Esra est une trans en détention en Turquie. Les conditions de détention sont très difficiles pour les trans femmes dans les prisons turques. Nous avions déjà publié les témoignages de Zehra détenue à Adana, et de Sibel incarcérée à Istanbul, et tenue illégalement en isolation dans une prison d’hommes.
Les organisations de société civile LGBTI ou/et de solidarité avec les prisonnierEs font ce qu’elles peuvent pour soutenir les déténuEs LGBTI. Mais rappelons que la solidarité associative opposante au système et au régime actuel turc, a été secouée par la récente fermeture de près de 400 ONG, apportant aussi bien de l’aide juridique que du soutien quotidien.
Son histoire recoupe hélas l’histoire des vies carcérales de plusieurs femmes trans…
Esra, en isolement entre les hommes
Esra, condamnée à la perpétuité est en prison depuis 13 ans. Elle a été récemment transférée de la prison de Menemen, à Eskişehir et tenue elle aussi comme Sibel en isolation. Cette méthode, pratiquée d’une façon généralisée, et motivée par la direction des prisons comme “pour la propre sécurité du détenue trans femme” permet son maintien en prison d’hommes. Or, elles demandent toutes leur transfert vers des prisons de femmes. Le témoignage d’Esra fait preuve, une nième fois des dangers de cette pratique.
Esra a écrit une lettre à sa tutrice Merve Arkun, et a temoigné de ce qu’elle endure en prison.
Voici des extraits :
Je ne suis pas bien, ma soeur, je suis très mal. Cette fois ils m’ont détruite. Pour pouvoir écrire ces lignes, j’ai attaché le crayon à ma main avec des bandages, car j’écris très difficilement. Je mange, comme un chien, en mettant ma tête dans l’assiette, depuis 4 jours je ne peux pas quitter le lit.
C’est pire que d’être renversé par un camion. Si j’étais écrasée par un camion, on m’hospitaliserait. Il y aurait quelqu’un à mon chevet, qui me ferait manger. 10, 15 personnes me sont passées dessus, comme je dis si c’était un camion c’était mieux. Je suis revenue de la mort. Tu connais, quel genre de haine ils portent envers moi. Cette fois ils m’ont détruite totalement. Je n’ai pas de bouton d’urgence. Je suis obligée de tambouriner la porte à l’heure de sortie à la cour. Mes heures de sortie sont limitées à cause du planning horaire des fonctionnaires. Quand c’est mon tour, ils ne m’ouvrent pas la porte, alors je frappe pour qu’ils ouvrent. Ils me disent, “Frappe pas à la porte, pédé !”. Ils m’ont menacé de mort, juste parce que j’ai frappé à la porte. Ils sont venus, ils étaient 10, 15. Je m’étais focalisé sur celui qui m’insultait, je me suis fait surprendre. Celui qui me menace, mais se cache. Ils m’ont neutralisée. Et c’est lui qui m’a frappée le plus, et il a arraché mes cheveux en disant “Le pédé, laisse pousser ses cheveux !”.
Dans la pièce calfeutrée
Ils ont bouché mon nez et ma bouche. Ils ont essayé de me tuer. Ils ont dit qu’ils allaient dire que je suis morte d’un crise d’asthme. J’ai mordu la main et essayé de respirer. Ensuite ils m’ont emmenée en me traînant, dans la pièce calfeutrée. Là bas, les coups ont continué. Ils ont aussi attaché mes mains au dos par des menottes en plastique. Celui qui me menaçait a dit “Ce pédé, qu’il perde ses mains de gangrène… qu’il ne puisse plus frapper à la porte !”. Ils ont ensuite menotté les pieds aussi et ils ont attaché mes mains et mes pieds au dos. Je suis restée comme ça pendant 4 heures. J’ai subi la torture “corde de cochon”.
Pas de soin, mais procès-verbal
Esra explique qu’elle n’a pu voir le médecin. Seulement deux jours plus tard et difficilement :
Ils m’ont empêché d’obtenir un rapport d’agression. Ils m’ont laissé voir un médecin deux jours plus tard, suite à mon insistance. Quand le médecin a vu l’état de mes mains, il m’a transférée à l’hôpital. Mais ils ont empêché aussi les soins. Mes mains allaient être mises en plâtre… Le médecin les a juste bandées et prescrit des médicaments.
Voilà ma soeur, je ne pas sortir du lit, depuis quatre jours. Je ne sens plus mes mains, elles sont engourdies.
Ils sont coupables mais ils ont fait un procèe-verbal. Je ne connais pas le contenu, ils ne me l’ont pas montré. La seule chose que j’ai pu lire en signant, c’est la case “crime”. C’était écrit “Insulte à un fonctionnaire d’Etat”. Je ne connais pas le reste. Je ne sais pas avec quelles mensonges, ils l’ont rempli… Je suis très mal, ma soeur.
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Si vous souhaitez être solidaire, voici la page facebook de soutien à Esra (en turc) :
Trans Kadın Esra ile Dayanışma İnsiyatifi