Nous voilà dans le noir. Et là vrai­ment. Istan­bul a con­nu hier des coupures élec­triques qui nous ont fait chercher des bou­gies dans les tiroirs.

Quelque part, je trou­ve ça très sym­bol­ique, que la Turquie pour quelques heures ne se fie plus à l’am­poule, mais cherche en elle-même le moyen de s’éclairer.

Si les ânes pou­vaient arrêter de braire der­rière la fée élec­tric­ité et le patron des ampoules, pour cette année nou­velle, ce serait ma plus grande joie.

Le prési­dent, patron des ampoules peut bien éruc­ter à la télévi­sion sur la Turquie mod­erne, le développe­ment et la crois­sance, grâce à l’u­nité de la nation, nous voilà à con­naître des “pénuries”.

Cette belle Turquie, futur tem­ple de la con­som­ma­tion ottomane mod­erne, est dev­enue une Turquie du gaspillage, et du toc des vit­rines et enseignes allumées. Il y a même des bureaux vides
qui éclairent la nuit d’Is­tan­bul, juste pour mar­quer la puis­sance de ceux qui y font du profit.

Paraît que dans votre belle Europe, c’est pareil, et qu’on y con­stru­it aus­si des aéro­ports pour rien, juste pour le fric que ça rap­porte un temps… J’ai lu ça sur Kedistan.

Reste que je peste encore ce matin, pour avoir fait con­fi­ance au réseau élec­trique. Finale­ment, sa Turquie de 2023, c’est celle du manque pour les unEs, et des ampoules allumées pour les autres…
Je sup­pose que le Palais d’Ankara n’a pas sor­ti les bou­gies, à moins que le Sul­tan se soit fait accom­pa­g­n­er aux flam­beaux par sa garde, ou ce qu’il en reste après les purges…

J’ai quand même lu le jour­nal, entre deux coupures. Pas le papi­er, mais celui sur l’In­ter­net, rétabli pour un temps. Et j’ai vu le vis­age de ces femmes, sur le Cumhuriyet. Une mère et une fille, enfin réu­nies. La fille amaigrie, cares­sant son chat noir.
Elle est libre. Dans la même prison que moi. Et elle dit aus­si “je ne me sens pas libre”.
Mais je suis heureuse pour elle, qu’elle ait pu quit­ter ce trou où l’al­lumeur d’am­poules l’avait jetée. Je suis heureuse que ses amiEs, sa mère, aient pu lui ouvrir les bras. Et je voudrais tant que ce soit la Turquie entière qui le fasse.

Quand on com­mence par glo­ri­fi­er l’ig­no­rance et incar­cér­er ceux et celles qui nous élèvent avec des mots, la bar­barie guette.

Elle dit si bien com­ment ce régime là, fait tomber la peur sur les épaules de celles et ceux qui ne le sou­ti­en­nent pas. Une “grande peur de l’om­bre est tombée sur elle”, alors que pour­tant ses sou­tiens la met­taient en pleine lumière. Elle par­le de la prison qui crée le vide, de l’acharne­ment de la police, des absur­des accu­sa­tions con­tre elles, juste des­tinées à faire tenir les autres tranquilles.
Elle a du mal à décrire ce que la prison con­stitue comme expéri­ence humaine “inhab­ituelle”. Et pour­tant, les mots pour le dire étaient dans son ouvrage Le bâti­ment de pierre.

Elle par­le de “pro­jets” aus­si. De ceux qui ont été empêchés par son arresta­tion, par le har­cèle­ment de la police, par l’im­pos­si­bil­ité de voy­ager, sauf entre les murs.
Elle nous dit entre les mots que cette vie là depuis août l’a oblig­ée à aller chercher en elle la vie, alors dit-elle, qu’elle “com­mençait une dépres­sion”. Et cette vie là, devien­dra un livre, soyons en sûrs.
Qu’on la laisse tran­quille, elle et les autres !

Oui, je sais, ça ne sert à rien ce que je dis, tout comme pester con­tre l’am­poule qui n’é­claire que le vide des consciences.

Mais si Aslı a puisé dans son enfer­me­ment la capac­ité de résis­ter, il faut le faire savoir.
Pas pour souhaiter à tous cette expéri­ence, bien sûr. Mais parce qu’un jour tous les ânes décou­vriront peut être qu’ils vivent dans un enc­los qui se rétréc­it de jour en jour, et que l’herbe vien­dra à manquer.

J’ai quand même vu que des “enquêtes” sur le futur référen­dum pour le “change­ment de Con­sti­tu­tion” ne don­naient pas la vic­toire automa­tique au Sul­tan. Je m’en réjouis, mais j’ai aus­si la crainte qu’il ne nous déclenche encore une guerre con­tre… au hasard… les Kur­des de Syrie, his­toire de met­tre la pres­sion. Main­tenant qu’il s’est mis la pou­tiner­ie de son côté…

Enfin, bonne année 2017… On devrait peut être atten­dre un an ou deux pour le dire non ?


Image à la une : Cumhuriyet (Il était impos­si­ble que Kedis­tan n’u­tilise pas cette pho­to. Mer­ci beaucoup)


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…