Les pro-Erdoğan ont man­i­festé hier après-midi, place de la République, à Paris, con­tre le “ter­ror­isme”…

La place était rem­plie de dra­peaux turcs. On avait bien com­pris, ils étaient turcs. Pas un peu, pas assez, juste la dose iden­ti­taire qu’il fallait.

Non, il n’y avait pas de match de foot­ball opposant la Turquie à une autre équipe nationale. Il paraît qu’il fai­sait une man­i­fes­ta­tion “poli­tique”.

On a pas vu de bière dans les stands et c’est dom­mage. Pen­dant une man­i­fes­ta­tion, ça fait tou­jours du bien, et ça désaltère, surtout, une bonne Efes Pilsen.

Des hommes et des femmes, accom­pa­g­néEs par­fois de leurs enfants s’ac­crochaient au dra­peau “turc” des deux mains. Il y avait du vent. Ils avaient sûre­ment peur qu’il s’en­v­ole. Le flot­te­ment d’un dra­peau, c’est un sym­bole très fort pour les pro-Erdoğan. Dans leur lan­gage, il s’ag­it d’une démon­stra­tion d’un Etat fort, c’est-à-dire frontale­ment opposé au “ter­ror­isme”. De ce fait, il n’é­tait pas ques­tion que le dra­peau s’en­v­ole, et surtout pas sans doute sur la tête de Fetullah.

On ne pou­vait pas le rater, le dra­peau turc, sauf pour les aveu­gles. Eux ils n’ont rien vu, et ce n’est pas plus mal. Par con­tre, ils ont du enten­dre les cris et c’é­tait sans doute très désagréable, car ils ont l’ouïe plus dévelop­pée que la moyenne. Une cacoph­o­nie générale avec un tin­ta­marre organ­isé réson­naient. On m’a même dit que dans ce grand bazar, avaient reten­ti des “march­es de Janis­saires” ottomanes.

Quand un des par­ti­sans hurla “Allah akbar”, la foule a repris en cœur avec énergie. Dieu omni­scient et omnipo­tent, du haut de son nuage parisien, répon­dit à leur appel. L’eau, source de vie, sym­bole impor­tant, s’a­bat­tit d’un coup. C’é­tait la pluie, mais pas n’im­porte quelle pluie. C’é­tait une pluie divine. Elle répondait à leurs volon­tés et à leurs attentes. Les mal­heureux n’ont pas su com­pren­dre ce sym­bole de cette manière. Ils se sont cou­verts de capuch­es pour les uns et de para­pluies pour les autres.

Ils étaient excités comme des mouch­es dans un dou­ble-vit­rage, tour­nant dans tous les sens. Comme le ser­pent, ils étaient prêts à bondir sur tout ce qui bouge. Quand un gen­darme leur enl­e­va les bâtons de bois qu’ils bran­dis­saient, scan­dale illi­co presto. Touch­er du bois per­met à la chance ne va pas tourn­er, autant tenir une barre en bois.

En manque de tri­bun et manque de berg­ers, ils ont mis l’effigie d’Er­doğan au pre­mier plan. Des dra­peaux colos­saux à l’Im­age leur “leader mon­di­al”, ils voulaient peut-être faire con­cur­rence au colosse de Rhodes ou à la stat­ue de Mar­i­anne, mais c’é­tait raté. En par­lant de mise en con­cur­rence, Erdoğan sait y faire. Il était instal­lé entre les stat­ues de l’É­gal­ité et de la Fra­ter­nité. Ils auraient pu au moins lui faire touch­er la lib­erté, afin que la théorie précède la pra­tique. Je suis assez déçu.

Face à cette mas­ca­rade, les affron­te­ments qui ont eu lieu sur la place, venant de jeunes ou de moins jeunes, ont fait quelques manchettes dans les médias, suiv­ant en cela l’at­ti­tude de la police parisi­enne. Auraient-ils peur, eux aus­si, de cri­ti­quer Erdoğan ?

Pour­tant les con­tre-man­i­fes­tants, eux avaient des raisons d’être en colère, con­traire­ment à cette foule venue là en car­naval pour célébr­er son sultan.

Une sit­u­a­tion plus que grotesque, pour un dimanche plu­vieux encore sous état d’urgence.

Pierre Le Bec


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