armée qui tuent des civils inno­cents. Si la Turquie occupe Bâb, explique Hamo, elle com­met­tra d’autres mas­sacres. Hamo le dit claire­ment : l’armée turque est une armée de massacreurs.
Il appelle donc la pop­u­la­tion de sa ville à s’opposer à tous ceux qui voudront occu­per leur cité.

***

Suite au mas­sacre du 22 décem­bre, les pop­u­la­tions civiles paniquées fuient vers le can­ton d’Afrin. Des mil­liers de réfugiés sont donc arrivés cette semaine pour trou­ver un refuge dans le can­ton kurde.

Par­mi ces réfugiés, d’autres sont en prove­nance des villes de Deir Azzor, frap­pée cette semaine par une frappe aéri­enne d’origine incon­nue, une frappe qui a fait 22 morts dont 10 enfants ce mer­cre­di, ou encore de Jarablus et de Palmyre.

FÉDÉRATION DÉMOCRATIQUE DE LA SYRIE DU NORD
CONGRÈS DE RIMELAN

C’est dans la ville de Rime­lan que s’est tenu entre le 27 et le 29 décem­bre le con­grès de l’assemblée con­sti­tu­ante du sys­tème fédéral démoc­ra­tique de la Syrie du nord.

165 représen­tants des trois can­tons kur­des et des autres régions du nord de la Syrie ont approu­vé le nou­veau con­trat social, la loi organique qui encadr­era le sys­tème fédéral choisi par les habi­tants du nord de la Syrie.

La nou­velle con­sti­tu­tion, appelée con­trat social, a changé le nom de l’entité auto­gérée du nord de la Syrie. On par­lera doré­na­vant de Sys­tème fédéral démoc­ra­tique du nord de la Syrie. Le terme con­sti­tu­tion, qui ren­voie à la for­ma­tion des états-nations, a été évac­ué au prof­it de l’appellation « con­trat social », une référence au philosophe des lumières, J‑J. Rousseau.

Hik­met Hebîb, un représen­tant du con­seil nation­al arabe à Rime­lan, voit dans ce con­trat social une forme de car­net de route pour sor­tir de la crise qui affecte la Syrie. Faisant référence aux réu­nions qui rassem­blent la Turquie, la Russie et l’Iran, Hik­met Hebîb estime que toutes les réu­nions qui se font sans les représen­tants réels du peu­ple syrien sont vouées à l’échec.
Le sys­tème fédéral démoc­ra­tique du nord de la Syrie est un pro­jet qui part d’une dynamique interne à la Syrie.

C’est ce qu’a con­fir­mé Sen­herib Bersûm, un autre mem­bre du con­grès, qui estime que le pro­jet fédéral est appréhendé pos­i­tive­ment par la population.
Rap­pelons que par­mi les points de ce con­trat social, le rôle dévolu aux femmes est de pre­mière impor­tance. Elles seront les chevilles du nou­veau pro­jet politique.

ROBOSKI
5 ANS DÉJÀ

Sou­venons-nous : c’était le 28 décem­bre 2011. Un groupe de vil­la­geois trans­portant des marchan­dis­es à dos de mules dans la mon­tagne, près du vil­lage de Robos­ki, était délibéré­ment visé par une frappe de F‑16 turcs. Il y avait eu 34 morts, dont de nom­breux adolescents.

Le vil­lage de Robos­ki, près de la fron­tière iraki­enne, est peu­plé de Kur­des ayant dû fuir leur vil­lages dans les années 90, après que l’Etat turc les en ait chas­sé en y dis­posant des mines, des mines qui avaient fait à l’époque 5 morts et de nom­breux blessés. Réfugiés le long de la fron­tière, ces habi­tants n’ont d’autre ressource que de per­pétuer le com­merce à dos de mules entre l’Irak et la Turquie. Pour ces habi­tants, la fron­tière ne sig­ni­fie rien. En Irak, juste de l’autre côté, vivent leurs cousins ou leurs amis. Il y a juste au milieu de la mon­tagne une borne de pierre sur laque­lle est gravé le chiffre 15. L’Etat a décrété que ces pau­vres gens sont des contrebandiers.

Le 28 décem­bre 2011, alors qu’ils ren­trent avec leurs mules à Robos­ki, les vil­la­geois con­sta­tent que toutes les routes sont fer­mées par les sol­dats. Dans cette région où le PKK n’a jamais mené d’opération, les unités locales de l’armée con­nais­sent bien les habi­tudes des villageois.
Et pois, un tir d’artillerie résonne. Dans le vil­lage, un homme dont le fils de 13 ans est dans la car­a­vane, entend le tir et s’inquiète. Il télé­phone immé­di­ate­ment au com­man­dant mil­i­taire. L’officier répond à Ubay­dul­lah Encü que ce n’est qu’un tir d’avertissement.

Puis, sur­gis­sent des F‑16 qui lâchent leurs bombes. Un car­nage. Des débris de corps d’hommes et d’animaux sont pro­jetés partout.
17 des 34 vic­times ont moins de 18 ans.
Les sol­dats empêchent les équipes de sec­ours de Sir­nak d’intervenir. Les habi­tants doivent donc aller à pied aider leurs proches. Cer­tains blessés meurent gelés, alors que d’autres se vident de leur sang, faute de soins.
Ce sera sur les sell­es des mulets que les habi­tants ramèneront leurs enfants et leurs frères.

La presse turque ne se posera que deux ques­tions : S’agissait-il de con­tre­bandiers ou de ter­ror­istes et a‑t-on eu affaire à un acci­dent ou à une négligence.

Pen­dant que tout l’ouest de la Turquie se réjouit pour célébr­er le nou­v­el an à venir, le pre­mier min­istre d’alors, Recep Tayyip Erdo­gan, remer­cie le chef de la défense et les respon­s­ables mil­i­taires pour « la sen­si­bil­ité dont ils ont fait preuve ».
Le lende­main du mas­sacre, les sol­dats turcs arrivaient sur les lieux du crime pour brûler tous les restes et faire dis­paraitre les preuves.
Sur le plan judi­ci­aire, le pro­cureur a classé le dossier comme une sim­ple erreur et a aus­sitôt promis que per­son­ne ne serait arrêté. Ce pro­cureur avait pris le temps d’enquêter en sur­volant sim­ple­ment les lieux depuis un héli­cop­tère avant de tir­er la con­clu­sion que l’on ne voy­ait rien. A sa décharge, on y voy­ait d’autant moins que la scène du crime avait été net­toyée par les militaires

ROBOSKI
5 ANS PLUS TARD

Pro­longeant la tra­di­tion néga­tion­niste en vigueur depuis les orig­ines de la République de Turquie, il est inter­dit de rap­pel­er ce genre de faits. Les assas­sins courent donc tou­jours, mais les proches des vic­times sont harcelés, empris­on­nés, réduits au silence.

Veli Encü est le prési­dent du syn­di­cat de Robos­ki. Il a lui-même per­du plusieurs de ses proches dans le mas­sacre. Dimanche dernier, une semaine avant la date de la com­mé­mora­tion, sa mai­son a été envahie par des dizaines de sol­dats à 3 heures du matin. Veli a été empris­on­né avec deux autres amis, le mil­i­tant de la paix Yan­nis Vasilis et Mer­al Geylani.

Fer­hat Encü, le frère de Veli, avait été élu comme député du par­ti HDP pour Şir­nak. Mal­gré son immu­nité par­lemen­taire, Fer­hat a été arrêté et empris­on­né le 4 novem­bre, dans la foulée du coup d’Etat d’Erdogan.

Mar­di, c’était deux autres proches des vic­times qui étaient kid­nap­pés par les sol­dats du rég­i­ment de Gülyazi. Il s’agissait de Ubay­dul­lah Encü, ce père qui avait téléphoné au com­man­dant mil­i­taire peu avant le bom­barde­ment et de Nadir Alma, la sœur d’une autre vic­time. Lors du raid sur le vil­lage, les sol­dats ont men­acé les vil­la­geois de repré­sailles s’ils s’avisaient de com­mé­mor­er la tragédie.

Tahir Elçi, le bâton­nier du bar­reau d’Amed, avait con­sacré sa vie à pour­suiv­re les auteurs des crimes et dis­pari­tions. Le 10 décem­bre 2013, il écrivait dans son car­net qu’il se sou­ve­nait avec respect des évène­ments trag­iques, et qu’il se tiendrait aux côtés des familles dans le com­bat pour la jus­tice. Ce bâton­nier avait été assas­s­iné devant des jour­nal­istes à Sûr, le quarti­er his­torique d’Amed le 28 novem­bre 2015.

Dans un com­mu­niqué, le par­ti Hdp rap­pelle que toute la chaine de com­man­de­ment qui est impliquée dans ce mas­sacre est con­nue, depuis les mil­i­taires jusqu’aux respon­s­ables poli­tiques. Et ces crimes con­tre l’’humanité, rap­pelle le par­ti, ne pour­ront jamais être effacés de la mémoire du peuple.

BAKUR-KURDISTAN DU NORD
CRIMES D’ETAT CONTRE L’HUMANITÉ

Dans les villes et vil­lages du Kur­dis­tan du nord, sous l’administration turque, les vio­lences con­tre les habi­tants se pour­suiv­ent en toute impunité. Après Sir­nak, la ville de Nusey­bin est rasée à son tour, et des civils sont assas­s­inés en toute impunité.

La ville de Nusey­bin est sous la coupe des bull­doz­ers. Les travaux de démo­li­tion des maisons sont ter­minés dans les quartiers de Zeynel Abidin et de Kişla ; ils se pour­suiv­ent dans les quartiers de Dicle, de Firat, d’Abdulkadirpaşa et de Yenişe­hir. Les quartiers détru­its sont cer­clés de bar­belés même quand les pil­lages et les destruc­tions sont ter­minés. Partout dans la ville, on entend le bruit assour­dis­sant des dizaines de bull­doz­ers qui pour­suiv­ent leur sin­istre travail.

https://www.youtube.com/watch?v=Zxoo7_L5X8E

Les mamans de Nusey­bin sont à bout. Lat­ife Akyüz a per­du un fils dans les années 90. Le cimetière où il repose a été démoli par les forces turques. Et elle s’interroge : « quelle reli­gion ou quelle secte exige que l’on s’en prenne aux tombes ? Même lors des guer­res saintes, dit-elle, les morts sont respec­tés. Les forces turques font preuve d’une telle sauvagerie qu’elles exhument les défunts pour les tuer encore une fois. »

Şükriye Çetin a aus­si per­du sa fille dans les rangs du PKK pen­dant les années 90. Elle a revu la tombe de son enfant et celle de sa belle-sœur, décédée en couche, des tombes entière­ment entière­ment démolies. Aucune dis­tinc­tion n’est faite entre les tombes des com­bat­tants du PKK et celles de sim­ples civils quand les sol­dats démolis­sent les cimetières de Nusey­bin. Ils ont tout rasé jusqu’au sol.il ne reste rien, ni tombe, ni murets.

*

Nesibe a per­du son fils, Sedat Kaya, le pre­mier avril de cette année ; Son fils avait rejoint les rangs des unités d’auto-défense, les YPS, à Nusey­bin. Nesibe a recon­nu le corps de son fils à l’institut médi­co-légal d’Urfa, où elle s’est ren­due, mais les autorités refusent pour­tant de lui ren­dre le corps, sous pré­texte de tests ADN à réalis­er, 8 mois après le décès. Pour calmer la douleur de cette mère, il lui faut recevoir le corps de son enfant et procéder à son inhu­ma­tion, mais voilà, les habi­tants du Bakur vivent sous l’administration turque.

*

Plus loin dans le Bakur, à Mardin, les sol­dats qui ter­rorisent les habi­tants ont lancé une opéra­tion mil­i­taire près du vil­lage de Şutê, ce 25 décem­bre. Une auto pas­sait par là. Ils l’ont per­cée à coups de balles, tuant un pas­sager et en blessant un autre. Après le crime, les sol­dats turcs ont par­lé d’un acci­dent à met­tre sur le compte de la guéril­la du PKK.

*

Et puis, à Baglar, il y a le cura­teur Tol­ga Togan. Ce com­mis de l’Etat rem­place les co-bourgmestres élus et il prof­ite des lois d’urgence pour licenci­er le per­son­nel kurde.
Au pre­mier jan­vi­er, 37 tra­vailleurs d’une société d’entretien seront ain­si privés de leur emploi, et ces ouvri­ers iront ain­si rejoin­dre les dizaines de mil­liers d’autres per­son­nes licen­ciées grâce aux lois d’urgence.
Ces lois d’urgence don­nent tout pou­voir aux cura­teurs pour licenci­er : il leur suf­fit de deman­der une let­tre aux ser­vices de police, une let­tre qui doit faire état de liens avec le PKK, et le tour est joué. Il n’y a plus aucune pro­tec­tion légale des travailleurs.

TURQUIE
PROCÈS « ÖZGÜR GÜNDEM »

Deux procès vien­nent de débuter en Turquie cette semaine. Le pre­mier con­cerne l’affaire Özgür Gün­dem

et le sec­ond celui des civils qui avaient pu s’échapper du quarti­er de Sûr, à Amed, un quarti­er qui était livré à la vio­lence des forces armées turques.

La pre­mière audi­ence du procès des respon­s­ables du jour­nal Özgür Gün­dem a eu lieu ce jeu­di. 4 inculpés doivent répon­dre de leurs écrits : le rédac­teur en chef Zana Kaya, l’éditeur Inan Kizilka­ya et les deux mem­bres du bureau du jour­nal, les écrivaines Asli Erdo­gan et Necmiye Alpay.

Ils sont accusés de pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste et d’activités visant à affaib­lir l’unité de l’Etat.

Un élu du par­ti CHP, Bar­iş Yarkadaş, a dénon­cé lors d’une con­férence de presse tenue devant la 23ème haute cour pénale d’Istanbul, la pour­suite des jour­nal­istes sur base de leurs idées, et il a rap­pelé, en présence des représen­tants des syn­di­cats de jour­nal­istes, qu’actuellement il y a en Turquie 650 jour­nal­istes qui sont men­acés en rai­son de leurs pub­li­ca­tions sur les réseaux sociaux.

Un autre élu du CHP, Sez­gin Tan­riku­lu, a expliqué lors de cette con­férence de presse qu’il n’avait jamais vu cela en trente années d’activité judi­ci­aire. Les arresta­tions sont dev­enues une rou­tine, expliquait-il.

Lors de l’audience, Asli Erdo­gan, l’écrivaine bien con­nue pour ses nom­breux romans traduits en français, a rap­pelé que la police avait util­isé ses notes et ses arti­cles pour fab­ri­quer les preuves des crimes dont on l’accuse. « la loi, dit-elle, a été trans­for­mée pour en faire un out­il de manip­u­la­tion ; je me défendrai donc comme si la loi exis­tait, et je n’ai pas à expli­quer ce qu’est la loi à des juristes et à des avo­cats. La sélec­tion de quelques mots sor­tis de 8 livres et de cen­taines d’articles rap­pelle les tech­niques de l’inquisition au moyen-âge. »
Quant au jour­nal Özgür Gün­dem, dit-elle encore, il est né comme une alter­na­tive aux média dom­i­nants qui ignorent tout des vérités con­cer­nant les kurdes.

Necmiye Alpay a rap­pelé lors de cette pre­mière audi­ence la phrase célèbre de Voltaire : «  Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me bat­trai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

La cour a finale­ment décidé de remet­tre pro­vi­soire­ment en lib­erté Asli Erdo­gan, Necmiye Alpay et Zana Kaya pen­dant le procès. Mais Inan Kizilka­ya restera encore sous les barreaux.

PROCÈS DE SÛR
40 PERSONNES JUGÉES À DIYARBAKIR

Un autre procès s’est ouvert à Diyarbakir. C’est celui des 40 per­son­nes qui avaient pu fuir le quarti­er rav­agé de Sûr lors des attaques mil­i­taires du début de l’année 2016.

40 per­son­nes sont jugées devant la cinquième cour crim­inelle de Diyarbakir. 32 de ces per­son­nes sont en prison depuis 10 mois déjà. Par­mi elles, le jour­nal­iste de l’agence Diha, Mazlum Dolan.

Ces rescapés des vio­lences de Sûr sont accusés de vouloir défaire l’unité de l’Etat. On leur reproche aus­si d’appartenir à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste et de vio­l­er les lois con­cer­nant les réu­nions et les man­i­fes­ta­tions. Le pro­cureur requiert à leur encon­tre la prison à vie.

Dilşad Şen­gul, une prév­enue, a souhaité s’exprimer en kurde lorsque le prési­dent l’a inter­rogée. Elle a alors été inter­rompue par le mag­is­trat, qui lui a demandé de se ras­soir ; et ce mag­is­trat d’affirmer que la sus­pecte « racon­tait des histoires ».

Arguant de son droit à se défendre, Dilşad a voulu con­tin­uer à par­ler ; le juge a alors fait inter­venir les gen­darmes, qui l’ont sor­tie de la salle. Les autres sus­pects ont con­testé la déci­sion et tous se sont faits vio­lem­ment attaqués par les policiers et les gen­darmes présents au tri­bunal. L’une des avo­cates, Remziye Tosun, a été tirée sur le sol par les policiers devant sa petite fille de trois ans.
Les gen­darmes ont ensuite con­tin­ué à agress­er les familles des prévenus en dehors de la salle d’audience, dans les corridors.
Le procès s’est donc pour­suivi à guichet fer­mé, avec unique­ment la cour, les pro­cureurs, les avo­cats, la police et les gendarmes.

TURQUIE
LA PRISON POUR SEUL HORIZON

Les arresta­tions des élus des par­tis HDP et DBP se pour­suiv­ent. Mais les pris­ons se rem­plis­sent aus­si de jour­nal­istes. La men­ace des arresta­tions plane égale­ment sur 433 réal­isa­teurs de cinéma.

Ce mar­di à Mez­itli, dans le dis­trict de Mersin, ce sont les bureaux du par­ti Hdp qui ont été van­dal­isés. Sur les murs, les man­i­fes­tants ont peint les trois crois­sants du MHP, le par­ti ultra­na­tion­al­iste ain­si que des slo­gans injurieux. A Istan­bul, ce sont les policiers qui ont saccagé eux-mêmes les bureaux du Hdp, dans le quarti­er de Sul­tan­beyli pen­dant la nuit de lun­di à mar­di. Ils y ont lais­sé des tags racistes avant de s’en aller.
De nom­breux élus et respon­s­ables du Hdp ont encore été arrêté cette semaine dans le cadre de ces opéra­tions de police dev­enues tris­te­ment banales pour musel­er l’opposition.

5 co-prési­dents de dis­trict arrêtés à Balike­sir dimanche dernier, ain­si que le co-bourgmestre de la ville d’Esendere.
Le lende­main, lun­di, c’était le tour des vice-prési­dents du par­ti HDP et DBP, Aysel Tugluk et Sey­di Firat de pren­dre le chemin de la prison. Plus tard dans la nuit, c’étaient 7 autres admin­is­tra­teurs et cadres du HDP d’Istanbul, tous arrêtés lors de raids noc­turnes à domicile.

Mer­cre­di, la co-bourgmestre d’Agri, Mukkades Kubi­lay, était mise aux arrêts après voir été kid­nap­pée par les policiers lors d’un raid au domi­cile de sa fille.
Dans le Hatay, à Mersin, à Bat­man, à Der­sim, partout dans le pays, des dizaines d’arrestations ont encore eu lieu mer­cre­di. Les pris­ons font le plein.

Les jour­nal­istes sont aus­si dans le col­li­ma­teur: 4 d’entre eux ont été arrêtés dimanche dernier à Istan­bul et à Amed ; Omer Çelik, de l’agence Diha a été tabassé lors de son arrestation.
Metin Yok­su, de Diha égale­ment, a vu sa mai­son famil­iale envahie par les policiers sur le coup de minu­it ; tous les télé­phones des mem­bres de sa famille ont été confisqués.

Quant aux jour­nal­istes qui avaient dif­fusé les infor­ma­tions com­pro­met­tant le gen­dre du prési­dent, le min­istre de l’énergie Albayrak, des infor­ma­tions dont nous fai­sions l’écho dans ce jour­nal il y a 15 jours, ils sont eux aus­si enfermés.

Enfin, il y a cette enquête en cours et qui con­cerne 433 réal­isa­teurs de ciné­ma. Ils avaient soutenu l’initiative des intel­lectuels, une ini­tia­tive inti­t­ulée : « Nous ne serons pas com­plices de ce crime » et qui récla­mait la pour­suite des négo­ci­a­tions de paix ;
Le chef de la police d’Istanbul a demandé au syn­di­cat des artistes de lui fournir les infor­ma­tions con­cer­nant l’identité de ces 433 artistes. Ils seront sous le coup d’une nou­velle enquête pour avoir « soutenu le crime et des crim­inels », dans le cadre de la lutte du pou­voir con­tre la pro­pa­gande terroriste ;

RUSSIE IRAN TURQUIE
CESSEZ-LE-FEU EN SYRIE

Les som­mets tri­latéraux entre l’Iran, la Russie et la Turquie ont débuté à Moscou ce 20 décem­bre ; ils se pro­longeront avec les accords d’Astana, la cap­i­tale du Kaza­khstan. Un cessez-le-feu a été con­clu entre le régime et 7 groupes armés.

Ce n’est pas la pre­mière fois que le régime syrien et les ban­des armées soutenues par la Turquie et l’Arabie saou­dite déclar­ent le cessez-le-feu.

Ce dernier cessez-le-feu ini­tié par la Russie a lieu juste après la reprise par le régime de la ville d’alep et celle par le Daesh de la ville de Palmyre.

Ilham Ehmed, la co-prési­dente du Con­seil Démoc­ra­tique Syrien, a fait l’analyse des enjeux de ce qui se passe à Moscou.

Pour la co-prési­dente de l’assemblée démoc­ra­tique syri­enne, le som­met de Moscou n’est jamais qu’un assem­blage uni­latéral de forces, et l’opposition véri­ta­ble au régime n’y est pas représentée.

Ceux qui sont con­cernés par les déci­sions de ce cou­vre-feu ne représen­tent pas la seule oppo­si­tion, dit-elle ; il existe une oppo­si­tion révo­lu­tion­naire en Syrie, une oppo­si­tion qui com­bat pour la démoc­ra­ti­sa­tion et pour l’unité de la Syrie. Une vraie solu­tion pour la Syrie ne peut se met­tre en place si une seule par­tie seule­ment de cette oppo­si­tion est représen­tée. Pour Ilham Ehmed, toutes les par­ties doivent être présentes et se met­tre d’accord pour trou­ver une solu­tion. C’est la seule manière d’améliore la sit­u­a­tion en Syrie. A Astana, le mois prochain, seuls vien­dront ceux qui ont décidé de soutenir le régime. D’ores et déjà, Ilham Ehmed prévoit que cette réu­nion n’aboutira à aucune solution.