Sortie d’enfance d’un siècle, à peine adolescence, sous l’ombre portée de drapeaux menaçants, comme j’aimerais seulement te dire ” on n’est pas sérieux quand on a 17 ans. ”
Siècle numérique où rafraîchir une mémoire ne la rend pas plus vive, mais efface les données passées, les racines du présent, le cache. Tu bégaies tes discours nationalistes et tes postures de soldats de plomb post-modernes, et tu les socialises en réseaux.
Lorsque le noir et blanc sur un écran rappelait les guerres d’avant, les numérotées, “les fins d’empires”, il égrenait pourtant des “plus jamais ça” et se figeait un moment sur des génocides, pour mieux les renvoyer à un siècle mort…
Le nôtre, serait plus juvénile, plus post-moderne, plus néo-libéral, plus “câblé”, plus dronés, plus plus… Et ses génocides ne peuvent être.
Et, à deux pas d’un écran plat, chacun sait que la guerre n’y existe plus, rassurons nous avec cela. Alors pourquoi sonner un tocsin, le feu s’allume à peine. Pourquoi crier “aux loups” ?
Ce web magazine ne se voulait pas un charroi pour cadavres à la une.
Deux ans après sa naissance virtuelle, nous voilà pourtant à commenter chaque jour, le lot des “victimes”, ou des promises aux bourreaux. Nous voilà aussi à nourrir les pages de “lettres de prisons”.
A la question de quelqu’un qui demandait ce que Kedistan disait de la Turquie, comme on se renseignerait près d’une agence de voyages, je n’ai su répondre que : “on essaie comme on peut, de montrer que se taire sur ce qui se passe au Moyen-Orient, c’est se préparer à vivre des années noires ici”.
“Oui mais ici, c’est pas pareil. Nous n’en sommes pas là…
C’est bien d’ailleurs pourquoi on ne veut pas de “ça” dans l’Europe”… ai-je entendu en réponse.
Et avec le “ça”, pour faire bon poids, on ajouta les réfugiés. On ne manque pas de main-d’oeuvre nationale pour reconstruire les murs et dérouler les rangées de barbelés, alors…
La nuit tombe sur un camp d’en face.
De temps à autre, pourtant, une vigie médiatique alerte.
La Turquie voudrait “légaliser la pédophilie”, la Turquie voudrait “rétablir la peine de mort”, la Turquie voudrait “s’éloigner définitivement de l’Europe”… Et les “réseaux” bruissent de “eux” et de “nous”… et de “pas de ça dans l’Europe”, pour quelques heures dans ce siècle.
Alors on donne des chiffres, on publie des images, on emploie des gros mots, on manifeste, mais las, las, il est toujours une déclaration de “grande inquiétude d’une commission” qui vient rappeler que s’il y a fuite de la “démocratie” et perte de “substance” européenne, la grande “amitié” pourvoira aux “améliorations” et aux “corrections indispensables”. Et le “pas de réfugiés dans l’Europe” se voit reconduit.
Cette substance européenne s’est répandue comme cervelle de chat écrasé dans le caniveau… comme en 1938 on négocia Munich.
Le siècle de tous les possibles, disaient les oracles de Silicon Valley.
Ben oui, ça m’arrive aussi, de ne pas avoir envie de commenter l’actualité… Ce sera ma contribution, bouteille vidée, lettre dedans, pour Aslı Erdoğan.