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Qua­tre arti­cles de d’Aslı Erdoğan, ont été util­isés pour “instru­ire” les chefs d’ac­cu­sa­tion. Kedis­tan les pub­liera en sou­tien à la cam­pagne de sen­si­bil­i­sa­tion actuelle­ment en cours. #FreeAsliEr­do­gan !

Aslı Erdoğan, écrivaine, est détenue depuis 16 août 2016, dans la prison de Bakırköy à Istan­bul et la peine de prison à vie est demandée à son encontre.

Il est tou­jours périlleux de traduire de tels textes en urgence, et la langue d’Aslı, son écri­t­ure, en en tra­ver­sant une autre, peut y per­dre, comme dans un filet, quelques étoiles…


Arti­cle pub­lié le 29 mars 2016

Ceci est ton père

Je con­tin­ue la com­pi­la­tion d’ex­traits des arti­cles de presse, des témoignages, des déc­la­ra­tions des familles, des com­mu­niqués des autorités et les graffitis…

Alors que le cou­vre-feu arrive à son 96ème jour dans le quarti­er Sur de Diyarbakır, la com­mune a été bom­bardée par des tirs de char, non stop.… 44 per­son­nes qui ont voulu quit­ter la com­mune en début de semaine, dont 19 enfants ‑un bébé nom­mé Elif Su- sont encore en garde-à-vue… A Idil, le cou­vre-feu est entré dans son 19ème jour… (6 mars)

Les forces spé­ciales ayant instal­lé leur quarti­er général à Yük­seko­va, ont partagé sur les réseaux soci­aux, ce qu’elles avaient écrit sur les tableaux des écoles : “Nous sommes venus pour mon­tr­er des beaux jours”…“L’ezan [l’ap­pel à la prière] ne cessera pas, le dra­peau ne se bais­sera pas”, “Con­quête 2016 Mars” (6 Mars)

Suite aux attaques effec­tuées avec des armes lour­des, chars et canons, à Cizre, com­mune de Şır­nak, 1200 maisons sont lour­de­ment endommagées.”

Le fait que des dizaines de per­son­nes blessées dans des sous-sols aient été brûlées, et que la majorité soit enter­rée sans avoir été iden­ti­fiée, dans les fos­s­es com­munes.… Env­i­ron 300 vies de per­dues, dont celles des enfants, bébés et per­son­nes âgées… Le fait qu’il y ait des corps sous les décom­bres, que des morceaux de corps en sor­tent, qu’il y ait des corps démem­brés, séparés en deux, jambes arrachées, tête retirée…”

Où est l’hu­man­ité ?” (M. Duy­mak en liai­son directe sur la télé, depuis un sous-sol)

Ils m’ont don­né un sac d’os, ils m’ont dit, ceci est ton mari.” (L’épouse de M.Duymak)

Le fait que, des cadavres de chat, de chien soient accrochés aux arbres comme aver­tisse­ment, que des slo­gans racistes et sex­istes soient écrits sur des lin­geries de femmes…” “La ‘chat­te’ a touché la dent du loup, ayez peur”. [Rime avec des graf­fi­tis “le sang a touche la dent du loup, trem­blez”], “Les filles, nous sommes venus, nous sommes entrés dans votre tanière”.

Ma grande soeur a été mas­sacrée, brûlée. Son corps est car­bon­isé. En étant immolées, avec son amie Sakine, elles se sont enlacées. Leur corps se sont fusion­nés. Impos­si­ble de les séparer.”

L’herbe verte brûle avec l’herbe sèche.” [proverbe turc] “Nous avons démon­tré la puis­sance de l’É­tat, nous allons main­tenant mon­tr­er sa com­pas­sion.” [graf­fi­tis]

  • L’E­tat est arrivé (avec le sym­bole des ultra­na­tion­al­istes) — The state has arrived (with the sym­bol of ultra-nationalists)

Dans les sous-sol, l’odeur de graisse humaine est fixée, il est évi­dent qu’ils les ont brûlés vivants.”

Le fait qu’une famille ne puisse pas attein­dre la céré­monie funéraire de ses enfant, est du jamais vu. Il nous reste 200m pour nos funérailles, nous ne par­tirons pas sans les faire.”

Le 11 décem­bre, je suis entré à Sur pour récupér­er de la fer­raille. Quand le cou­vre-feu a com­mencé, je suis resté 79 jours… Huit, neuf enfants, nous étions dans le même sous-sol. Un d’eux a écrit son nom avec du fil de cuiv­re et l’a accroché à son cou… Un enfant a pris dans la tête une balle de lance grenade. J’ai atten­du à sa tête pen­dant deux heures. Ensuite, il est mort.” (Ş. D, 15 ans)

Je n’ar­rive pas à pren­dre sa dépouille depuis deux mois. Mon fils était hand­i­capé de la main, il s’é­tait fait attrap­er par une machine. Il était grand.”

Ils dis­ent qu’une dépouille sort. Nous nous dis­ons que c’est peut être lui/elle, nous allons à l’hôpi­tal, et nous revenons. Les gens s’at­tris­tent quand les dépouilles arrivent, nous, nous sommes heureux de les trou­ver…” “Mon fils a été mas­sacré dans la rue où il est né, et a gran­di. Avec quelles souf­frances je l’ai élevé, dans quelle pau­vreté… Il est par­ti, nous ne l’avons pas encore trou­vé. Per­son­ne n’a trou­vé per­son­ne…” “Ma fille était à la dernière année du lycée. Il y a [juste] une bar­ri­cade entre ma fille et moi, qu’ils l’en­lèvent, que j’aille la chercher. Même si c’est juste un os…”

Ils nous ont prévenus, ils avaient brûlé 60 per­son­nes. Nous n’avons pas pu le croire pen­dant un moment. Ensuite, nous y sommes allés, et avons regardé. Cinq kilos d’os et de chair, on ne com­prends pas. Ils ont dit, ceci est ton père.”

Hap­py end au sous-sol” [Graf­fi­ti]

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