Müj­gan Ekin, mil­i­tante fémin­iste, présen­ta­trice et pro­duc­trice de la chaîne kurde Özgür Gün, et mem­bre du Con­seil Munic­i­pal de Sur, quarti­er his­torique de Diyarbakır récém­ment rasé, a “dis­paru” depuis 24 octo­bre 2016, autour de 15h.

La dernière fois où elle a été vue, elle se rendait chez une amie. Elle pre­nait un taxi. Un véhicule blanc de type util­i­taire coupa la route du taxi. Des indi­vidus s’an­nonçant­comme étant de la police, la font descen­dre, la mon­tent dans leur voiture, et repartent.
Sa famille, amiEs et proches la cherchent depuis…

Début décem­bre, Tevgera Jinên Azad (TJA — Mou­ve­ment des Femmes Libres) a fait un appel aux organ­i­sa­tions de société civile de femmes et fémin­istes, à l’opin­ion publique, pour se mon­tr­er sol­idaire, devant cette dis­pari­tion, sum­mum des vio­lences faites aux femmes, pour laque­lle les autorités se taisent toujours.

En fin de mois, 35 jours après la dis­pari­tion de Müj­gan, Sela­hat­tin Demir, la secré­taire générale du IHD (Asso­ci­a­tion des Droits Humains) a fait une con­férence de presse, en com­pag­nie du père de Müj­gan, Esat Ekin.

Lors de cette con­férence, Sela­hat­tin Demir a pré­cisé qu’une requête avait été adressée auprès de la Direc­tion de la Sécu­rité, ain­si que du Min­istère de l’In­térieur, afin de deman­der des infor­ma­tions sur le sort de Müj­gan. Mais aucune infor­ma­tion n’a été com­mu­niquée en retour.

Esat Ekin, a don­né sa ver­sion des faits.

Müj­gan était arrivée de Diyarbakır à Ankara, le jour même où elle a dis­paru. Ne pou­vant pas join­dre sa fille sur son portable, qui parais­sait, et parait tou­jours éteint, il l’a cher­chée partout où il pou­vait pen­dant trois jours et a déclaré sa dis­pari­tion auprès du Pro­cureur de la République d’Ankara. Mal­gré le fait qu’il passe tous les jours au bureau du Pro­cureur, pour pren­dre des nou­velles, Esat Ekin, a décou­vert seule­ment le 14 novem­bre, quand il s’y est ren­du de nou­veau, mais cette fois accom­pa­g­né de son avo­cat Mesut Özer, que sa déc­la­ra­tion n’avait pas été prise en charge et que Müj­gan n’é­tait pas enreg­istrée comme “per­son­ne dis­parue” et par con­séquent, les enreg­istrements des caméras de sécu­rité sur son par­cours n’avaient pas été con­sultés. Müj­gan a été déclarée offi­cielle­ment “dis­parue” seule­ment au bout de 18 longs jours après sa dis­pari­tion. La déc­la­ra­tion a été enreg­istrée au Cen­tre de Police Batıkent, le quarti­er où Müj­gan avait été vue en dernier. Mais, dans ce cen­tre de police aucun reg­istre de garde-à-vue pour Müj­gan ne s’y trouvait.

L’av­o­cat Mesut Özer souligne égale­ment, que le fait qu’il n’y ait pas de reg­istre de garde-à-vue, mal­gré les témoignages, éveille les doutes. Un retard de 18 jours, est un délai trop impor­tant et peut avoir de graves con­séquences, même pour une dis­pari­tion ordi­naire. Or, celle de Müj­gan recèle des points obscurs et flous, rap­pelant les nom­breuses per­son­nes, méthodique­ment “dis­paruEs en gardes-à-vue” des années 90 en Turquie et les fos­s­es com­munes décou­vertes plus tard…

En con­statant qu’il n’y a aucune recherche con­crète, le père Esat Ekin, a com­mencé donc à chercher sa fille lui même. Il s’est ren­du à Batıkent, où sa fille avait été aperçue pour la dernière fois avant sa dis­pari­tion. Il a réus­si à retrou­ver le chauf­feur qui avait trans­porté Müj­gan. Le chauf­feur a pu apporter des détails sur le moment de dis­pari­tion, et a égale­ment déposé son témoignage auprès des autorités.

Voilà com­ment se recon­stitue le déroulé :

Müj­gan, dans le quarti­er Batıköy, passe un coup de fil à son amie Zer­rin, pour lui deman­der com­ment se ren­dre chez elle. “Prends un taxi à l’ar­rêt du “Metro Tak­si” et descends devant la rési­dence, je viendrai te chercher.” lui dit-elle. Müj­gan prend donc un taxi et demande au chauf­feur de se diriger vers la Rési­dence Pera où habite son amie.

Le chauf­feur de taxi explique qu’il s’est ren­du compte qu’il était suivi par une voiture de mar­que Ford-Focus. “En arrivant devant la rési­dence, je me suis arrêté et une voiture Doblo, nous a coupé la route. Ensuite, des hommes qui se sont présen­tés comme des policiers, ont descen­du la dame du taxi, en me dis­ant qu’elle était une ‘bombe humaine’ ”.

Le père de Müj­gan a trans­mis, toutes les infor­ma­tions qu’il a peu recueil­lir au bureau du Pro­cureur, mais le Pro­cureur n’a fourni aucune infor­ma­tion autre que celles qu’il a obtenues lui même.

Esat Ekin est très inqui­et : “Si dans une ville comme Ankara, une per­son­ne peut dis­paraitre en plein jour, à 15 heures, et qu’elle ne peut pas être retrou­vée, c’est de la respon­s­abil­ité de l’E­tat. Elle sem­ble avoir été arrêtée et mise en garde-à-vue, mais il n’y a aucune trace offi­cielle. Sous l’é­tat d’ur­gence les gardes-à-vue peu­vent dur­er jusqu’à 30 jours. Ce délai est large­ment dépassé. Je veux ma fille. Je suis per­suadé que ma fille est en garde-à-vue. Je me demande si on n’est pas retourné aux années 90. Nous allons venir en famille à Ankara et atten­dre devant le Par­lement jusqu’à ce que ma fille soit retrouvée. ”

Les mères de “dis­paruEs” con­tin­u­ent inlass­able­ment de se réu­nir publique­ment pour obtenir des nou­velles des enfants ou proches qu’elles ont per­du et dont les corps ne furent pas retrou­vés dans les fos­s­es com­munes de la bar­barie des années 90. On peut raisonnable­ment se pos­er la ques­tion aujour­d’hui, de la résur­gence des pra­tiques d’en­lève­ments, de tor­tures et d’in­ter­roga­toires suiv­is de meurtre poli­tique, qui furent pra­tiqués massivement.

Müj­gan Ekin n’est pas qu’une “présen­ta­trice” de plateau télévisé, mais bien aus­si une femme entière­ment engagée pour la paix et la démoc­ra­tie en Turquie, et c’est une femme, et cela dérange à dou­ble titre. La pra­tique des enlève­ments est une pra­tique “ter­ror­iste” en direc­tion de celles et ceux qui refusent encore de baiss­er la tête, mal­gré les purges, les emprisonnements.

Exiger la vérité pour Müj­gan Ekin, c’est dénon­cer ce qui accom­pa­gne la fas­ci­sa­tion de ce régime, dont on peut crain­dre qu’il s’en prenne aus­si aux “otages” par mil­liers qu’il détient dans ses geôles.

#OuEst­Mu­j­ganEkin #WhereIs­Mu­j­ganEkin  #Muj­ganEkin­Nerede


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